Citations de Véronique Ovaldé (788)
"Le monde de Lancelot était mouvant et précaire et les choses apparaissaient et disparaissaient selon une logique qui lui échappait, mais qu'il acceptait facilement. Lancelot aimait que les choses s'égarent. Ca lui rappelait en douceur l'existence de dimensions parallèles." (p. 18 & 19
"Il est fort probable que Lancelot accorde trop d'importance aux paroles. Il prend tout au pied de la lettre." (p. 88)
"il ne connaissait d'elle que le grain de sa peau, sa tendance à privilégier les alcools forts et son amour des animaux en voie de disparition." (p. 118)
"Ce fût la deuxième coïncidence. Mais les rencontres sont finalement une accumulation de coïncidences qui fait que deux personnes, essayant de résister à la malice du destin et de détourner les chemins qui les mènent l'un vers l'autre, se dirigent inexorablement vers une collision fatale."
"... elle ne disait jamais ce que les femmes de Vatapuna répétaient sans cesse, qu'elles attendaient d'un homme qu'il soit travailleur, qu'il les aime et les respecte, parce que, quand elle entendait ça, Rose Bustamente levait les yeux au ciel, haussait les épaules et s'exclamait, Autant espérer une pluie d'or du cul d'un âne."
...,Lancelot s'eloigna et il entendit la petite dire,Tu m'ecoutes?et meme a present qu'il etait vraiment loin de cette femme et de sa petite fille,il continua d'entendre celle-ci repeter,Tu m'ecoutes,tu m'ecoutes,tu m'ecoutes?Et Lancelot se dit qu'elle inventait peut-etre des reves pour que sa mere l'ecoute.
Avec le heurtoir, elle frappa à la porte au sommet des cent trente-deux marches ( certaines manquaient, d'autres étaient recouvertes de lianes et dévorées par les intempéries), elle était tremblante mais tout de même un brin faraude, elle frappa une seconde fois la petite main de métal sur son support et entendit des loquets se décadenasser et des bobinettes choir."p: 79-80...
..." Et même si Vera Candida était terrorisée et se demandait si elle n'était pas en train de pénétrer dans l'antre d'un ogre, ses jambes habituées à obéir avancèrent." p : 80
La naissance de Violette:
P61: "La grosse Roberta accouchait généralement les femmes de Vatapuna. Elle vint en espérant qu'il n'y aurait qu'un bébé. A entendre Rose Bustamente vociférer on eût pu penser que la force conjuguée d'une série de triplés lui démembrait le corps. En fait il n'y avait dans ce ventre qu'une minuscule fillette noiraude et muette, qu'il fallut fesser à plusieurs reprises pour qu'elle acceptât de respirer un coup. Rose Bustamente eut un moment d'effroi en voyant tout le sang qui souillait le sol de sa cabane, elle se dit, Mes entrailles s'en sont allées, elle désira faire signe à Roberta pour qu'elle s'attelât à remettre dans son ventre l'étoupe qui s'en était échappée, Je ne veux pas mourir sans mes entrailles, elle désira parler mais elle était trop épuisée, on lui posa la toute petite sur la poitrine, ça gigotait, c'était visqueux, chaud et ça sentait le sang et la viande et la merde."
Lancelot a le sentiment parfois d'être un dinosaure. Il lui semble avoir autant de grâce que ces grosses bestioles-là. En outre il est convaincu de vivre selon un système archaïque qui n'est plus en vigueur depuis quelques millions d'années.
Par exemple, pour Lancelot, les mots ont du sens.
Il lui avait tendu la main et il avait dit, C'est bizarre, les femmes, ça voudrait toujours être la plus maigre de l'assemblée. Elle avait souri encore et conclu, Ne t'inquiète pas, je m'arrange avec mes déceptions.
Elle entend les gens râler, Avancez vers le fond, putain. Elle se dit qu'ils sont tous (elle comprise) des personnages de second plan dans la vie des autres. Des figurants. Comme ceux qui se font assassiner au début du film ou engloutir par la coulée de lave. Mais ils sont le centre de leur propre vie. Leur propre fil à plomb. Et cet agrégat de fils à plomb dans un espace aussi réduit est une aberration. Ça pourrait même devenir explosif. Elle imagine une nuée de phylactères au-dessus de leurs têtes. Chacun dirait, Je suis la personne la plus importante de ma vie.
De toute façon elle surjoue l'agente immobilière, elle utilise des mots comme "espace atypique", "îlot central" ou "micromarché". La manière dont elle s'évertue à tenir son rôle est assez désarmante.
Et au fond ce n'était pas cher payé : échanger les épaules du Père contre la joie d'être la gardienne de l'orchidée la plus délicate du monde.
Elle pensait à son cœur d'adolescente criblé de balles. Et elle comprit que Lili avait définitivement disparu quand elle cessa enfin après tant d'années de lui parler chaque matin alors qu'elle enfourchait son scooter, quand la petite voix dans sa tête arrêta de discuter et de justifier et d'argumenter, et quand sa grande colère et son grand chagrin s'effilochèrent pour ne devenir que les vagues cumulus d'un ciel de traîne.
Jo ne pouvait pas être jalouse de la beauté de son amie. Car c'était comme quelque chose de contagieux. Elle était heureuse de se promener aux cotés de Lili et de surprendre les regards qui se tournaient vers elle. Parce que c'était avec elle que Lili se promenait et avec personne d'autre.
Jo avait toujours aimé aller chez Lili. Voir sa propre maison depuis le jardin de son amie lui donnait un sentiment d'étrangeté qui la ravissait. C'était comme de surprendre son reflet dans un miroir et de ne pas se reconnaître. Tenter de deviner à quoi l'on ressemblerait et quel effet on produirait si l'on n'était pas soi.
Vous pouvez être un ancien enfant voyant mexicain et ne rien voir venir. Il n'y a pas de secret, cher Hernan, quand on se sert trop peu souvent de ses talents (horlogers ou voyants ou quels qu'ils soient), ils ne peuvent que finir par s'émousser.
On ne perd qu'une chose dans sa vie, continuellement, se dit-elle. On retrouve cette chose, quelle qu'elle soit, une sensation, un menu plaisir, un espoir, on retrouve son écho et on la reperd indéfiniment. Elle a parfois l'impression de se dissiper dans l'atmosphère. Là elle devient une nuée de particules qui se dispersent au-dessus des voyageurs, c'est une pensée consolante après cette morne journée, une nuée de particules rêvant de grec ancien et de salon de thé.
Aïda se demande comment sa mère passe de "votre père" à "ton père", si cela a un sens, puis elle se dit qu'il faut cesser de chercher un sens à toutes les choses, la surinterprétation est un piège, il faut que se taise le commentaire ininterrompu, parasitaire et partisan que son cerveau produit. Elle soupire. Elle n'a pas la moindre idée de la façon dont elle pourrait s'y prendre pour faire taire sa petite voix quand elle le souhaite.
(...) le pouvoir, comme chacun devrait le savoir, ne peut être entre les mains que d'un seul. La colère est une pente glissante, au même titre que la sauvagerie. Quand on est en colère, on se retrouve avec cette unique focale pour voir les choses. Excepté s'il y a deux petites personnes qui sont comme un remède temporaire à votre mystérieuse rage.
[...] l'immémorable chagrin des filles qui ne sont ni des gars, ni des jolies, ni des intéressantes