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Critiques de Victor Remizov (67)
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Volia Volnaïa

« La solitude dans la taïga est une drogue accrocheuse »…et même par livre interposé. Ce livre est une plongée réaliste dans l'immensité sibérienne, au coeur de la Taïga, une expédition montagnarde, sylvestre et aquatique pour chasser la zibeline et pêcher le saumon. Un voyage dans le froid et la neige, enveloppé d'une doudoune en duvet et chapka en fourrure sur la tête, là où les pins nains sont saupoudrés de givre comme des paillettes d'argent, à fouler une neige duveteuse et molle, douce sous les pieds comme les poils d'un lièvre. Au milieu des ours et des loups. Une sensation de calme et d'éternité qui serti ce bourg du bout du monde : Rybatchi. Sur les côtes de la mer d'Okhotsk.



Volia volnaïa, ou « liberté libre » en français, du nom d'une chanson, est un roman russe poétique, fulgurant, qui conte l'éternel affrontement entre désir de liberté et asservissement au pouvoir, tiraillement d'autant plus fort en cette Russie post-communiste. Les habitants de cette contrée lointaine tirent leurs revenus principalement du trafic illégal d'oeufs de saumon et de peaux de zibeline, activités interdites par la milice sauf à lui payer une taxe de 20%. Trafic versus corruption du pouvoir. Activités illégales versus racket par les chefs mêmes des milices locales qui sont de fait des chefs mafieux. Les nombreux personnages qui jonchent ce roman, dont les noms, les prénoms et les diminutifs sont tour à tour utilisés pour les nommer ce qui peut être perturbant en début de lecture, se trouvent confrontés à une forte quête identitaire, avec, en toile de fond, ce tableau pour le moins contrasté de la Russie contemporaine elle-même partagée entre tradition et modernité.



Le début du livre donne le ton ; nous sommes en effet immédiatement immergés au sein d'une nature grandiose, découvrant Guenka, parti comme chaque année s'isoler dans son isba en automne, à l'ouverture de la chasse ; Chasseur de zibelines et pêcheur à ses heures, entouré d'une nature qu'il aime, une nature immuable.



« Comme la plupart des saisonniers, il aimait particulièrement ces jours précédant l'ouverture de la chasse. La rivière, la forêt, tout était à redécouvrir, tout avait légèrement changé. C'était comme retrouver un vieux copain que l'on n'a pas vu depuis un an. Tiens, il a des cheveux gris, une nouvelle cicatrice, des rides qu'on ne lui connaissait pas auparavant. Pareil. A un endroit, la berge s'affaissait, avalée par la rivière, le sentier avait disparu, un tilleur séculaire gisait, arraché, en travers de la clairière, ayant évité de justesse une petite isba. Mais surtout il y avait une multitude de détails. Les couleurs étaient vives, comme rénovées. Cette répétition éternelle et inépuisable – il verrait la même nature que l'an passé, qu'il y avait deux ans, et pourtant, ce serait comme une nouvelle rencontre – procurait une grande joie à Guenka, elle conférait un sens à son existence. La fraîcheur et l'infini de la vie l'élevaient au-dessus de la terre, au-dessus de la rivière et de la taïga. Dans ces moments, il avait l'impression qu'il en serait toujours ainsi ».



Puis peu à peu les autres personnages prennent vie sous la plume incroyable de Victor Remizov au moyen de descriptions magnifiques de réalisme : chasseurs, pêcheurs, miliciens, hommes, femmes, jeunes et vieux, nous découvrons la vie si caractéristique de cette société du bout du monde, ses codes, ses difficultés. Des hommes qui boivent la vodka comme de l'eau plate. Des femmes qui semblent être la seule planche de salut de ce petit microcosme. Des personnages rudes, taiseux, alcooliques, touchants, à l'image des paysages arides de cette contrée glacée. Un incident mal interprété entre un chasseur et le chef de la milice va mettre le bourg dans tous ses états. Ce sera le début de la fuite du chasseur, puis de sa traque en pleine taïga ainsi que d'une prise de position de chacun dans le village, certains étant pour aider le chasseur, d'autres pour l'attraper et le punir. Mais autant chercher un aiguille dans la taïga…Un événement propice à la réflexion sur les notions de liberté, d'orgueil, de soumission.



Sensible aux plumes poétiques, celle de Victor Remizov sait allier les descriptions poétiques de paysages, celles plus épiques des personnages, il sait distiller un certain suspens tout en faisant passer ses messages politiques…une très belle plume !



« Il gelait légèrement, un soleil rouge se couchait dans la toundra bistre recouverte de neige, plongeant derrière les lointaines cimes blanches pointues des montagnes vers lesquelles les hommes étaient partis. Les nuages vaporeux et plats, s'étaient gorgé des couleurs du couchant qu'ils transportaient vers l'autre extrémité du ciel, vers l'est. Là, le rose tendre s'épaississait, s'écoulait à flots réguliers formant tout en bas, un liseré bleu-vert et violet sombre ».



Liberté d'aller vivre au rythme de la nature, seul, même dans des conditions extrêmes, liberté de s'opposer aux décisions parfois contradictoires toujours corrompues du pouvoir de la base au sommet en cette Russie post-communiste, liberté de changer de vie lorsque celle-ci n'offre plus de perspective ni de sens. Liberté pour contrer l'absurde et la soumission. Ce livre évoque tout cela de très belle et poétique manière. Un premier roman à découvrir !



« Il s'adossa à l'encadrement de la porte, abasourdi par le silence de la taïga et la lumière. Une douce joie pénétrait dans son âme avec l'air froid. Une vie authentique l'attendait, une vie pleine, absolument limpide. Elle régnait tout autour de lui, il suffisait de franchir le seuil. C'était sa vraie liberté, absolue, divine en ce monde. Il ne croyait à aucune autre ».

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Devouchki

Dans la Russie de Poutine, où la misère semblerait même faire regretter celle de l'ère communiste, deux cousines, deux belles jeunes filles, quittent Beloretchensk, leur petite ville de Sibérie, où " il n'y avait pas assez de travail pour trois mille âmes. Ceux qui étaient encore jeunes fichaient le camp, la plupart des habitants vivaient des potagers, de la rivière et de la forêt. On payait le pain et l'essence avec la retraite des anciens", pour chercher fortune à Moscou. Moscou, où attiré par l'argent, est envahi par les natives des ex-républiques soviétiques, azéris, tadjiks, kirghizs, ukrainiens, géorgiens.....d'autres coutumes, d'autres croyances qui éveillent le racisme des russes.



C'est l'histoire de ces deux filles, deux caractères, deux tempéraments totalement différents, Katia et Nastia qu'on va suivre sur 400 pages à travers leurs périples moscovites. Katia, la pure, l'intelligente, la rêveuse, amante des livres et de la musique classique, très attachée à ses parents, et Nastia, la vulgaire, la fourbe, l'intrigueuse, l'ambitieuse, l'envieuse, aux intentions douteuses, la poufiasse ! Un duo mal assorti, même très mal et pourtant.....

Mais c'est aussi,

L'histoire d'une famille, celle de Katia, de l'amour filial,

Un état des lieux de la Russie actuelle, avec le manque de travail, la misère , la corruption en province et dans les ex-républiques soviétiques qui disloquent les familles et poussent à l'immigration,

Un clin d'oeil aux riches russes qui claquent des fortunes dans les villes huppées d'Europe, si non déjà chez eux,

Et c'est surtout une belle histoire d'amours......



Aprés son premier roman "Volia Volnaia" que j'avais adoré, me voici subjuguée par ce deuxième livre qui m'a scotchée à l'histoire et à sa belle prose.

Un must pour les amoureux de la littérature russe !

Un Coup de Coeur pour moi !

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Volia Volnaïa

La Russie post communiste.

Sibérie, sur les côtes de la mer d'Okhotsk.

Un mois d'octobre, sur les rives de l'Ioukhta, dans le cadre du

rituel parfaitement rodé de la nature au cœur de la taïga, Guenka

chasseur de zibelines et pêcheur à ses heures, amoureux de la taïga et de la chasse,

pêche à la senne.

Ainsi débute ce magnifique mais difficile voyage à travers l'immensité sibérienne, que nous offre Victor Remizov dans ce premier roman foisonnant de personnages.

C'est l'ouverture de la saison de la chasse. Chasseurs, pêcheurs et milice locale s'entrecroisent dans ces contrées perdues, dans la taïga sous la neige avec ses zibelines, élans, cerfs, loups.... superbement décrite dans ses moindres frémissements.



Même loin de Moscou, "les patrons" toujours présents, carburent sur place à l'alcool et aux filles. Les chefs de milices, gouverneurs des chef-lieux, aux emplois trés convoités -même qu'il faut payer pour avoir la place- selon l'ampleur du business, sous déguisement d'autorité font fonction de mafia locale. Ils rackettent, fixant leurs propres lois. Face à ces hommes maîtres du bourg, les chasseurs et les pêcheurs, maîtres de la taïga ( " il n’aimait pas que la vie du bourg empiète sur la chasse...").

Un incident entre un chasseur et le chef de la milice va mettre le bourg et la taïga en ébullition.....



De magnifiques portraits d'hommes superstitieux, attachants et touchants, dont l'insoumis Kobiakov,chasseur/ pêcheur , Tikhi, chef de la milice, Choura, dit l'Etudiant en quête de justice, Balabane, le musicien courageux, Jebrovski, l'ex businessman en quête d'une nouvelle vie.......et bien qu'au second plan, des femmes fortes et pleines de vitalité.



Le titre du livre " VOLIA VOLNAÏA" qui littéralement signifie " volonté ou liberté de l'individu d'utiliser son libre arbitre ", résume parfaitement cette oeuvre qui raconte les hommes et leur volontés d'être libre dans l'Extrême-Orient russe, de nos jours; Une liberté que leur octroie la nature mais pas la société des hommes. Moscou, bourg ou taïga, le pouvoir est partout, et pourri ! Bref, comme dit Choura," Je crois que nous ne faisons plus de différence entre le bien et le mal ".

Un bel aperçu de la Russie de Poutine ! qui fait mal au cœur.....





"Il aimait cette immensité dont il était, qu'on le veuille ou non, le maître...... chemin absurde vers la liberté ! "
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Devouchki

Les rêves de Nastia et Katia aurait pu être le titre français de Devouchki qui, je crois, signifie en russe « jeunes filles ».



Nastia est plutôt vulgaire. Elle veut aller à Moscou pour trouver un homme riche qui l'entretiendra et avec lequel elle aura une belle vie.



Katia, sa cousine, est très différente. Elle est non seulement belle mais aussi cultivée, raffinée, elle a une âme pure. Elle se laisse convaincre de quitter Beloretchensk et sa Sibérie natale par Nastia car elle a besoin d'argent pour aider sa famille. À cause d'un accident, son père est paralysé et l'opération qui pourrait lui rendre une partie de sa mobilité coûte très cher.



Comment les deux cousines vont se débrouiller à Moscou? Qui va réaliser ses rêves ou atteindre ses objectifs ?



La première moitié du roman m'a captivée mais la deuxième moitié voire le dernier tiers de Devouchki m'a laissée perplexe pour finir par m'ennuyer et me décevoir.



La première moitié m'a plongée dans un roman réaliste, assez noir. Nastia se sent seule, désespérée et jalouse de sa cousine, à qui, en apparence, tout réussi. Katia arrive à accomplir et obtenir tout ce que désire Nastia. Celle-ci en est empêchée par sa trop grande vulgarité et n'a ainsi d'autre choix pour gagner sa vie que de travailler sur le marché que tient Mourad, un menteur invétéré, un mafieux qui vit de diverses combines. Ils ont l'idée épouvantable de vendre la virginité de Katia alors que celle-ci commence à s'éveiller à l'amour aux côtés d'Alexeï, son colocataire étudiant et fils d'un journaliste.



La tension va crescendo et le drame éclate.



J'ai aimé l'intrigue et l'écriture dans cette première moitié du roman. En revanche, la deuxième moitié de Devouchki m'a nettement moins enthousiasmée. J'ai trouvé affligeant que les conséquences du drame soient si peu traitées, voire assimilées à une fièvre ou une grippe qui terrasse Katia puis tout va beaucoup mieux, il n'y est plus jamais fait allusion. Katia n'en veut même pas à Nastia, qui lui a pourtant fait ce qu'il y a de pire. Il y avait pourtant là matière à une belle réflexion sur la haine et le pardon.



Katia est présentée comme une âme pure mais personne n'est « pur » à ce point-là. Que signifie d'ailleurs ce concept de pureté dont la répétition m'a un peu énervée ?



La suite de l'histoire, les réactions, le comportement de Katia m'ont paru peu crédibles voire invraisemblables, notamment son histoire d'amour avec Andreï, le millionnaire.



Seul Alexeï et les quelques passages qui lui sont consacrés m'ont plu.



J'ai eu du mal à comprendre la vision, les idées de l'auteur. Pour lui, la femme est soit vulgaire (Nastia), soit une prostituée de luxe qui s'ignore et joue la comédie de la pureté ? Les cas de conscience de Katia et ses visites chez le prêtre orthodoxe m'ont laissée perplexe, ainsi que les passages où l'avortement est perçu comme un meurtre d'enfant et semble l'objet d'une condamnation morale. Que dire de cette citation ?... « Nous contribuons au mal du monde, répondit Katia. Un homme doit vivre avec une femme, une femme avec un homme : c'est dans l'ordre des choses. Tout le reste est mal, tu le sais bien. Tout autre principe de conduite est destructeur. »



D'après moi, Victor Remizov a voulu peindre probablement la pensée conservatrice de certains Russes, une sorte de repli sur les valeurs ancestrales de la famille traditionnelle.



Les plus beaux passages sont pour Alexeï et ses réflexions: « Je pensais qu'on ne fait pas assez attention à la pureté qui nous entoure. Les âmes pures, on ne les remarque pas, tandis que les crapules nous sautent aux yeux. […] ça fait longtemps que j'essaie de comprendre… Pourquoi ce n'est pas le contraire ? » Il est la seule âme pure de ce roman et j'ai probablement regretté que Katia reconnaisse si peu ses mérites, à tel point que j'ai eu du mal à croire en la fin. Ce « happy end » sonnait faux mais ce n'est que mon avis.



Plusieurs de mes ami(e)s babelionautes ont beaucoup aimé ce roman que j'ai découvert grâce à leurs avis. Je les en remercie. Même si je ne partage pas l'intégralité de leur enthousiasme, Devouchki offre une description réaliste de la Russie contemporaine et, entre autres, de l'état du journalisme. J'ai regretté que ces éléments soient noyés sous d'autres beaucoup moins intéressants.
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Devouchki

A Beloretchensk, au fin fond de la Sibérie contemporaine, Katia et Nastia ont des caractères diamétralement opposés. Elles ont néanmoins en commun un lien familial et la même petite vingtaine d'années. Toutes deux ont aussi des rêves d'avenir, et un seul moyen pour les réaliser : gagner de l'argent. Mais elles savent parfaitement que ce n'est pas dans leur bled étriqué et miséreux qu'elles feront fortune. Leur eldorado s'appelle Moscou, la ville du travail et de l'argent faciles. En route, donc. Les deux cousines débarquent dans la grande ville brillante et fastueuse, mais le vernis qu'elles imaginaient ne va pas tarder à se craqueler. Travail et logement sont des denrées très convoitées, la demande dépasse l'offre, et les jeunes filles, comme des centaines d'autres migrants des républiques l'ex-empire soviétique, doivent tabler sur la chance et la débrouille pour subsister et éviter un retour perdant dans leur village. Et quand l'amour s'en mêle (ou s'emmêle), il complique ou simplifie les choses, c'est selon...

Devouchki est un roman d'apprentissage tout en contrastes et en paradoxes. Katia et Nastia, d'abord. L'une est pure, innocente, cultivée, intelligente, gentille et désintéressée, l'autre est vulgaire, ignare, calculatrice, jalouse, cupide, mauvaise si nécessaire. L'une qui foire tout et l'autre à qui tout sourit, ou presque. Puis il y a l'opposition entre la province et la ville, la Nature belle et généreuse et l'insalubrité des bas-quartiers, les moscovites et les émigrés, les nouveaux riches et les éternels pauvres, l'abîme entre la droiture et la bonté des uns, et la corruption et la fourberie des autres, entre les hommes prédateurs et les jeunes femmes isolées qu'ils considèrent comme leurs proies légitimes (« ...parce que le plus important chez une femme... c'est l'homme auquel elle appartient »). Dans un pays qui n'échappe pas à la crise et à l'incurie de ses dirigeants au point de donner à certains la nostalgie du communisme (« Nous sommes dirigés par une force stupide qui ne sait rien faire par elle-même, à part confisquer les biens d'autrui »), l'argent et les mâles russes sont encore rois. Mais la chute peut se révéler plus rapide que l'ascension. Et ils ne font pas toujours le poids face à l'amour, à la morale et au respect de soi-même.

Voilà un livre très romanesque, entre noirceur et lumière, écrit avec style et souffle, qui se lit d'une traite. Un portrait de la Russie actuelle, contradictoire et chaotique, qui ne donne pas forcément envie d'aller à Moscou, mais bien de se précipiter sur l'autre roman de l'auteur, Volia Volnaïa.



En partenariat avec les Editions Belfond via Netgalley.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Volia Volnaïa

«  La taïga était silencieuse .

« De petites paillettes voltigeaient dans l’air , tombant du ciel, de l’obscurité cosmique où tout allait certainement bien mieux que sur terre, puis se déposaient sur les rondins gris près de l’isba .... »



Extrait de ce roman russe d'une grande richesse ( je remercie chaleureusement Idil qui m’a fait acheter cet ouvrage....) Grand merci vraiment 😀.



Il nous emporte très loin, au cœur de la taïga, dans l’immense Sibérie Orientale en Russie post- communiste : Rybatchi où tous les habitants sont chasseurs , pêcheurs....braconniers....Guennadi Milouitine dit « Guéna »aime pêcher à la senne avec Michka, , son fils aîné....il chasse la zibeline ..



Au bout du monde, les habitants de Rybatchi tirent leurs principaux revenus du trafic illégal d’œufs de saumon et de la pêche, activités formellement interdites par la «  milice » en échange d’une taxe de 20 %, un impôt payé tout à fait discrètement aux autorités corrompues en Cash ...





Ces hommes courageux aux habitudes originales et pittoresques passent plusieurs mois dans ces contrées , loin de leurs familles, seuls dans des isbas rudimentaires ...



L’auteur s’attache à explorer l’âme de ces hommes éternellement épris de liberté tel des brigands au cœur de paysages grandioses ... époustouflants...



Entre vent de révolte , désobéissance civile, pagaille, braconnage, chant d’amour pour cette nature indomptée, le silence et la beauté de la forêt enneigée, l’auteur critique férocement la corruption généralisée, cette gangrène qui a volé les rêves que l’on a remplacé par du fric, « ce pouvoir qui est pourri partout », pareil à Moscou , ces enfants dégénérés , pourtant la Sibérie a toujours été libre !



Victor Remizov attaque ce pouvoir arbitraire qui n’aime que lui- même ....violent ,exercé à l'aveugle, sans justice !



Il décrit à l’aide d’une écriture élegante et poétique aussi bien les chevilles déliées , les hanches étroites de Macha, l’amie de Sania, : « sa taille fine et ses fesses fermes » que la trogne rouge des époux Gnidiouk: elle plantureuse, cuisinière hors pair avec « un ventre et un derrière sacrément proéminents » , nommée «  petite maman ».au visage presque carré »......



Faut - il choisir la retraite dans la taïga ? Très loin mais enfin libres ?

Ou la voix de la révolte , de la violence , de l’affrontement dans ce pays où l’emeute devient politique ?

Nature grandiose, esprit de liberté Imprègnent ce roman foisonnant de personnages où lourd labeur , travail épuisant au cœur de l’immense taïga cachaient la beauté du monde , où ces hommes devaient affronter une époque de dérèglement ?



Dilemme ...



Une très belle œuvre visuelle , imagée qui parle et chante au lecteur comme une liqueur forte ou un film, une chasse à l'ours qui se transforme en chasse à l’homme !



Pour les amoureux de la nature et des grands espaces !





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Devouchki

Katia, 20 ans, et Nastia, 24 ans, sont cousines et habitent à Belaretchensk, en Sibérie orientale.

La vie y est dure et l’argent manque. Nastia rêve de partir pour Moscou, échapper à la misère, s’éloigner de sa mère alcoolique et surtout pour y trouver le luxe et un homme riche, elle convainc Katia de l’accompagner, celle-ci voulant trouver l’argent nécessaire pour soigner son père accidenté et aider son frère prisonnier.

Leur arrivée dans l’eldorado rêvé est très difficile, pas d’endroit où se loger, pas de travail, pas d’argent...



Tout sépare ces cousines, autant Nastia est méchante, jalouse, envieuse, vulgaire, paresseuse, inculte et ne cherche qu’un homme riche pour l’entretenir, autant Katia est tout l’opposé, elle est pure, vierge, à beaucoup lu, travailleuse, aime Mozart et ne pense qu’à sa famille qu’elle veut aider, a des scrupules moraux ...

Contraste saisissant donc, un peu forcé peut-être si Victor Remizov ne nuançait pas quelque peu le portrait peu flatteur de Nastia.



Katia trouvera un travail de serveuse dans un restaurant, rencontrera Alexeï qui sera amoureux d’elle (mais partira étudier à Londres) puis après un événement dramatique Andreï, un milliardaire. Nastia vivra aux crochets de Mourad, un caïd.



Le roman nous confronte à deux visages différents de la Russie d’aujourd’hui : la pauvreté extrême et le luxe opulent, les Moscovites et leur mépris pour les personnes arrivant des ex-républiques, il y a tout un monde entre les proches du pouvoir ou les oligarques véreux et les autres qui luttent pour simplement survivre, entre Moscou où la corruption règne et où tout peut s’acheter.



L’auteur détaille bien les deux principales protagonistes mais s’attache aussi aux personnages secondaires.



C’est une image cruelle de la Russie actuelle, de sa jeunesse qui rêve d’avenir.

Le roman se lit facilement, il est parsemé de dialogues et ses 400 pages sont avalées rapidement





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Devouchki

Deux belles dévouchki (jeunes filles), originaires de Beloretchensk, une petite ville de Sibérie, décident de fuir la pauvreté et tenter leur chance en allant à Moscou.



Katia tente de gagner de l’argent pour aider sa famille : son père, professeur a été victime d’un accident avec une vertèbre brisée, il se retrouve en fauteuil. La mère, qui travaille dans une « usine à poissons », dérobent des poissons pour aller les vendre dans un marché très loin pour ne pas se faire prendre. Katia a aussi un frère, parasite, joueur invétéré, en détention, où il continue ses magouilles avec les surveillants et soutire régulièrement de l’argent à sa famille.



Il faut de l’argent pour tenter une intervention chirurgicale : un million de roubles au moins ! et aussi avoir accès à un bon chirurgien !



Sa cousine, Nastia, a des projets beaucoup plus fumeux : elle rêve d’être célèbre, d’épouser un homme riche, vieux, comme dans les séries télévisées et n’a aucune moralité.



Toutes les deux débarquent à Moscou et vont vivre dans le dénuement, Nastia tombant bien-sûr sur Mourad, un voyou, car elle ne cherche pas vraiment un travail, dépensant le peu d’argent qu’elle a pour des futilités (cf. le sac Gucci !) alors que Katia trouve du travail dans un restaurant et entre son salaire et les pourboires elle peut envoyer de l’argent à ses parents.



Elles finissent par trouver une colocation, qu’elle partage avec Alexeï, un jeune homme sympathique mais très (trop) romantique, timide dont les parents sont plutôt aisés, met il met un point d’honneur à ne pas dépendre d’eux. Il part à l’étranger alors que Katia vient d’être victime d’un viol dans des conditions sordides.



Elle rencontre alors un milliardaire, Andreï, qui a vingt ans de plus qu’elle mais qui va l’aider à surmonter ce drame. Il est différent des autres parvenus, lucide sur ce qui se trafique autour de lui. Il est attentif et prend soin d’elle car il est amoureux.



Avec lui, elle découvre le luxe, Venise, car il est propriétaire d’hôtels de luxe et a ses entrées partout.



Victor Remizov décrit très bien l’écart terrible entre les très riches et les très pauvres, les Moscovites qui méprisent ceux qui vivent à la campagne, qui méprisent aussi tous ceux qui quittent les républiques de l’ancienne URSS pour venir tenter de gagner leur vie à Moscou : Azeri, Tadjiki, Kirghizi, mais aussi Ukrainiens ou Géorgiens, faisant d’eux des émigrés qu’on rejette.



J’ai beaucoup aimé ce roman, où le rêve russe est battu en brèche, dans ce pays où l’argent est devenu roi, les milliardaires (dont l’origine des richesses est plus que douteuse !) pullulent, et la corruption omniprésente. Parfois, on a l’impressions de se retrouver dans un roman de Dostoïevski, mon auteur russe préféré, ou dans les « Bas-Fonds » …



L’auteur dénonce au passage, la presse encore plus muselée qu’à l’époque communiste, la violence omniprésente, ou « les gens qui vingt ans auparavant étaient épris de justice et de liberté et qui sont devenus veules… »



Je connais peu les auteurs russes contemporains, que j’ai longtemps boycottés, par allergie primaire (trop ?) au tsar, mais ce roman m’a beaucoup plu, il faut juste résister aux cinquante premières pages que j’ai trouvées « bébêtes » et un petit bémol aussi concernant les différences entre les deux jeunes filles Nastia et Katia qui sont souvent trop caricaturales à mon goût : le Bien opposé au Mal…



Ce roman est, néanmoins, un coup de cœur, et je remercie vivement les éditions Belfond qui ont accepté ma demande de lecture auprès de NetGalley.



Il est inutile de préciser que j’ai déjà rajouté le premier roman de Victor Remizov, « Volia volnaïa » à ma PAL!



#Devouchki #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Volia Volnaïa

Victor Remizov nous amène dans la taïga en Sibérie orientale où les hommes vivent de la chasse, de la pèche et de la vente d’oeufs de saumon, commerce illégal. Cette vente résulte d’un braconnage toléré par la police moyennant un backchich de 20%.

Tout fonctionne bien, les policiers ferment les yeux car cela leur rapporte de l’argent. Société corrompue donc mais chacun s’y conforme, à l’exception de Kobiakov, braconnier certes mais qui refuse ce système.



Tout se dérègle à l’occasion d’un incident entre Kobiakov et la police, monté en épingle par un policier ambitieux et qui verra s’organiser une répression et une chasse à l’homme, avec l’appui d’unités spéciales du Ministère de l’intérieur venues de Moscou. Face à cette irruption, tout le monde est médusé car elle entraîne le limogeage du chef de la police, des saisies d’oeufs de saumon chez tous, le décès d’un homme au commissariat et la fuite du braconnier Kobiakov qui se réfugie dans la Taïga. Celui-ci est activement recherché mais sera aussi aidé.



Le roman nous décrit bien la corruption du régime, i lest féroce sur les autorités mafieuses, avides d’argent et de pouvoir, et nous y trouvons même à l’occasion des piques sur le président Poutine. Il s’agit d’une véritable dénonciation de la Russie d’aujourd’hui.



Le roman est aussi un merveilleux hymne à cette taïga, où la nature est rude, ie froid est intense, où les hommes se contentent de peu, où il leur faut être capable de tout faire pour circuler dans la région : réparer sur place un véhicule tout-terrain au milieu de nulle part, abattre des arbres pour assurer sa route, trouver sa route quand tout est couvert de neige et que les lacs sont gelés.. . Il y a de superbes descriptions de la Taïga, de ses rivières, de ses lacs et montagnes, de sa faune, ses zibelines, ses saumons, ses ombles et ses ours. Victor Remizov m’a donné envie de découvrir un jour cette Sibérie

Voiia Volnoïa dresse de beaux portraits des hommes vivant dans cette région inhospitalière mais à laquelle ils sont profondément attachés; Ils éprouvent le besoin de quitter leur foyer pendant les mois d’hiver pour vivre de la chasse et de la pèche, vivant dans des isbas rudimentaires qu’ils ont bâties eux-mêmes. Hommes qui se retrouvent autour d’un feu de camp, du thé et de la vodka. Comme dans tant de romans russes, les personnages sont nombreux, un relevé de ceux-ci figure en tête du roman, nous les retrouverons tantôt repris sous leur prénom, prénom ou patronyme ce qui demande un peu d’allers et retours vers le lexique en début de lecture.

Volia Volnoïa, « liberté libre », est enfin un hommage à la liberté, liberté de ces hommes rudes qui ne connaissent que leur loi.

C'est un très bon livre !
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Volia Volnaïa

Nous sommes en Sibérie, dans le petit village de Rybatchi, proche de la mer, en octobre, alors que va débuter la saison de la chasse. Ici tout le monde se connaît, les hommes sont chasseurs, pêcheurs. Il faut bien vivre dans la Russie post communiste, où règnent des flics pourris, miliciens qui rackettent les pêcheurs : on ferme les yeux sur la pêche illégale des oeufs de saumon, qu'ils appellent l'or rouge, moyennant une commission de vingt pour cent…



Un incident survient, Kobiakov furieux que son véhicule soit fouillé par l'un des ripoux, ne se laisse pas faire, emboutit la voiture des policiers, coup de feu échangé sans blesser personne sauf l'orgueil dudit ripou et Kobiakov est obligé de partir à pied avec son chien sur son terrain de chasse, dans la taïga, en évitant ses isbas refuges : il est devenu un « criminel en fuite » pour crime de lèse-majesté…



On va faire ainsi un superbe voyage, dans la solitude des montagnes enneigées, magiques quand on les connaît bien (et même si on ne les connaît pas d'ailleurs !) et rencontrer des personnages fascinants, courageux, épris de liberté. On suit bien sûr Kobiakov sur la trace des zibelines, qu'on appelle « l'or mou », et pour se nourrir il faut abattre d'autres espèces. Cet homme parcourt des centaines de kilomètres à pied, comme on en parcourt cinq ou dix, respecte la nature, ne chassant que pour se nourrir, lui et son chien. Dans la région, les orpailleurs d'autrefois ont laissé la place à l'or mou et à l'or rouge…



On a un autre chasseur, Jebrovski, un nanti qui s'est enrichi de manière plus ou moins honnête et qui vient pour la deuxième année sur le terrain de chasse qu'il a acheté l'année précédente : il était arrivé en hélicoptère la première fois, et il s'étonne que les autres ne l'apprécient guère et l'appellent le Moscovite ». Il n'y connaît pas grand-chose mais veut vivre des sensations fortes, en utilisant d'autres hommes du village pour l'emmener, dégager le passage, tronçonner les pins…



Côté policiers nous avons le lieutenant-colonel Tikhi, qui doit bientôt être muté, et tente à tout prix de régler cette affaire à l'amiable, qui lui-aussi touche des sous, même si c'est à contre coeur et qu'il a brûlé les premières enveloppes de billet dans la cheminée sous l'emprise de la vodka, et qui remettre en question ses choix de vie. Il est entouré de deux autres miliciens, celui qui a déclenché les hostilités car il est prêt à tout pour progresse et n'est même pas originaire du coin.



Le troisième, (Vaska Semikhvatski) vit comme un pacha, tellement il a touché avec ses vingt pour cent, et veut partir seul à la recherche de Kobiakov.



Parmi les villageois, on a aussi Choura qui rêve de révolution, mais reste dans la théorie, et que l'on surnomme « l'étudiant » et un autre personnage, un musicien, Balabane, cheveux longs, mèche qui tombe sur le front, qui chante en s'accompagnant à la guitare, qui sirote sa vodka au bar du coin, toujours penché sur un livre, plein de mystère…



Étant donné l'escalade, les grands pontes de la police de Moscou, tout aussi corrompus sont prévenus et on envoie pour l'exemple l'unité d'élite, l'OMON, des militaires qui ont servi en Tchétchénie ! et qui ne savent faire que le nettoyage par le vide….



J'ai un peu de mal au départ, car la chasse et moi, cela fait deux, et la souffrance animale m'est insupportable, mais j'ai mis mes pieds dans les traces de Kobiakov dont j'ai beaucoup aimé, le respect de la nature, la liberté d'esprit. Les ruminations de Tikhi donnent lieu à des phrases superbes, les personnages secondaires sont tous attachants, avec leurs qualités et leurs défauts, à par le nazillon de service.



« En cela, tous les gars du coin se ressemblaient : ils voulaient une vie libre. Même au prix d'un pouvoir inique. Or un pouvoir inique corrompt même la liberté. »

J’ai failli oublier les femmes dans cette belle histoire : elles sont loin d’être absentes du récit, elles ont un caractère bien trempé, une résistance plus en douceur, plus réfléchie à la situation, qu’il s’agisse de Macha, la compagne de Tikhi, ou de Olia sa secrétaire, ou les compagnes des personnages secondaires. Quant à la femme du Moscovite, qui brille par son absence, on sent en fait sa présence lancinante en toile de fond, vu l’état du couple…



Viktor Remizov décrit très bien l'importance de la corruption dans son pays, ceux qui l'acceptent car c'est devenu une fatalité et ceux qui se révoltent pour plus de justice, et on sent son affection pour ces chasseurs, pêcheurs, ces hommes qui travaillent et voudraient vivre honnêtement de leur travail, et l'importance de l'amitié, des liens qui se tissent entre eux.



J'ai aimé aussi la réflexion sur la liberté, liberté des grands espaces, liberté d'esprit, et la critique de la Russie de Vladimir Poutine qui leur ferait regretter l'époque de l'URSS et tout le monde rigole sur les tours de passe-passe des élections et le roque (clin d'oeil aux amateurs d'échecs) terme sous lequel il désigne l'élection de Medvedev comme président et Poutine devenant premier ministre : « nos présidents, je ne sais même plus qui est au pouvoir en ce moment ». Maintenant, Vladimir ne se donne même plus la peine de procéder au tour de passe-passe, il a fait modifier la consultation pour régner au moins jusqu'en 2036 !



Comme le dit la traductrice :



« Volia volnaïa, « liberté libre », comprend l'idée de grands espaces à parcourir et de risque, souvent associée à la figure du Cosaque, du guerrier, du bandit. Volia signifie à la fois liberté et volonté. »



J'ai beaucoup pensé à Sylvain Tesson et à Andreï Makine en parcourant la taïga, les espaces enneigés, le silence…



Comme dans beaucoup de romans russes, la vodka occupe une place importante, c'est pratiquement un personnage du livre. J'ai adoré cette histoire, et l'écriture si belle de Victor Remizov que j'ai retrouvé avec un immense plaisir car je l'ai découvert, l'année dernière grâce à NetGalley, avec son deuxième roman « Devouchki » qui était déjà un coup de coeur.



https://leslivresdeve.wordpress.com/2019/02/17/devouchki-de-victor-remizov/



Je connais encore mal les auteurs russes contemporains, à part Victor Remizov et Andreï Guelassimov, alors que j'adore les auteurs russes du XIXe, mais j'essaie de combler mes lacunes…



Donc, un immense coup de coeur une nouvelle fois pour le roman et l'auteur dont j'attends le prochain livre avec impatience, en espérant que le régime ne l'enverra pas en prison car la liberté de pensée n'est pas la bienvenue…
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Devouchki

Voici un roman brillant et intense, où les paradoxes donnent le ton au coeur de cette Russie moderne si contrastée ...

C'est le deuxième ouvrage de Victor Remizov, dont j'avais lu avec bonheur «-Volnia -Volnaïa  »partagé entre l'opulence trompeuse ——-de la capitale pétrolière orientale Moscou, qui brille de mille feux, ——-de loin dans cet immense pays , livré à l'incurie de ses dirigeants ——et la beauté lumineuse et glacée de la petite ville de Beloretchensk, au coeur de la campagne Sibérienne où les potagers et Les maisons individuelles s'amoncelaient sur la vaste Colline , bordée par la taïga ...

.

On y écoutait , immobile, le silence de la campagne , seules quelques mésanges donnaient une note colorée ,...la rivière était haute, les nuages mouchetés ...



On y pêche et des petites entreprises : usine d'huile de tournesol, de briques, il ne restait pas grand chose ....de l'usine de poissons ni de la « laitière », jadis d'importance régionale ...

Les gens vivaient des potagers , de la rivière et de la forêt....



Deux cousines jeunes et belles, au caractère diamétralement opposés Katia et Nastia , lassées de voir leur quotidien s'embourber dans la misère , rêvent d'avenir et de nouveautés , de bon travail.



Las! Elles débarquent à Moscou, ce qui leur avait semblé un palais chatoyant , la gare , devient inhospitalière et tracassière...



Nous suivrons leur périple durant près de 400 pages...

Katia , la brune , idéaliste , cultivée, passionnée de musique classique,innocente a lu presque tous les classiques,( elle aime plus particulièrement Tolstoi et Mozart ) amoureuse de littérature, elle n'a jamais eu de relation charnelle.



Incroyablement attachée à ses parents et à sa famille, elle leur enverra de l'argent dès qu'elle le pourra ..



Nastia, la blonde, un brin vulgaire, croqueuse d'hommes, intrigante, terre à terre, fourbe parfois, envieuse souvent, amatrice de coups fourrés, s'amendera à la fin,.





Katia tentera de sauvegarder ses valeurs et son fol amour filial ...je n'en dirai pas plus .





L'auteur dresse un constat, un état des lieux de la Russie féroce , «  Nous sommes dirigés par une force stupide qui ne sait rien dire par elle même à part confisquer les biens d'autrui. »



Une jungle urbaine, chaotique où l'argent sale est roi, où la débauche et la misère , la futilité et la corruption , la brutalité, se côtoient au plus près ,...



Un abime entre la beauté de la Nature , généreuse et la ville insalubre ....et dangereuse ...

Un ouvrage d'apprentissage romanesque entre noirceur et lumière contrastant entre l'amour fou et la violence , la naïveté et la droiture, rongé par l'incurie d'un pouvoir détraqué dans un immense pays ..... «  On ne peut pas épouser une âme , on ne peut que l'aimer » .



Un coup de coeur pour moi, lu une grande partie de la nuit.

Merci à ma chère Idil, qui se reconnaîtra ,..





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Devouchki

Les tribulations de deux cousines russes à Moscou

*

L'auteur, Victor Remizov ne m'est pas inconnu. J'avais lu une partie de son 1er roman Volia Volnaia puis abandonné lâchement. Je le regrette. La lenteur du récit m'a dérangé. Puis à l'issue de son second roman (celui-ci), je me suis rendu compte que cette lenteur avait quelque chose de typiquement russe. Une sorte de langueur à forte connotation romantique (dans le sens littéraire).

Autant le premier parlait de la nature contemplative, autant Devouchki raconte une portion de vie dans un Moscou plein de fureur.

Dit comme ça, ils n'ont rien en commun.

*

Focus sur l'immense Sibérie, dans un petit village de pêcheurs, dans une famille pauvre mais aimante. Katia, notre héroïne va devoir aller "à la capitale" pour quitter cet avenir misérable. Sa cousine, la belle et fougueuse Nastia l'accompagnera.

Moscou, ville de toutes les tentations, véritable jungle, les engloutira.

Nous suivons donc deux parcours bien distincts. Deux jeunes filles très différentes qui feront des choix et devront assumer les conséquences.

Pleines d'espoir, elles rêvent d'amour tendre, d'argent gagné facilement (pour envoyer à la famille restée en province). Chacune, à sa manière, devra subir bien des épreuves pour sortir la tête hors de l'eau et préserver ce qu'elle a de plus cher: la liberté.

*

J'ai apprécié ce récit à deux voix, ce parcours non linéaire où chacune débute avec les mêmes chances mais qui, au final aboutit à deux expériences différentes.

Le cliché de la fille capricieuse et "vacharde" me semble un peu trop accentué. D'ailleurs, la caricature de la fille naive et innocente également. Mais cet ensemble fonctionne bien malgré tout.

Le portrait d'une Russie actuelle exsangue avec cette corruption bien présente ainsi que la pauvreté et le manque de travail est réussi. Ainsi que la présence d'oligarques prétentieux et presque maîtres de la vieille Europe.

J'ai aussi appris que les purs Moscovites ont la dent dure avec les "étrangers" frontaliers tels les Azeris, Ukrainiens, Georgiens...

*

Ce roman d'apprentissage s'est lu d'une traite. Il parle d'amour. Cet amour russe qui est insufflé dans chaque geste, chaque parole. Le tout dans une belle écriture lyrique et magnifique. Avec un souffle romanesque (je le reprécise) qui donne envie de visiter non pas la ville (où l'argent est roi) mais bien la campagne qui a encore gardé son charme d'antan.

*

Merci à Netgalley et Belfond pour ce beau roman.
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Volia Volnaïa

Par ces temps caniculaires, on peut tenter de se rafraîchir en voyageant par la pensée (au moins) vers la Sibérie orientale. Au début de l'automne, la neige va bientôt commencer à tomber et à recouvrir la région d'un épais manteau glacé pour de longs mois, propices à la chasse à la zibeline. Ca y est, vous visualisez la taïga par moins 30, le blizzard, les lacs gelés, vous commencez à grelotter ?

Bon, au moins j'aurai essayé.

Or donc, disais-je, transportez-vous sur la presqu'île de Rybatchi, coincée entre la mer d'Okhotsk et celle de Béring. La Nature y est rude, hostile, mais néanmoins généreuse envers qui sait la comprendre et la respecter. Les hommes y vivent de pêche l'été et de chasse en hiver, et aussi, du braconnage d'oeufs de saumon. C'est illégal, mais à l'ère post-soviétique la corruption est endémique, et les autorités locales laissent faire moyennant de juteuses commissions de 20%. Tout le monde n'apprécie pas forcément ce racket institutionnalisé, mais la plupart s'en accommodent, faute d'alternative, il faut bien faire vivre sa famille. D'autres, plus rares, seraient plutôt tentés de se révolter, mais les moyens et/ou le courage leur manquent, et l'abus de vodka n'aide guère.

La vie coule son long fleuve tranquille, jusqu'à ce que la situation se tende après un incident entre Kobiak, l'un de ces pêcheurs-chasseurs insoumis, et un milicien ambitieux qui, en dépit du bon sens et des coutumes locales, fait remonter l'affaire jusqu'à Moscou, qui envoie sur place une unité spéciale d'intervention. Une chasse à l'homme, démesurée au vu de l'incident initial, est lancée, et Kobiak se cache dans la taïga comme un vieil ours solitaire, alors que l'hiver approche.



« Volia volnaïa » est une fameuse galerie de portraits d'hommes et de quelques femmes, les uns rebelles à des degrés divers, rudes, courageux, entêtés, solidaires, épris de liberté et de justice, les autres pourris et avides d'argent et de pouvoir, et les derniers vacillant entre les deux, cherchant à s'identifier aux uns ou aux autres. le roman montre aussi le contraste entre une culture traditionnelle qui respecte la Nature, et le néo-capitalisme sauvage qui la surexploite au mépris de tout.

Une Nature grandiose magnifiquement décrite, des personnages touchants et attachants par leur caractère entier, un portrait à l'acide de la Russie poutinienne, « Volia volnaïa » est un très beau roman, lyrique et désespérant.

Quoique... Dans ce pays où tout se vend et s'achète, il reste peut-être une chose non négociable : Volia volnaïa, la « liberté libre ».
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Volia Volnaïa

Un roman qui nous happe et nous projette dans la forêt Sibérienne, un bain de plaisir une découverte

Quelle fabuleuse aventure dans la Sibérie orientale au bord de la mer d’Okhotsk dans ce village de Rybatchi. Nous sommes dans la Russie Post-URSS, la vie est difficile, chacun à sa manière cherche à survivre mais, la corruption brouille les cartes et empoisonne la vie.

Nous entrons dans cette taïga fascinante, la reine du roman, dans une rude nature où le froid extrême règne l’hiver et la boue envahit les routes au printemps. Une nature authentique et des hommes chasseurs-pécheurs- buveurs de vodka qui sont tout aussi rudes mais attachants car profondément épris de liberté qu’ils trouvent dans l’immensité de la taïga. D’ailleurs le titre l’évoque « Volia Volnaïa » ou la « liberté libre »

Un jour l’équilibre est rompu et c’est la traque de l’homme par les miliciens…

Un seul regret on se perd par moments, non pas dans la Taïga, mais au milieu de tous ces personnages !

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Volia Volnaïa

Un excellent roman. Mais avant d'en parler, il me semble important, au vue des étiquettes qui lui sont attribuées, de préciser ce qu'il n'est pas :

Bien qu'il y ait beaucoup de policiers et d'actions policières, ce n'est pas un roman policier (pas d'enquête, pas de crime, tout au plus une grosse infraction suivie d'une fuite et d'une traque)

Les scènes en pleine nature sauvage sont très nombreuses, dans des paysages proches de ceux de Dersou Ouzala, mais si vous êtes contre la chasse, mieux vaut passer votre chemin…

Ce n'est pas non plus un roman noir, mais с'est désespérant au possible, anti feel good. Il s'agit d'un roman sociétal. L'histoire se déroule en extrême-orient russe, près de la mer d'Okhostk. Le village de Rybatchi est au bord de la mer mais les habitants vivent plutôt de la chasse et de la pêche en rivière. Mais pour pêcher et chasser, il faut des permis, accordés selon le bon vouloir (et surtout contre monnaie sonnante et trébuchante) par les autorités locales. Sans compter qu'il est bien difficile de trouver un débouché légal aux produits de la pêche et de la chasse, pour cause d'infrastructures défaillantes. Cette année-là, interdiction de pêcher, seuls les oeufs de saumon intéressent les autorités. C'est totalement illégal, donc ça va rapporter très gros. Tout le monde y gagne, un équilibre instable règne. Mais voilà qu'un incident de rien du tout éclate : Stepane Kobiakov rentre dans une voiture de police mal garée, un adjoint ambitieux, pas très au fait des pratiques locales, veut fouiller son véhicule, et tout part en sucette. Kobiakov prend la fuite, les flics se sentent ridiculisés, une chasse à l'homme s'organise, l'équivalent russe du GIGN est appelé en renfort.

Volia volnaïa, « libre liberté », c'est le titre d'une chanson cosaque (qui ne finit pas bien ), cela évoque Stenka Razine, tout un programme,... Volia signifie liberté, celle des grands espaces, de la vie sauvage, c'est aussi la liberté de penser. Mais ce n'est pas la même chose que Svoboda, la liberté de l'homme juridiquement libre...

Les personnages sont bien campés, les attitudes de chacun, leurs personnalités, leurs motivations, tout ce qui peut expliquer l'enchaînement de leurs décisions maladroites est détaillé, entre des descriptions splendides de paysages et quelques cuites. Il y a

Guenka le chasseur, Tikhi le chef de la milice plutôt pépère, dépassé par son nouvel adjoint Gnidiouk, Kobiakov, intègre, mais impulsif, Ilya le riche Moscovite qui cherche à fuir la vie urbaine corrompue dans cette nature hostile mais libre, Balabane, chanteur musicien qui joue le Requiem de Mozart en pleine taïga, et pas mal d'autres.

Cela se passe au bout du monde, très loin de Moscou, mais quelle belle manière de montrer à quel point le pays est gangréné par la corruption.

Dans un interview de 2014, l'auteur explique que si tout est fictif, chaque chapitre est tout à fait vraisemblable et, hélas, typiquement russe. Au passage il nous apprend qu'il a vraiment vécu la scène du Requiem et celle avec l'ours. Quand j'ai refermé le livre j'avais l'impression d'avoir lu un roman déprimant au possible, mais pour l'auteur, pas du tout, car à chaque instant chaque personnage aurait pu prendre une autre décision. Un optimisme très minimal tout de même. Heureusement, il y a de très bons moments, le plus souvent solitaires, au coeur de paysages époustouflants (genre Dersou Ouzala, Sylvain Tesson ou André Makine).

Ce livre a été primé (prix Russkiy booker 2014 et prix Bolchaïa Kniga 2014) à sa sortie pour « son regard ouvert sur les conflits sociaux contemporains ». Dire que c'est l'année où la Russie a annexé la Crimée !

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Volia Volnaïa

Aux premières chutes de neige, les hommes de Rybatchi, un bourg de Sibérie orientale, partent chasser la zibeline en pleine taïga. Ils y passent plusieurs mois dans la plus grande solitude, dormant dans des isbas rudimentaires. Leurs conditions de vie sont austères mais pourtant, ils attendent le moment du départ avec impatience. Car à leurs yeux, cet exil au cœur de la forêt est une expérience de liberté totale. Leur solitude leur permet de se retrouver. Ils vivent en communion avec une nature sauvage et si grande, qu'elle paraît sans fin.



Un événement va contrarier la nouvelle saison de chasse. Les habitants de Rybatchi tirent leurs principaux revenus de la pêche illégale et du trafic d’œufs de saumon. Activités formellement interdites mais tolérées par la milice en échange d'une « taxe » de 20%, un impôt discrètement payé aux autorités en enveloppes de cash. Seul Kobiakov refuse de se soumettre à ce système de corruption. Et un matin, il va s'accrocher violemment avec les deux responsables de la milice. L'altercation va déclencher une réaction massive qui va déborder tous les protagonistes. Car l'Etat russe, s'il se montre indifférent au sort de ces populations éloignées, a toujours su exprimer son autorité avec la plus grande fermeté. Une chasse à l'homme débute dans la taïga.



Ode à la nature, désobéissance civile, âme russe… Remizov semble s'inspirer aussi bien de Tolstoï que de Thoreau. Il évoque le destin de ces hommes qui se ressourcent au contact de la nature mais qui doivent affronter une époque de dérèglement. « Volia volnaïa » critique férocement la corruption généralisée de la société qui gangrène la Russie de sa capitale à la Sibérie orientale. Le roman attaque un pouvoir arbitraire, violent, exercé sans justice. Le livre m'a fait penser à "Léviathan", le film d'Andreï Zviaguintsev ; le réalisateur et le romancier ont des intentions similaires : comment réagir face à un État qui est devenu un « monstre dévoreur d'âmes » ? Comment acquérir une liberté qui est le « seul bien authentique » de l'homme ? Faut-il choisir la retraite dans la taïga, comme Guenka, loin des problèmes des hommes ? Faut-il accepter de vivre en esclave ? Ou bien faut-il choisir la voie de la révolte et de la violence ?

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Volia Volnaïa

Sous le soleil automnal, Gwenka rame lentement, jetant régulièrement des coups d’œil sur la senne, évaluant l’agitation des poissons pris au piège dans les mailles du filet. Des ombles, des loches, des ombres se débattent vainement, la rivière est généreuse. Il contemple avec joie la nature qui suit annuellement son cycle, note cependant quelques différences sur les rives de l’Iouthka et dans la taïga alentour. Il goûte pleinement cette solitude régénératrice. L’hiver qui pointe saisit peu à peu les paysages et Gwenka guette les premiers flocons de neige, signes annonciateurs de la chasse à la zibeline. Pour la chasse et la pêche, la vaste étendue forestière qui s’offre à ses yeux est allouée en tronçons par l’État aux villageois du bourg de Rybatchi.

Mais ces espaces sauvages qui ne devraient pas être salis par l’homme, sont le théâtre d’un braconnage révoltant autorisé et même encouragé par la milice locale qui prélève un beau pourcentage afin de fermer les yeux sur l’illégalité et remplir ses enveloppes de dollars. Ces flics qui devraient être là pour protéger la nature…

Gwenka commence à en éprouver un écœurement. L’été, il sacrifie, comme beaucoup de ses voisins, des milliers de femelles uniquement pour remplir d’œufs de saumon les caisses qui lui permettront de faire vivre sa famille et s’offrir aussi quelques extras.

Cet équilibre commercial douteux, entre braconniers et représentants de l’ordre, vole en éclats suite à l’altercation d’un certain Stepane Kobiakov. Cet homme, un rien sanguin, méprisant les miliciens, se braque contre un adjoint zélé du chef de la milice. Alors qu’il est en fuite vers la taïga, le bourg est en émoi. Des discussions, enflammées par les verres de vodka, débattent sur l’acceptation de ce pouvoir corrompu. Jusqu’où est-il possible de fermer les yeux et de se contenter de cette liberté amputée ? Les rancœurs s’éveillent contre ces graissages de pattes auxquelles ils ne peuvent déroger, contre l’impossibilité de vivre en travaillant honnêtement de leur pêche.



Nature et hommes de cette presqu’île sibérienne se partagent les pages de ce roman, dénonçant ouvertement la corruption, l’absence d’établissement d’ordre et de justice, dans une somptueuse région aux rivières poissonneuses, à la faune sauvage et généreuse, au goût de liberté à la fois rude et reposante.

Les hommes se succèdent, avec leurs noms, diminutifs et surnoms qui brouillent un peu le lecteur distrait qui ne désire pas se référer à la liste des personnages donnée en introduction. Heureusement que Victor Remizov ne se contente pas de les ébaucher mais fouille au plus profond de leurs états d’âmes, révèle leurs pensées même embrumées par l’alcool, nous donnant aussi des détails de leurs vies personnelles afin de mieux les reconnaître, même cachés derrière leurs multiples dénominations russes.

Impossible de tous les nommer ici mais que ce soit au bourg ou sur l’immense territoire de chasse, vous rencontrerez Tikhi, le chef de la milice locale, un brave homme qui réussit à s’arranger avec la loi tout en gardant de bons rapports avec les chasseurs. Il fait cependant le bilan de sa vie, amèrement, et pleure sur le pouvoir ignorant la justice et sur ses fonctions inutiles.

Ilya, venu de Moscou, se pose aussi des questions sur son existence alors qu’il a brillamment réussi dans les affaires. Perçu comme une lubie par ses proches, il éprouve le besoin d’aller chasser la zibeline, se retrouver par des températures glaciales dans la solitude de la taïga.

Les avis d’Onc’ Sacha, chef de la brigade de pêcheurs, sont respectés. Vagabond dans l’âme, noyant souvent ses idées dans la vodka, il refait surface grâce à Polina.

Balabane, un musicien échoué dans ce bourg, sa guitare et ses airs d’opéra en bandoulière, jouera aussi un rôle important dans la traque que les forces spéciales lanceront sur le territoire enneigé, d’isba en isba.



Alors que les malheurs des hommes se noient dans l’alcool, que les autorités venues de Moscou multiplient les perquisitions dans toutes les maisons abritant des quantités de produits illégaux, l’air de l’immensité forestière commence à sentir le gel qui s’installe davantage chaque nuit.

Le froid engourdit la taïga, les poêles des isbas crépitent et réchauffent les braconniers. L’air glacial pénètre et adoucit l’âme. La beauté, le silence et la lumière de cette nature donnent une sensation de liberté. Les pins nains s’ensevelissent sous la neige et les mélèzes, après avoir formé des tapis d’aiguilles, se décorent de flocons.

Tout l’amour éprouvé pour ces lieux, somptueusement décrits par l’auteur, reste le point commun de ces hommes qui, amoureux aussi de la solitude, ont du mal à s’entraider.



Roman âpre, à la belle écriture descriptive, où la corruption met en péril une liberté toute relative, où l’argent, à tous les étages de la société russe, balaye le respect de la nature et des lois.

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Devouchki

ZA ZDOROVIE ! [*]



Comment est-il envisageable d'être jeunes, belles, diversement cultivées et intelligentes, indépendantes socialement, financièrement et loin de ses parents d'origines modestes, dans la Russie contemporaine ? C'est un peu à cette quadrature du cercle que le romancier russe Victor Remizov essaie de répondre au fil de ce second roman intitulé (pour sa "traduction" française, mais nous y reviendrons) «Devouchki», à savoir "Les filles".



Nous y rencontrons deux cousines (au second degré nous est-il précisé), la belle Nastia, véritable "croqueuse d'hommes" et l'encore plus belle mais surtout charmante et pure Katia qui vivent dans un des ces gros bourgs reculés du fin fond de la Sibérie, dans l'oblast (plus ou moins l'équivalent de nos régions administratives) d'Irkoutsk, à Beloretchensk au bord de la rivière Angara. (NB : pour info, cette ville russe existe bel et bien mais... se situe en réalité aux abords de la Mer Noire, dans le Nord-Caucase, non loin de la Géorgie. L'auteur a sans aucun doute souhaité brouiller les cartes, rappeler que tout cela est inventé mais pourrait se passer partout ailleurs en Russie). Si les deux jeunes filles partagent un quotidien relativement identique fait de moments difficiles, de vies compliquées (la première n'a pas connu son géniteur et vit avec sa mère alcoolique. Le père de la seconde, ancien professeur de mathématiques très aimant, est lourdement handicapé des suites d'un stupide accident de chantier et ne peut plus travailler), d'argent qui manque toujours, celles-ci n'ont guère que leur grands parents en commun tant elles ne se ressemblent psychologiquement et humainement pas. Nastia, vingt-cinq ans, est "délurée", sans culture ni d'une intelligence notable mais maline et sûre d'elle, dure avec ses semblables, déjà très mûre et pour le moins désabusée ; à l'opposé, Katia est l'innocence et la bonté mêmes, la fraîcheur de la jeunesse en sus. Son existence est rébarbative, certes, mais elle garde espoir de pouvoir suivre ces études de médecine que son intelligence vive et sa grande culture - aux dires de sa cousine qui n'en comprend pas l'intérêt, se moquant même auprès de ses conquêtes du fait que Katia a déjà lu tous les classiques russes et prend son pied en écoutant Mozart - sont en droit de lui offrir. Il y a malheureusement un grain de sable, un énorme grain de sable dans cette vie certes âpre mais assurée : le grand frère, emprisonné pour petit trafic de stupéfiant, et que l’incarcération a transformé en monstre d'égoïsme doublé d'un pur profiteur drogué au poker. Sous prétexte d'amélioration de sa condition, de révision de sa peine, ce Fiodor (un clin d’œil aux terribles Carnet du sous-sol d'un autre Fiodor... Dostoïevski ?) demande sans cesse plus d'argent - quand ce ne sont pas les gardiens corrompus - à cette mère qui peine déjà à joindre les deux bouts pour nourrir cette grande fille, ce père immobilisé et un petit dernier, tard venu mais fierté de la famille, prénommé Andriouchka.



À force de conviction, d'encouragements, Nastia va finir par convaincre Katia de la suivre dans son désir de mettre les voiles pour aller faire fortune, par un moyen ou un autre, dans la lointaine et fascinante capitale moscovite. Mais si la première est sûre de ses charmes - et de se dégoter tôt ou tard un riche millionnaire qui saura l'entretenir comme il faut - la seconde est bien moins certaine de savoir comment se débrouiller dans cette jungle urbaine dont elle ne connait aucune des règles de survie. Malgré une première semaine de galère durant laquelle leurs minces économies filent comme le vent - d'autant que Nastia est un véritable panier percé, fascinée qu'elle est par les lumières de la ville -, la chance semble peu à peu leur sourire, d'abord en la personne d'un jeune tadjik, Sapar, diplômé de médecine dans son pays mais simple serveur au café de la gare ici, et qui les prend sous son aile, d'abord parce qu'il connait la galère de débarquer de province, sans rien ou presque, dans cette capitale impitoyable avec les faibles, ensuite parce qu'il finit par tomber amoureux de Nastia. Mais cela n'est pas assez bien pour cette jeune femme - certes plastiquement superbe mais dont on comprend très vite qu'elle est tout aussi terriblement intéressée qu'elle est... insupportablement vulgaire. Ce qu'un personnage croisé dans le roman ne se gêne d'ailleurs pas pour lui dire - qui préférera s’amouracher d'une petite frappe, surveillant en chef pour le compte de plus gros bonnets que lui d'un marché de quatre saisons, Mourad, l'azéri. De son côté, c'est le hasard le plus parfait qui va faire entrer la timide et réservée Katia dans un restaurant géorgien en vogue : son patron a décidé de confier sa communication à un célèbre photographe qui va tomber en émoi devant la jeune femme assise sur un banc à l'entrée et qu'il prend pour l'une des employées. De fil en aiguille, notre jeune héroïne bien malgré elle va devenir à la fois l'égérie de cette grande table, la "chouchoute" des membres du restaurant, à commencer par son chef, ainsi qu'une serveuse plutôt douée et appréciée. Au grand dam de Nastia qui se voit obligée de faire ce qu'elle faisait déjà en Sibérie - vendre sur des marchés, ce qui semble être une situation assez peu glorieuse en Russie -, n'ayant su convaincre son éventuel employeur de la prendre comme serveuse dans un restaurant un peu chic parce qu'elle s'est trouvée incapable de répondre convenablement à une question posée par ce patron concernant La Guerre et la Paix du grand Léon Tolstoï (ce qui, évidemment, lui paraît parfaitement stupide et incongru pour un tel travail).



Grâce à cet emploi inespéré - et payé au-delà de ses espérances et même de son sens moral - Katia va enfin pouvoir se loger décemment dans un petit immeuble où réside déjà le jeune Alexeï, fils unique d'un célèbre journaliste mais qui souhaite s'en sortir sans l'aide de personne. Ces deux-là vont assez rapidement sympathiser, malgré leur retenue pataude et un peu niaise. C'est dans les mêmes moments qu'elle va aussi croiser la destinée d'Andreï, un richissime quadragénaire, patron d'une chaîne d'hôtels de luxe, à l'occasion de la soirée d'anniversaire organisée dans sa superbe maison d'architecte. De son côté, la cousine Nastia fera le choix de s'installer, sans véritablement le lui demander, chez Mourad. Mais les temps sont durs pour ces deux êtres un peu perdus, d'une violence intérieure à peine contenue et d'un sens moral des plus faibles. Dès lors, une indiscrétion "sur l'oreiller" de la sibérienne, entremêlé d'un vieux fond de jalousie et d'une profonde incompréhension à l'encontre de la trop parfaite Katia (entre autre celle de ne pas "tomber dans les bras" de ce millionnaire pour s'en faire entretenir, situation dont Nastia rêve plus que tout au monde) vont être le déclencheur d'une vente en tout point horrifique et inhumaine, sans que la première concernée en sache bien sûr rien : La virginité de Katia sera vendue comme une vulgaire marchandise par l'entremise de Mourad à l'occasion d'un véritable traquenard festif à un gros azéri obsédé de défloraison, non sans la complicité active de la cousine aînée...



La scène qui en découlera, les moments affreux qui suivront, seront, en quelque sorte, le point d'orgue du roman ainsi que son point de bascule. Plus rien ne pouvant évidemment être "comme avant"... Et le roman, jusqu'ici vraiment prenant, rythmé, intense et parvenu plus ou moins à la fin de sa première moitié de s'enfoncer à son tour dans une cadence un peu plus mollassonne, oscillant entre le mièvre et le ronronnant, entre l’amphigourique et le pathétique, entre l'irréaliste et le déjà-vu, qui met principalement en scène l'histoire d'amour sans avenir entre la jeune femme au bord du suicide (ce que l'on comprend assurément) et le riche homme d'affaire "patient, débonnaire et compréhensif". C'est à partir de ce moment-là que, il nous faut bien l'avouer, le roman a cessé de nous captiver pour ce qu'il était : une peinture sans concession de la société russe - et surtout moscovite - contemporaine. Sans concession, oui, dure aussi, parfois violente, affreusement matérialiste, où l'alcool coule à flot, pour un oui, pour un non, où l'argent est l'alpha et l'omega de presque tout, où les mafias (pas forcément démesurées) règnent en maître là où une police copieusement corrompue n'est pas présente ; un monde à plusieurs vitesse mais sur lequel surnage une petite minorité absolument hors d'atteinte - et porteuse de tant de fantasmes - du reste de la population ; un univers d'un machisme et d'un sexisme épouvantable comparativement au notre, pourtant bien loin de toute perfection en la matière. Pour simple exemple, ces quelques mots lâchés par un des personnages, pourtant pas des pires, mais qui se passent de commentaire : "Je te souhaite un homme comme ça, parce que le plus important chez une femme... c'est l'homme auquel elle appartient" ; un univers largement "aculturé" ou même "déculturé" ne connaissant plus grand chose de sa longue histoire, de sa magnifique littérature - à commencer par son XIXème extraordinaire -, de sa musique, de son théâtre (un des motifs réguliers de moqueries de la part de Nastia envers sa cousine tellement plus "classique") ; un urbanisme et un état social souvent sordides, tristes, délabrés, pauvres... Mais on y croise aussi tout un peuple métissé, bigarré, originaire des quatre coins de la Russie moderne ou de ses anciens états satellites - bien que tous ces petits mondes en miniature ne semblent guère se croiser qu'incidemment au détour d'une rue, d'une place ou d'un restaurant -, société cosmopolite haute en couleur, partageant un goût commun pour le bien manger (et la boisson aussi... beaucoup, en dehors des ressortissants de confession musulmane, et de la "parfaite" Katia, qui ne boit qu'occasionnellement et en faible quantité. Ce qui changera d'ailleurs provisoirement un peu, après "le drame")... On se surprend aussi à y rencontrer de braves gens, plutôt honnêtes, des hommes, surtout - car malgré la présence évidente des deux cousines, c'est un monde très masculin qui est représenté ici - capables de grands mouvements de bonté parfaitement gratuite, que l'on songe au jeune serveur Spar, même si, par la suite, c'est par amour sans espoir pour Nastia qu'il agit, que l'on pense aussi à ce chef débonnaire de cette table géorgienne réputée, ou encore au chauffeur attitré - un homme terriblement secret - de ce restaurant. Il y a bien évidemment le jeune Alexeï, une sorte de Katia au masculin dans sa pureté amoureuse naissante, naïve, innocente, maladroite et sincère. Or, même l'homme d'affaire expérimenté, roué, intraitable en affaire, riche à million et épicurien qu'est Andreï n'échappe pas à ce sentiment qu'il réside du bon dans l'homme. Il a beau arranger les choses uniquement à sa sauce, tout habitué qu'il est à commander et ses ordres immédiatement saisis d'effet, et dans le sens qui arrange le mieux sa conscience (à l'égard de son épouse, de ses enfants, de sa jeune amante), il a beau finir par demander l'impossible à cette jeune femme qu'il aime profondément, même si à sa manière de décideur omnipotent et omniscient, il n'en demeure pas moins profondément humain et doué de grands moments de bonté sans attente réelle de réciprocité.



Cependant, peu à peu, le roman perd de son rythme, perd de son "punch", passe de plus en plus à côté de cette peinture sociale qui en faisait, pour une large part, sa richesse et, il nous semble, son intérêt premier, mais sans jamais tomber dans l'exercice documentaire. Il s'enfonce dans une sorte de huis-clos amoureux avec un peu de Nastia/Mourad et beaucoup de Katia/Andreï, le jeune Alexeï jouant le rôle de trublion satellite dans cette histoire interminable dont on devine pourtant très vite la conclusion presque obligée. Dès lors, et pour reprendre une excellente comparaison trouvée par cette chère Bookycooky au cours d'une passionnante discussion ici-même, la seconde moitié du roman ressemble à l'idée que l'on peut se faire de romans à la Barbara Cartland. Il s'y propage, qui plus est, une succession d'idées, d'idéaux, de thèmes particulièrement réactionnaires sur l'amour, sur la procréation, sur la foi, sur la famille, sur la place des femmes dans la société et dans la sphère privée, sur l'avenir. Il est possible que cela ressemble à ce qu'est la Russie actuelle. Cette tendance à un retour massif aux supposés "valeurs éternelles", traditionnelles (pour ne pas écrire "traditionalistes", expressément familiales (dans sa version la plus renfermée) procède même sans aucun doute d'un vaste mouvement mondial qui ne laisse pas d'être inquiétant (toujours de notre humble point de vue). Il apparaît même un personnage assez inattendu dans cette ultime partie du récit, et qui correspond très certainement à un véritable renouveau de la foi et une certaine renaissance de l'Eglise Orthodoxe Russe en la personne d'un vieux prêtre quasi mystique, présenté comme un véritable saint homme, sage et invariablement bon (sauf dans l'esprit d'Andréï... Force est de reconnaître que nous avons, pour d'autres motifs que lui sans doute, une vision assez proche de la sienne de ce retour en grâce des églises et de ses prosélytes). Une vision malgré tout archaïque qui fait de la femme le support destiné à un but moral et divin ultime : la procréation, l'amour n'étant plus désormais que son vecteur "naturel", non plus un échange possiblement gratuit et sans objet particulier que lui-même, éventuellement érotique, entre deux êtres. Difficile de savoir si l'auteur défend quelque thèse personnelle que ce soit, même si la manière très délicate et respectueuse de présenter les quelques brèves mais fatidiques rencontres entre une Katia (laquelle a d'ailleurs plus ce que l'on surnomme "la foi du charbonnier" qu'elle n'éprouve un sentiment religieux construit de longue date, s'appuyant sur des lectures, des rites, des professions de foi), et ce quasi ermite moderne pourrait faire pencher la balance vers cette théorie, mais c'est tout de même trop ténu pour pouvoir l'affirmer aussi abruptement. D'autant que, nous le dirons plus loin, l'inverse peu s'avéré tout aussi exact.



N'empêche, un léger sentiment de gêne s'est emparé de votre lecteur, assurément laïc, plutôt "progressiste" en matière de moeurs et définitivement agnostique pour ne pas préciser méfiant envers quelque dogme que ce soit : le doute étant suffisamment raisonnable, comme on le dit en matière de justice, pour que votre serviteur se pose quelques questions quant aux intentions de l'auteur. Le doute est d'autant plus fort que le titre original de ce roman n'est pas du tout ce "Devouchki" certes sympathique et moderne que l'on peut traduire par "Les Filles", voire "Jeunes filles", mais "Iskushenie" qui prend une tournure bien plus religieuse et morale puisque cela signifie sans hésitation possible : "Tentation" (c'est exactement le mot employé par la version russe du Notre Père dans cette strophe «Et ne nous laisse pas entrer en TENTATION»). Ce titre exact éclaire d'ailleurs l'ensemble du roman d'une manière presque totalement différente de ce "Les Filles" un rien provocateur et naïf à la fois mais toutefois bien plus anodin et plus descriptif qu'analytique. D'où ces interrogations qui nous ont semblé parfaitement justifiées quant à cet aspect très traditionnel du sens de la destinée développé dans la fin de l'ouvrage. Une autre hypothèse serait de se demander à quoi correspond cette tentation si souvent synonyme de péché : L'envie de s'en sortir à n'importe quel prix ? Un certain goût pour le luxe et le sexe sans entrave ? La paresse qui découle d'une vie rendue facile par l'excès d'argent ? Ces insatiables plaisirs gourmands de l'estomac et cette soif alcoolique démesurée ? La colère liée au fait de ne pas parvenir à ses fins, qui vous fait vendre votre plus proche parent ? Le fait de se montrer infiniment avare de ses sentiments ? Ou encore l'orgueil de cette petite minorité qui a tant réussi sa "perestroïka" ultra-libérale et qui se suppose tellement au-dessus du commun des mortels qu'elle en devient mortifère ? À moins que l'apparence, véridique ou obsessionnelle, de ces péchés jugés jadis capitaux (certes en terre catholique, mais tout de même : la foi orthodoxe n'est pas à ce point lointaine qu'il ne puisse y avoir le moindre point commun) ne soit rien en comparaison de ce retour en force des idées les plus rétrogrades, sexistes, racistes, religieuses qui parsèment le roman... Ultime interrogation, plus technique celle-ci : le pourquoi de ce choix d'un titre russe pour... un autre titre russe. Est-ce à cause de la prononciation plus hasardeuse, dans notre langue, de l'original ou bien ce terme "tentation", ainsi que tout ce qu'il sous-entend, risquait-il d'être mal perçu par le public français, de condamner le livre à une mauvaise réception et, partant, de mauvaises ventes (après une forcément très longue et très poussée enquête marketing...) ? Nous ne le saurons sans doute jamais : ainsi va la petite cuisine du monde de l'édition et l'univers étrange des droits de traduction !



Il ne fait aucun doute que ces thématiques ont toutes leurs raisons à être, qu'elles sont même essentielles, mais il nous a vraiment semblé que c'était abordé ici avec une certaine maladresse, sans réelle profondeur, avec, même, inconsciemment, l'expression d'un genre d'ennui poli de son auteur qui nous a dès cet instant semblé ne plus tout à fait savoir comment achever son livre sans lasser, se répéter. Les personnages, jusqu'ici modérément archétypaux, échappaient aux modèles courus d'avance, à l'exception, sans doute, de sa Katia, décidément trop parfaite, trop pure, presque éthérée pour être totalement crédible, une sorte de Mlle Candide au pays de Poutine - mais indispensable, pourtant, à la trame du récit -, ainsi que la relation "Bien contre Mal" des deux cousines parfois outrée. Or, dans cette seconde moitié, tout devient manichéen, simpliste, mièvre, attendu, n'échappant à aucun des écueils du genre (des échanges emphatiques mais souvent creux suivis ou précédant des décisions aberrantes ou n'offrant qu'un intérêt limité) et, pour tout dire, un peu plat. Il n'est pas jusqu'à la construction du récit qui se délite : jusque-là, chaque chapitre était équilibré, solide, bien construit... Jusqu'aux deux ultimes. Le 18ème étant purement interminable, sautant régulièrement du coq à l'âne (mais surtout de personnages en personnages sans lien logique), tâchant d'accélérer le temps tandis que c'est plutôt l'ennui qui s'installe et plus que jamais ce manque cruel de rythme qui était pourtant si vif dans la première moitié du livre. Quant au dernier, il est réglé en deux temps, trois mouvements, même si, avouons-le, en l'état de la conclusion que Victor Remizov donne à son Devouchki, il n'y avait pas grand chose à ajouter...



Quant au roman dans son ensemble, malgré cette sincère et regrettable déception liée à ce second roman dans le roman, il n'en est pas moins franchement intéressant. Si elle n'est pas révolutionnaire, l'écriture est vive, fluide, vraiment très agréable sans pour autant être basique, ce texte se lit avec un certain bonheur (n'eût été cette fin vraiment interminable et oiseuse). Pour preuve, ces premières pages d'une grande délicatesse, d'une poésie rogue et douce à la fois, consacrées à l'évocation de ce gros bourg sibérien et de la survie de sa population, rugueuse, à l'avenir bouché et grisâtre mais d'une certaine noblesse malgré tout. Un réalisme assumé, brut, direct, sans circonvolution inutiles mais toujours précis, ce qui nécessite parfois des développements qu'il n'est plus si fréquent de lire. Pour preuve encore, ces personnages secondaires, voire de troisième plan, esquissés au fusain avec intelligence, sobriété et finesse.

Il y a aussi ces petites touches discrètes mais parfaitement visibles - et lisibles - à l'encontre de différents aspects liées aux institut
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Volia Volnaïa

Dans la péninsule de Rybatchi, au nord de la Sibérie, la vie s'écoule dans une nature difficile rythmée par la chasse à la zibeline, la pêche pour récolter les oeufs de saumon - souvent braconnés faute d'autorisation officielle, la boisson - et le graissage de pattes des différents notables de la ville pour permettre un commerce tranquille des fameux oeufs de poissons. A la suite d'un incident en pleine forêt, Gnidiouk, le commandant adjoint de Tikhi le chef de la milice, récemment parachuté, s'en prend à Stépane et décide de le poursuivre et l'arrêter. Il souhaite ainsi remettre au pas et faire un exemple pour remettre de l'ordre dans cette région mais il met également le doigt dans un engrenage jusqu'à l'intervention de l'OMON les forces spéciales du ministère de l'intérieur russe.

Volia Volnaïa invite à l'immersion dans les forêts et les paysages de la Sibérie en plein hiver mais surtout c'est une rencontre avec les habitants et l'occasion de présenter une partie de la société russe, celle qui survit difficilement grâce à l'entraide, aux combines, au braconnage toléré - à condition de s'acquitter d'une contribution de vingt pour cent auprès de la police - un équilibre qui satisfait à peu près tout le monde et qui va basculer avec l'attitude jusqu'auboutiste d'un responsable de la milice.



Volia Volnaïa est un récit choral, où Victor Remizov présente une galerie de personnages hauts en couleur entre Guenka le chasseur, TIkhi le chef de la milice un peu bonhomme et dépassé par le nouvel arrivé Gnidiousk, Stepane Kobiakov, intègre, qui défie le système de racket, le Moscovite qui essaye de s'intégrer dans cette nature hostile mais libre ou Balabane le chanteur musicien. Une farce tragi-comique qui fait également la part belle à une critique du régime russe, corrompu, violent, où rapports de force et menaces sont des systèmes d'organisation de la société, quelquefois remis en cause par des individus isolés mais bénéficiant de la complicité d'un réseau d'amis efficaces.

Ce roman, malgré de très bonnes critiques a été une petite déception, malgré des personnages drôles entre Gogol et Arto Paasilina, je me suis perdue dans beaucoup de longueurs, des descriptions répétées et des personnages évoqués sous des noms différents ou leurs nombreux surnoms, une habitude dans la littérature russe qui reste toujours difficile à suivre.

Une lecture mitigée donc, un roman intéressant qui n'aurait pas souffert d'une centaine de pages en moins.
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Volia Volnaïa

La taïga est le personnage principal de ce roman. Magnifique, magnétique, impitoyable, rude, très rude.

Le roman se permet avec bonheur de grands moments contemplatifs. Les hommes s’arrêtent parfois pour juste admirer la nature qui les entoure.

Et j’aime quand le récit se permet ce genre de pause (vous ai-je parlé du film « Ghost in the Shell » de 1995 ?)



## Mais où sommes-nous au fait ?



Le récit se situe aux confins de la Russie non loin des terres Yakoutes.

Une petite communauté vit de pêche, de chasse et du trafic des oeufs de poissons. Un véritable or rouge.



## Mais quand sommes-nous ?



C’est un récit contemporain.



## Et les hommes ?



Les hommes ne sont pas « magnifiques ». Certains sont braves, droits et justes. D’autres, beaucoup plus lâches et veules.

Mais de toute façon pour vivre avec un peu de « confort » il faut un « métier » à côté.

Personne n’est blanc comme neige.

Alors tout le monde contourne la loi sous l’approbation de la police qui ponctionne 20 % pour fermer les yeux.



> Peut-être pensait-il que tout flic qui se respecte doit avoir son business. Ce n’était pas lui qui l’avait décidé, c’était la coutume.



Chacun vit sa vie et savoure la liberté sans pareille au milieu d’une nature sans limites.

La vie est rude et l’alcool coule à flots. Vraiment à flot. On boit de la Vodka ou des tors boyaux tout le temps, constamment.

Pas de repas sans Vodka.

Pas de rencontre sans Alcool.

On part en « expédition » dans la taïga sur un coup de tête après avoir beaucoup trop arrosé une discussion nocturne.

Il faut alors de la chance pour en revenir.



Un incident stupide entre un habitant et un policier nouveau venu va prendre des proportions dramatiques.

Le fragile équilibre de la communauté qui tenait surtout par un accord tacite « laisse-moi tranquille » vol en éclat.

C’est pour tous un révélateur : « Sommes-nous aussi libres que l’on veut bien le croire ? »

On peut se moquer du système, de Moscou… mais tout ça se rappelle avec force à tous.



Le récit est très bien dosé (à mon avis) entre moments de contemplation, tension, rencontres.

J’ai trouvé les personnages très intéressants : du plus rebelle au plus résigné, tous sont « vrais ».

Personne ne sonne faux.



## Élargissons le cadre



Le roman donne un éclairage bienvenu sur la perception du pouvoir et de la liberté en Russie



> En Russie, le pouvoir avait toujours été une vache sacrée. Même ici, dans ces lieux reculés qui depuis la nuit des temps servaient de refuge contre les persécutions de toutes sortes et où le servage n’avait jamais pris, où des hommes plus qu’indépendants vivaient au sein d’une nature rude, les gens s’indignaient, non pas de la mauvaise structure du pouvoir lui-même, mais de l’injustice de ses actions. C’était stupide à n’y rien comprendre !



Les hommes boivent, mais leur liberté est un constant sujet de discussion



> Tous les gars du coin se ressemblaient : ils voulaient une vie libre. Même au prix d’un pouvoir inique.

Or un pouvoir inique corrompt même la liberté



On parle de changement de pouvoir en ce moment pour la Russie. Changement vraiment ?



> Il savait pertinemment que de son vivant le pouvoir ne s’améliorerait pas en Russie. Le gouvernement actuel, la situation actuelle correspondaient précisément aux aspirations de l’absolue majorité des citoyens, à l’idée que ceux-ci se faisaient du bien-être.



Deux mondes qui s’ignorent



>… Il comprenait bien qu’il n’existait rien de commun entre ceux qui regardaient le ciel depuis leurs bureaux moscovites, passaient leurs soirées au restaurant ou au théâtre, distribuaient les licences de pêche et de chasse, les autorisations à extraire l’or… et un Onc’ Sacha qui sillonnait la taïga sur son vieux tas de ferraille.

Rien ne les unissait : ni Dieu, ni un tsar, ni même un guide bien-aimé.



Sur Moscou et le pouvoir



> — Bon, chez nous, d’accord, c’est l’arbitraire, disons. Si tu es procureur, les autres n’ont qu’à se tenir à carreau. Mais tu prétends que c’est pareil à Moscou ? Ça veut dire que le pouvoir est pourri partout ?

— À Moscou, c’est pire. Ici, malgré tout, subsistent quelques valeurs humaines. Là-bas, il n’y a que l’argent.



## Points délicats ou qui peuvent l’être



* On s’appelle par le prénom et le nom de famille, ou par le prénom seul, ou par un diminutif, ou par un surnom !

Et oui vous n’échapperez pas au moment « Mais de qui parle-t-il donc ? »

Pas facile de suivre par moment

* Chasse : Pas question ici de chasse à la « galinette cendrée », mais chasse il y a.



## Quelques citations pour se rendre compte du ton du livre



> En avançant en âge – il avait quarante-trois ans –, il s’était mis à apprécier de plus en plus cette vie solitaire au cœur de la taïga. Il en était lui-même étonné : avec les années, bien des choses cessaient de l’intéresser et s’éloignaient en douceur, quittaient sa vie, mais cette attirance-là ne faisait que croître. Dans la forêt, il se sentait toujours bien. Mieux qu’ailleurs, avec qui que ce soit.



> La chanson préférée du Cuistot narrait l’histoire d’un gars qui cherchait l’amour et la liberté, mais qui était tombé sur une belle garce, une traîtresse. Il y avait là un désespoir très russe, un désespoir fou d’ivrogne – la trahison de cette garce symbolisait le désordre du monde –, authentique dans sa profondeur effrayante et mystérieuse. Cette histoire aurait pu être vulgaire, comme toutes les chansons de ce genre, mais elle ne l’était pas. Balabane possédait un savoir calme sur la vie : dans son interprétation, la fille était malheureuse, elle aussi, et c’était très important ; la douce voix du chanteur permettait à tous de s’élever au-dessus de ce qui aurait pu être une banale cuite.



> Il y avait dans le travail de ces hommes un sens immense, presque inaccessible à l’intellect, un sens qui émanait de cette taïga, de ces montagnes, contenu dans le travail lui-même, dans ce lourd labeur qu’ils accomplissaient sans rechigner en sachant que l’année suivante il leur faudrait recommencer


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