Je ne me souviens plus, du moment et pourquoi j’ai eu connaissance du roman de Viktor Pelevine, surtout dans le chaos littéraire Français que nous subissons, avec ce formatage de roman où la plume ne prime plus mais juste le copinage des médias, critiques et maisons d’édition, j’ai remarqué le clivage des grands groupes médiatiques vers une littérature du médiocre et de l’abrutissement, nous imposant des livres sans sens, sans saveur, sans phrases littéraires, une sorte de censure littéraire du beau, Proust, Baudelaire et Boris Vian se meurt de ne pas trouver un héritier, mais l’histoire nous apprend que le médiatique ne reste pas, seul l’écriture ne meurt pas et j’espère que la postérité gardera certains de ces auteurs trop mis sous silence et Viktor Pelevine avec La vie des insectes pénètre dans le mausolée du magnifique et du grandiose avec cette allégorie caustique de la Russie. Mon préambule est surtout pour défendre ces librairies indépendantes, laissant les mots dicter leurs choix, grâce à eux, nous pouvons découvrir des auteurs perdus dans la masse de la nullité moderne, vendre, vendre, vendre… Petite recherche sur cet auteur Russe, d’une enfance sous le régime soviétique, il commence sa vie active sous la perestroïka et son ouverture vers l’occident, ces deux mondes vont influencer son écriture, d’une formation d’ingénieur, Viktor Pelevine aime le mystère, avare des médias et peu sous les feux des projecteurs, il se montre très peu, il est très actif sur son site. Son univers oscille entre réalité et fantastique, il aime ce mélange comme son roman La vie des insectes publié en 1993 dans la revue Znamia. Viktor Pelevine est considéré comme le chef de file de la nouvelle génération Russe, il est même l’un des plus novateurs de la littérature contemporaine.
Ce roman est composé de 15 nouvelles qui au fil de la lecture semblent être des proses indépendantes l’une de l’autre mais cette subtilité est éphémère, elles tissent entre elles, un écho, une résonance, c’est presque la fractale heureuse de ces fables de Jean de la Fontaine et aussi d’Ivan Krylov, ce fabuliste russe, une parodie que nous offre Viktor Pelevine, laissant dans ces mots et sa manière d’écrire , la fougue de Gogol et de cet auteur plus récent Mikhaïl Boulgakov, avec Maître et Marguerite, ce côté onirique qui dilate le roman La vie des insectes. Viktor Pelevine est un auteur qui puisse dans la culture russe ses inspirations, comme avec la pièce de théâtral, Karel Čapek, De la vie des insectes, Marc Aurèle est aussi présent dans sa prose, l’un de ces personnages lui envoyant une lettre dans le vent, comme un appel à sa philosophie, Arkadi Gaïdar est son Le Destin du tambour sonne au loin son clairon pendant que deux insectes s’adonnent au sexe, Le Cerisaie de Tchekhov s’invite aussi, comme dans L’aspiration d’un phalène vers le feu, Tchekhov devient l’image d’une lumière. Viktor Pelevine aime la culture qui a bercé sa vie et son pays pour la distiller au fil de ses nouvelles dans ce roman entomophile, la pollinisation des insectes du genre humain, pour façonner cette Russie changeante, se morcelant de la chute de l’union Soviétique vers la Russie en mutation…
Ce qui est performant dans ce roman, c’est la manière de faire douter le lecteur, car dès la première nouvelle, La forêt russe, présentant le paysage de la Crimée, dans une station Balnéaire, laissant flirter ses personnages dans ce paysage, la description de ces trois hommes est singulière, puis d’un clignement d’œil, le tableau change pour faire apparaitre trois moustiques, Viktor Pelevine creuse au fond de son âme , le fantastique que le berce, l’humain et l’insecte ne font qu’un, ces êtres vivants peuplant notre terre ont cette même vie de labeur, s’attachant à survivre à leur quotidien. Dans les différentes nouvelles, nous allons découvrir un monde du tout petit en parallèle du notre, l’humain se retrouve dans sa petitesse, il n’est pas le roi de ce monde et de sa supériorité, il devient ce minuscule insecte, insignifiant, au contraire de cette métaphore, l’insecte se met sur le même pied d’égalité que l’humain, leur souffrance est la même pour tous.
Je pourrais donner un petit aperçu de chaque nouvelles, mais je risque de me perdre dans ce st, le fantastique, car Viktor Pelevine aime détourner l’attention pour passer de l’humain à l’insecte, du rêve à la réalité, le surnaturel aspire les certitudes, comme dans la plupart de ces petites histoires, avec toujours un petit soupçon de philosophie, de culture, de littérature, et de plaisir. J’aime ces insectes tout droit sorti des Fleurs du mal, où l’alcool, le hasch et le sexe les animent, car on se saoule à la vodka, on aime se défoncer, on adore s’accoupler, on fait de la contrebande de sang, son se dévore, on se fait écraser par une chaussure, on se colle à un papier tue-mouche, on creuse encore et encore des galeries, on échappe à la milice, on pousse une boule de fumier, on se transforme, on rêve de dollar, d’Amérique, on accouche, on philosophe au clair de lune, on lit les journaux, on écoute la radio, on danse, on joue de l’accordéon, on survit, on meurt, la vie des insectes-humains ressemblent beaucoup à celles du Russe, venez vous perdre dans ce dédale amusant du monde fantastique Pelevinien.
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