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Galia Ackerman (Traducteur)Pierre Lorrain (Traducteur)
EAN : 9782020324465
208 pages
Seuil (02/09/1997)
3.29/5   34 notes
Résumé :
Dans une station balnéaire de Crimée, des estivants tentent comme ils peuvent de tuer le temps. On se saoule, on fume du hasch, on va au ciné, on a des flirts un peu poussés et des conversations philosophiques embrumées, on rêve de l’Amérique et de l’avenir radieux capitaliste. Rien que de très normal en somme, si ce n’est que ces traîne-savates sont à la fois des hommes et des femmes comme tout le monde, et des insectes : bousiers roulant leur boule de fumier, mous... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Viktor Pelevine (né en 1962) est souvent décrit comme un écrivain énigmatique, dérangeant et très imaginatif. La Vie des insectes est une satire sociale qui se sert des insectes pour peindre les hommes. Ecrit en 1993, le roman allégorique révèle le caractère animal du capitalisme sauvage à la mode post-soviétique, le chaos social qui en découle mais plus généralement, il s'intéresse à la nature humaine, cherchant la lumière dans de vaines valeurs.

Au début, nous sommes dans une station balnéaire délabrée en Crimée. Sam Sucker, un Américain svelte et arrogant discute mondialisation avec Arnold et Arthur deux investisseurs locaux, anxieux et complexés. Et puis soudain les trois personnages se jettent de la balustrade dans le vide. Ce sont des moustiques. Ils ont des prélèvements d'hémoglobine et de glucose à faire. L'avide Samuel fait un prélèvement sur un Russe fortement imbibé d'eau de Cologne de la forêt russe …
Nous faisons ensuite connaissance avec un honorable papa qui donne une leçon énigmatique à son fils et lui met dans la main à la fin de chaque phrase, une petite boule de fumier. le petit sort soudain de sa chrysalide. Il s'agit d'un bousier.
Marina l'ouvrière-pondeuse se bat farouchement pour sa survie. Elle apporte des biens matériels à sa coopérative de fourmis tout en construisant son propre trou.
Mitia et Dima vivent dans l'obscurité et aspirent à la lumière. Ce sont des phalènes, des papillons de nuit. Mitia qui a lu Marc-Aurèle explique à Dimia qu'ils tournent autour d'une boule de fumier en la prenant pour une lampe. Ils discuteront souvent du sens de la vie, de films français ou de Samuel Beckett sous un réverbère. On rencontre aussi mais ne le répétez pas un ingénieur-cigale qui code des plans sur informatique et se fait pousser une moustache pour être pris pour un cafard.
Nikita et Maxim, artistes « conceptuels» partagent un joint tout en déplorant le fait que des insectes rampent dans « l' herbe ». En effet ils fument tellement qu' ils se découvrent à l'intérieur de la pipe, punaises de chanvre soudainement fumées par deux impayables fumeurs de joint. Very bad trip très drôle. Il y a bien d'autres personnages, des femelles bien humaines qui aspirent à la liberté, notamment Natasha la mouche, une beauté très convoitée par Sam et qui est née des oeufs de Marina.
Les personnages-chimères sont tous en interaction, tantôt humains-tantôt insectes et, c'est le gros point fort cela passe, sans heurts, comme une lettre à la poste. le livre nous amène à nous interroger sur notre propre ambiguïté d'animaux pensants, sur notre instinct et notre liberté. Mais ne croyez pas que le roman est constamment plaisant. Non. Certes il y a de très bons passages, des dialogues drôles et créatifs mais je me suis aussi parfois ennuyée. Il est très gorgé de références russo-russes. Aussi je suis passée à côté de bien des parodies, pastiches ou autres réflexions. En revanche, j'ai bien apprécié les pensées universelles du papillon philosophe.


Je vous engage, petits scarabées, à lire critique et citations du sage Batlamb avant qu'il ne s'envole.
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Je ne me souviens plus, du moment et pourquoi j'ai eu connaissance du roman de Viktor Pelevine, surtout dans le chaos littéraire Français que nous subissons, avec ce formatage de roman où la plume ne prime plus mais juste le copinage des médias, critiques et maisons d'édition, j'ai remarqué le clivage des grands groupes médiatiques vers une littérature du médiocre et de l'abrutissement, nous imposant des livres sans sens, sans saveur, sans phrases littéraires, une sorte de censure littéraire du beau, Proust, Baudelaire et Boris Vian se meurt de ne pas trouver un héritier, mais l'histoire nous apprend que le médiatique ne reste pas, seul l'écriture ne meurt pas et j'espère que la postérité gardera certains de ces auteurs trop mis sous silence et Viktor Pelevine avec La vie des insectes pénètre dans le mausolée du magnifique et du grandiose avec cette allégorie caustique de la Russie. Mon préambule est surtout pour défendre ces librairies indépendantes, laissant les mots dicter leurs choix, grâce à eux, nous pouvons découvrir des auteurs perdus dans la masse de la nullité moderne, vendre, vendre, vendre… Petite recherche sur cet auteur Russe, d'une enfance sous le régime soviétique, il commence sa vie active sous la perestroïka et son ouverture vers l'occident, ces deux mondes vont influencer son écriture, d'une formation d'ingénieur, Viktor Pelevine aime le mystère, avare des médias et peu sous les feux des projecteurs, il se montre très peu, il est très actif sur son site. Son univers oscille entre réalité et fantastique, il aime ce mélange comme son roman La vie des insectes publié en 1993 dans la revue Znamia. Viktor Pelevine est considéré comme le chef de file de la nouvelle génération Russe, il est même l'un des plus novateurs de la littérature contemporaine.
Ce roman est composé de 15 nouvelles qui au fil de la lecture semblent être des proses indépendantes l'une de l'autre mais cette subtilité est éphémère, elles tissent entre elles, un écho, une résonance, c'est presque la fractale heureuse de ces fables de Jean de la Fontaine et aussi d'Ivan Krylov, ce fabuliste russe, une parodie que nous offre Viktor Pelevine, laissant dans ces mots et sa manière d'écrire , la fougue de Gogol et de cet auteur plus récent Mikhaïl Boulgakov, avec Maître et Marguerite, ce côté onirique qui dilate le roman La vie des insectes. Viktor Pelevine est un auteur qui puisse dans la culture russe ses inspirations, comme avec la pièce de théâtral, Karel Čapek, de la vie des insectes, Marc Aurèle est aussi présent dans sa prose, l'un de ces personnages lui envoyant une lettre dans le vent, comme un appel à sa philosophie, Arkadi Gaïdar est son le Destin du tambour sonne au loin son clairon pendant que deux insectes s'adonnent au sexe, le Cerisaie de Tchekhov s'invite aussi, comme dans L'aspiration d'un phalène vers le feu, Tchekhov devient l'image d'une lumière. Viktor Pelevine aime la culture qui a bercé sa vie et son pays pour la distiller au fil de ses nouvelles dans ce roman entomophile, la pollinisation des insectes du genre humain, pour façonner cette Russie changeante, se morcelant de la chute de l'union Soviétique vers la Russie en mutation…
Ce qui est performant dans ce roman, c'est la manière de faire douter le lecteur, car dès la première nouvelle, La forêt russe, présentant le paysage de la Crimée, dans une station Balnéaire, laissant flirter ses personnages dans ce paysage, la description de ces trois hommes est singulière, puis d'un clignement d'oeil, le tableau change pour faire apparaitre trois moustiques, Viktor Pelevine creuse au fond de son âme , le fantastique que le berce, l'humain et l'insecte ne font qu'un, ces êtres vivants peuplant notre terre ont cette même vie de labeur, s'attachant à survivre à leur quotidien. Dans les différentes nouvelles, nous allons découvrir un monde du tout petit en parallèle du notre, l'humain se retrouve dans sa petitesse, il n'est pas le roi de ce monde et de sa supériorité, il devient ce minuscule insecte, insignifiant, au contraire de cette métaphore, l'insecte se met sur le même pied d'égalité que l'humain, leur souffrance est la même pour tous.
Je pourrais donner un petit aperçu de chaque nouvelles, mais je risque de me perdre dans ce st, le fantastique, car Viktor Pelevine aime détourner l'attention pour passer de l'humain à l'insecte, du rêve à la réalité, le surnaturel aspire les certitudes, comme dans la plupart de ces petites histoires, avec toujours un petit soupçon de philosophie, de culture, de littérature, et de plaisir. J'aime ces insectes tout droit sorti des Fleurs du mal, où l'alcool, le hasch et le sexe les animent, car on se saoule à la vodka, on aime se défoncer, on adore s'accoupler, on fait de la contrebande de sang, son se dévore, on se fait écraser par une chaussure, on se colle à un papier tue-mouche, on creuse encore et encore des galeries, on échappe à la milice, on pousse une boule de fumier, on se transforme, on rêve de dollar, d'Amérique, on accouche, on philosophe au clair de lune, on lit les journaux, on écoute la radio, on danse, on joue de l'accordéon, on survit, on meurt, la vie des insectes-humains ressemblent beaucoup à celles du Russe, venez vous perdre dans ce dédale amusant du monde fantastique Pelevinien.
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Je ne m'étais jamais demandé à quoi pouvaient ressembler les côtes de Crimée en 1993. Et puis j'ai ouvert ce livre, déployé son étonnant paysage de station balnéaire décrépite. Une beauté maladive explorée sous tous les angles : du dessus, du dessous, à l'endroit, à l'envers, à échelle humaine, puis insectoïde, qui se révèlent souvent être les mêmes, sans aucun respect pour la logique et la stabilité des corps. Les points de vue virevoltent et se métamorphosent comme chez un Kafka sous acide.

Misérable beauté d'une Russie avide de capitalisme (« eat me », dit la mouche russe au moustique américain désirant planter sa trompe dans son abdomen). Mais la nouvelle réalité ne se démarque de l'ère soviétique que par une différence de "teintes et de poses". Soviétique ou non, la société produit des ruines qui s'enfoncent lentement dans l'humus, où les cafards et fourmis creusent les tunnels de leurs vies.

La satire est grinçante, entre l'ombre des tunnels et la lumière quêtée par les insectes volants, dans un parcours bouddhique qui constitue l'un des fils rouges du récit. Mais où est-elle, cette lumière ? Elle brûle parfois quand on se colle contre le verre qui l'abrite. La mort d'un insecte peut être si brutale…

D'ailleurs, vu d'assez haut, nous devenons tous des insectes (escaladez une tour de 30 étages, vous verrez). Tout se transforme, comme disent Lavoisier et le Yi-King. Les chemins parcourus conditionnent la forme des insectes, et agencent leurs pattes en autant d'hexagrammes différents.

Les hexagrammes ne figurent pas un état figé, mais le mouvement. C'est pourquoi ce livre est le contraire d'une collection entomologique répartie dans des boîtes de verre. L'illusion d'un sujet isolé du monde se défait, et la luciole vient éclairer la statue de Bouddha pour y refléter un sourire.
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Critique d'une société russe contemporaine au travers de prises de vue poétiques et métaphoriques d'une station balnéaire de Crimée, on suit les pérégrinations de divers hommes /femmes insectes en métamorphoses permanentes qui posent des regards variés permettant d'aborder le sujet sous tous les angles (au propre comme au figuré).
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Un moustique américain, guidé par deux comparses russes, vient prélever des échantillons de sang afin d'évaluer le potentiel de développement touristique de la Crimée pour ses compatriotes. Une mouche russe ne rêvant que de quitter son pays tente de le séduire. Des phalènes dissertent sur les bénéfices respectifs de la lumière et de l'obscurité. Un cafard creuse des galeries en accumulant le plus de biens possibles tout en essayant de ne pas croiser les milices et leurs exigences de pots-de-vin.

Ces insectes n'en sont pas vraiment. Mais ils ne sont pas non plus vraiment des humains. N'allez pas croire pour autant qu'ils sont des mutants : ils sont des prétextes, les biais que prend Viktor Pelevine, grand maître de l'absurde, pour nous parler de la société russe juste après la chute de l'URSS. Il décrit à merveille le réel par l'irréel sans jamais en tirer la moindre conclusion définitive, et c'est sans doute là que réside tout son génie. Il décrit par la métaphore et sans concession une société en pleine mutation, mais le lecteur devra se débrouiller tout seul s'il veut figer le constat dans un jugement moral. Il use avec tact de l'étrange pour porter un regard terriblement lucide sur le concret.

Viktor Pelevine n'est pas franchement un comique, il y a pourtant quelque chose de réjouissant sous sa plume. Loin des autofictions dont nous sommes abreuvés sous nos latitudes, il utilise la littérature pour une idée plus grande que son nombril : penser le monde et l'histoire en marche.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Soudain la musique se fit plus forte et les lampes s'éteignirent. Elles se rallumèrent presque aussitôt, mais sur un rythme stroboscopique, arrachant à l'obscurité, à chaque flash, une foule monolithique immobile, tantôt verte, tantôt bleue, tantôt rouge qui, dans la fraction de seconde de son existence, ressemblait à un débarras de statues en plâtre rassemblées là en provenance de tous les jardins publics et camps de pionniers soviétiques. Au bout de quelques instants, il devint clair aux yeux de Mitia qu'en réalité il n'y avait ni danse, ni dancing, ni danseurs, mais uniquement une succession de jardins publics morts dont chacun n'existait que pendant la demi-seconde où s'allumaient les ampoules d'une couleur déterminée, avant de disparaître pour l'éternité, laissant sa place à un autre qui ne différait du précédent que par la teinte de son ciel et la pose de ses statues.
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"Sam hocha distraitement la tête et regarda son assiette. Le menu disait : "boulettes paysannes à l'oignon". En réalité, c'étaient de petits morceaux de viande rectangulaires disposés selon un ordre architectural strict. Une mer de sauce coulait à droite de la viande et une montagne de purée de pommes de terre, en pente douce, décorée de quelques points colorés de carottes et de fenouil s'élevait de l'autre côté. La purée glissait comme de la lave sur la viande, et le contenu de l'assiette ressemblait à Pompéï vu du haut. Étrangement, il rappelait en même temps le panorama du village de vacances tel qu'on pouvait le contempler depuis la table.
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"Au sol, comme n'importe quel autre soir, seuls luisaient de rares réverbères et des fenêtres. Il y avait peu de sources de lumières assez fortes pour être même vaguement attirantes : quelques enseignes de restaurants, un néon rose composant le mot "lues" à l'angle d'une tour sombre du centre de vacances et la lueur scintillante du bal en plain air situé à proximité. Vu d'en haut, on aurait dit une fleur ouverte, aux couleurs sans cesse changeantes, qui, en guise de parfum, aurait exhalé de la musique. L'instinct poussait vers cette fleur tous les insectes des environs chaque fois qu'une patte quelconque y branchait l'électricité. Mitia décida d'y faire une descente pour mesurer l'ambiance. "
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À droite de la vedette, une énorme montagne rocheuse apparut. Elle ressemblait à un oiseau de pierre, les ailes déployées et la tête baissée. À son sommet, deux feux rouges clignotaient.
- Tu vois, montra Dima, combien il y a de lumière et d'obscurité autour de nous. Choisis ce que tu veux.
- Admettons que j'opte pour la lumière comment saurai-je s'il s'agit ou non d'une vraie lumière ? Ne m'as-tu pas parlé récemment de la lune, des ampoules d'Ilitch, etc. ?
- La véritable lumière est celle à laquelle tu parviendras. Et si tu n'y aboutis pas, même un tout petit peu, c'est que le feu vers lequel tu volais, quelque brillant qu'il te parût, n'était qu'une tromperie. Car l'important n'est pas vers quoi tu voles, mais qui vole, bien qu'au fond ce soit la même chose.
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"Ils étaient absolument immobiles et regardaient au loin d'un air pensif en se balançant légèrement, au gré des courants d'air, sur la tige où ils étaient installés.
- Je pense, dit l'un des coléoptères, qu'il n'y a rien de plus élevé que notre solitude.
- Mis à part les eucalyptus, dit le second.
- Et les platanes, ajouta le premier, après un moment de réflexion.
- Et encore l'arbre à chicle qui pousse dans la partie sud-est du Yucatán.
- Sans aucun doute, acquiesça le premier, mais cette souche pourrie dans la clairière voisin n’est certainement pas plus élevée que notre solitude.
- C’est exact, confirma le second.
Les coléoptères rouges fixèrent de nouveau l’horizon, l’air pensif."
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