J'aimerais débuter l'année — et vous la souhaiter excellente à tous — en commençant par un auteur russe contemporain,
Viktor Pelevine, encore très et trop peu connu en France, eu égard notamment à l'originalité et à la fraîcheur de ce qu'il propose en matière de littérature.
Ontologie de L'Enfance est l'un des jolis petits livres bilingues proposés par les Éditions du Rocher et qui mettent à disposition des textes et des auteurs russes qui sortent un peu des sentiers battus. Ici l'on ne déroge pas à la règle avec un sacré petit livre qui remue bien tous les souvenirs savamment sédimentés au fond de nos mémoires.
Pelevine nous invite à réfléchir pour savoir comment s'élabore dans notre conscience le concept flou de " paradis perdu " de l'enfance, voire, à la notion même d'enfance et/ou de bonheur qui y est souvent associé. Ce faisant il décortique les mécanismes de la perception : ceux qu'ils étaient quand nous étions enfant sur tel et tel objet, et ceux qu'ils sont désormais à travers nos yeux d'adultes, appliqués aux mêmes objets, qui en tous points sont demeurés les mêmes.
Ce serait déjà une expérience littéraire intéressante mais l'auteur va encore plus loin. Il déroule sa narration comme s'il s'agissait d'exemples autobiographiques, donc ayant leurs caractéristiques propres, qu'on ne questionne pas trop au départ, puis, au fur et à mesure, on se rend compte que l'enfant dont il nous parle a grandi dans l'espace éminemment cloisonné d'une prison de l'ère soviétique.
Et l'intéressant de l'expérience, c'est que pour cet enfant, cette vie dans les locaux et l'atmosphère pénitentiaires EST la normalité, et, comme composante normale d'une vie d'enfant, elle est liée à un certain bonheur et une certaine joie de vivre. Ce n'est qu'en grandissant que la perception se modifie et que les lieux et les objets prennent une autre signification.
Ce faisant, dans la tête de l'individu dont l'ontologie s'est effectuée ici, ces images resteront indéfectiblement liées au " paradis perdu " de l'enfance. D'où une réflexion plus vaste, malgré le faible nombre de pages de l'ouvrage, sur ce qu'EST l'enfance. Peut-être n'est-ce qu'une perception, ou, plus précisément, une manière de percevoir, laquelle perception particulière à l'enfance ne devient perceptible à l'individu sur lui-même que quand la manière de percevoir de cet individu a changé.
Il y a encore bien d'autres éléments à glaner dans ce petit livre et que je vous conseille, au sortir de cette période des fêtes de fin d'année, dont notre perception dépend intimement de celle que nous en avions durant l'enfance… Ceci dit, ces menues réflexions ne sont que l'expression de ma propre perception, c'est-à-dire, bien peu de chose.