Absent de l’Hexagone depuis de nombreuses années, l’auteur américain Walter Jon Williams n’a pourtant pas chômé ces derniers temps.
C’est avec une novella qu’il nous revient (enfin) dans la langue de Molière au sein de l’incontournable collection Une Heure Lumière du Bélial’.
Traduit par l’excellent Jean-Daniel Brèque, La Peste du léopard vert nous emmène dans un lointain futur où l’on peut être une sirène un jour et un singe la veille. De quoi offrir des perspectives infinies à l’espèce humaine…
La Peste du léopard vert commence de façon pour le moins surréaliste.
Une femme-sirène, Michelle, vit au milieu d’îles paradisiaques loin de l’agitation du monde : les îles Chelbacheb.
Rapidement, on comprend qu’il s’agit d’un lointain futur (à plusieurs siècles du nôtre) et que Michelle nage sur une Terre où l’on est désormais capable de changer de corps/nature à volonté !
Un prouesse technologique complètement fascinante qui n’est pourtant pas le cœur du récit.
En effet, Walter Jon Williams s’intéresse rapidement au passe-temps favori de Michelle pour nous y plonger entièrement.
Celle-ci adore farfouiller dans le passé et mener l’enquête pour démêler le vrai du faux. Elle est même particulièrement douée pour ça.
Contactée par le Dr Davout, un illustre professeur en biologie, la jeune femme se voit confiée une affaire des plus mystérieuses à propos d’un certain Dr Jonathan Terzian, père de la fameuse théorie de la corne d’abondance.
Plusieurs siècles auparavant, ce docteur en philosophie politique s’est comme volatilisé peu après la mort de sa femme et cela pendant plusieurs semaines avant de réapparaitre miraculeusement pour donner une conférence historique à Venise qui changera la face du monde.
Mais que lui est-il vraiment arrivé durant ce laps de temps ?
Qui était cette inconnue, Stéphanie, qu’il a rencontré à Paris ?
Et, surtout, que viennent faire des agents de l’ex-URSS mandés par la Transnistrie dans toute cette histoire ?
Autant de questions qui vont tenir en haleine Michelle et le lecteur.
Walter Jon Williams alterne deux époques et deux points de vue pour construire son récit et offrir ainsi une histoire jouant sur deux tableaux bien distincts et surprenants : la science-fiction et la philosophie !
La Peste du léopard vert imagine le bouleversement engendré par la démocratisation des biotechnologies et de la manipulation génétique dans un monde proche du nôtre. Plus précisément au rôle que la science va jouer dans la chute du capitalisme et l’avènement d’un tout nouveau paradigme.
Problème : comment remplacer un système tout entier par un autre sans retomber pour autant dans les même travers que l’ancien.
Est-ce seulement possible ?
La novella dévoile par petits bouts l’histoire de Terzian et de Stéphanie, oubliant l’angélisme militant pour se faire l’avocat du Diable.
Écho du futur, Michelle vit en plein milieu d’un monde transfiguré par les innovations issues de l’ingénierie génétique, un monde où la mort n’existe plus vraiment, où l’on peut changer de corps et d’espèce selon ses désirs et où, finalement, ni le travail ni l’amour n’ont plus la même signification.
Plus intéressant encore, La Peste du léopard vert, en sus de tirer le portrait de notre époque capitaliste mortifère ravagée par la guerre et la famine, s’attache à démontrer que les idées elles-mêmes ont au moins (si ce n’est davantage) d’importance sur le long terme.
« Ideas are bulletproof », comme dirait un célèbre anarchiste masqué anglais.
Passionnant de bout en bout, La Peste du léopard vert appartient à ce type de science-fiction maligne qui aime tout autant réfléchir sur les implications philosophiques de ses idées que d’exposer un monde radicalement différent du nôtre pour illustrer son propos.
Le tout sans tirer à la ligne et en restant parfaitement accessible. Que demander de plus ?
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