William Boyle

Amy est la femme la plus extraordinaire que j’aie jamais rencontrée. Elle est aussi belle à l’intérieur qu’à l’extérieur.

J’espère que la lumière ne va pas se rallumer. Je voudrais qu’on reste comme ça pour l’éternité.

Il faut dire qu’il adorait sa maîtresse, Mlle Krauza. Cette femme était un ange. Si seulement on pouvait revivre encore et encore cette année-là. Il n’avait besoin de rien d’autre. Il était content de me retrouver à la maison après l’école, de regarder la télé puis de dîner avec sa maman. Le soir, je lui chantais des chansons pour l’endormir. Il adorait Que Sera, Sera.

Xiùlán est belle, et c’est vrai qu’Amy a un peu le béguin pour elle, mais le mieux qu’elle puisse espérer, c’est une espèce de cordialité sympathique. Elle connaît bien le fonctionnement de ce genre de relation. Beaucoup de clients du bar où elle travaillait en pinçaient pour elle simplement parce qu’elle était leur barmaid et qu’ils appréciaient le fait de la retrouver toujours au même endroit, ou la facilité avec laquelle on pouvait bavarder avec elle, ou sa façon de préparer des cocktails. Ça ne voulait pas dire qu’il y avait des affinités entre eux. Et encore moins des étincelles.

C’était agréable d’être vue comme quelqu’un d’aussi jeune, alors qu’elle avait franchi le cap de la trentaine depuis plusieurs années déjà et commençait à se sentir vieille.

Dans le coin, le problème n’est pas de découvrir la vérité, mais de décider avec quel mensonge on vit le mieux.
FLANNERY O’CONNOR.

Faire une promesse qu’elle ne comptait pas tenir lui serra le cœur, comme quand Jimmy était petit et qu’elle lui promettait un cupcake de la marque Hostess tout en espérant qu’il oublie.

Elle pensa à la croix autour de son cou. Elle la portait depuis qu’elle avait douze ans. Il s’agissait d’une croix toute fine, en or, suspendue à une chaîne très légère. Elle l’extirpa de sous son chemisier et la contempla en la tenant au creux de sa paume. C’était un cadeau de sa marraine, avec qui elle avait perdu contact, ou qui l’avait complètement oubliée. Elle défit le fermoir et laissa la chaîne glisser dans sa main, la croix atterrissant par-dessus tel un vestige de naufrage.

Même si c'est vrai, de toute façon s'engueuler avec son père fait partie des choses de la vie. Tu ne peux pas mettre tous tes problèmes sur ce compte-là.

Il savait que Nick lui manquerait alors encore plus désespérément. Pas à cause des baisers ni des caresses. Mais à cause de la conversation, de la compagnie, de ce qui l'empêchait de se sentir aussi seul qu'il se sentait à présent. Il n'était pas fait pour être célibataire. Il avait besoin de quelqu'un. Ne pas avoir d'amour, c'était se sentir oublié, totalement vide et totalement seule.

Avant que Conway ne comprenne ce qui se passait, Ray Boy avait pivoté sur ses talons et fonçait droit sur lui. Il n'y avait aucun endroit où se cacher. Conway n'eut pas le temps d dire ouf que Ray Boy était déjà planté devant lui.
- Il te faut un manuel? demanda Ray Boy.
- Hein?
- On peut aller quelque part. Je te ferai un dessin. Je t'expliquerai comment t'y prendre.
- Pourquoi tu ne te tues pas toi-même? s'étonna Conway.
- J'ai besoin que ce soit toi.
- Pourquoi?
Pas de réponse.
- Pourquoi? répéta Conway.
- C'est ce que tu veux, non?
Conway hocha la tête.
- Alors, j'ai besoin que ce soit toi. C'est assez simple, il me semble. Comment est-ce que je peux te faciliter la tâche? Si t'y arrives pas, si tu crois que c'est trop difficile pour toit, je comprends. T'es pas un tueur. OK. Dis-toi que t'en es un. Rien qu'une minute. Trente secondes. Même pas. C'est tout ce qu'il faut. Dis-toi que t'en es capable.
Conway garda le silence.
- Si tu veux, on retourne dans le nord de l’État. A Hawk's Nest. Tu me fous dans le coffre, et on y va. T'as peur d'avoir des ennuis, peut-être? Ça n'arrivera pas. On mettra une bâche en plastique dans la cave. Je te montrerai comment faire. Comment étouffer le bruit de la détonation. Je te montrerai où m'enterrer. Il y a quatre-vingts hectares de collines derrière cette baraque. Des arbres. De la terre bien froide. Des animaux. C'est tout. Je te montrerai le meilleur endroit pour enfouir mon cadavre. Je t'aiderai à creuse le trou, si tu veux. Après ça, on retourne dans la maison, tu me flingues, tu me charges dans une brouette et tu vas me vider dans le trou. Je pourrai pas t'aider à le combler. Ça te prendra un peu de temps. A moins que tu me flingues directement dans les bois.

Un homme borné, brisé et triste, un pur produit du quartier, mais qui était tellement mieux que cette Mme Dirello.

Sweat ronflait encore et, à en juger par l’odeur qui régnait, il avait lâché quelques gros pets dans son sommeil. Sa chemise était jonchée de miettes de McMuffin à l’œuf et de galette de pomme de terre.

— C’est ça, eh ben moi j’ai un gros serpent à un œil, juste ici, dit Eugene, tirant sur son pantalon et pointant le pouce vers son caleçon.
— Un ver de terre, tu veux dire.

Eugene donna un coup de poing dans le bras de Sweat, qui fit une embardée dans la file de gauche.

Mme Dirello se leva et se traîna hors de la chambre telle une nonne obèse en route pour la chambre à gaz, s’arrêtant deux fois, d’abord pour récupérer son chapelet puis pour lacer ses souliers.

– Bien sûr que non. Pourquoi j’aurais ressenti ça ? Pourquoi j’aurais eu honte de faire quelque chose de très humain ? Quiconque te culpabilise là-dessus cherche simplement à te contrôler. Ta mère, qu’est-ce qu’elle va penser, que t’es une traînée ? On l’emmerde, Steph. Sincèrement. On l’emmerde. T’as pas besoin de ces conneries. Personne a besoin de ces conneries. Tu es un être humain, c’est tout. Tu as fait ce que tu avais besoin de faire. On emmerde ta mère.

Personne ne comprenait Conway. Personne ne l’avait jamais compris. Lui-même ne se comprenait pas.

Conway avait toujours été un loser de première. Pas d’espoir et pas de couilles, en voilà une combinaison pourrie.

— Rien à foutre. Avant, mon oncle était un seigneur. Qu’est-ce qu’a bien pu lui arriver, à ton avis ?
— Il s’est probablement pris tellement de bites dans le cul que ça lui a grillé le cerveau. Y a vraiment des gros costauds, en taule. Ils ont des bites qu’ont la taille des haches du Seigneur des Anneaux.

Ici, le service était assuré par des Ritals aux yeux de merlan frit pour qui verser une bière pression correctement relevait de l’exploit.