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EAN : 9782362290480
89 pages
Editions Bruno Doucey (02/05/2013)
4.88/5   8 notes
Résumé :
Le mot de l’éditeur :
Avec le temps, ma joie à faire connaître Symphonie du printemps s’est révélée féconde et contagieuse. Un an après la publication de ce long poème, nous faisons paraître un autre recueil inédit en français de Yannis Ritsos : Le Chant de ma sœur, écrit en Grèce en 1937. Le poète compose ce texte empreint d’humanité et de tendresse au moment où sa sœur Loula traverse les heures les plus sombres de sa vie. Il y évoque la folie qui ravage cet... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Souvenirs d'enfance et incantation contre la folie...

Il est difficile d'ajouter des mots à la très belle préface dans laquelle l'éditeur évoque les liens qui unissaient le frère et la soeur depuis l'enfance ainsi que le contexte de l'écriture de ce Chant...
et plus encore d'en ajouter à ceux du poète !

C'est en 1937 que paraît ce long poème élégiaque et incantatoire écrit, en vers libres, pour sa soeur Loula qui a voulu le protéger des traumatismes familiaux ; dans un livre, inédit en français, elle écrit : "Ce n'ai que les nuits où il s'endormait que je quittais la chambre, descendais en cachette et m'en allais dehors sur les rochers. Là, mon coeur, de pierre devant mon petit frère, je lui laissais donner libre cours à son chagrin."

Toute cette souffrance contenue l'a sans doute conduite à la folie et la voilà internée dans l'hôpital psychiatrique où est enfermé son père depuis près de dix ans.

Yannis lui dédie alors, lui adresse plutôt, ce long Chant pour tenter de l'arracher à l'enfer de son corps hurlant et ligoté... Cette incantation eût peut-être raison du malheur puisque quelques mois plus tard, Loula sortira de l'hôpital, guérie.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Ma SOEUR , je t'avais promis
de t'apporter de l'eau d'immortalité.
Je t'avais promis de répandre le soleil
dans ton tablier.
A présent, tu t'écries :
"Mon frère, j'ai soif ;
où est l'eau d'immortalité
que je m'y désaltère ?
Mon frère, j'ai froid ;
où est le soleil
que j'y réchauffe mes mains ?"
Et je reste là sans bouger et impuissant.
Moi qui ai vagabondé
dans les cieux
je n'ai pas la force de parcourir
un empan de terre.
Par-dessous la neige j'entends
les racines de notre vieux jardin
qui m'attachent à la terre.
Et j'ai oublié de marcher.
Je me penche sur le chaos
de ton âme
empli de crainte.
Les étoiles s'entrechoquent
dans les profondeurs de tes yeux
et les combats des dieux
ensanglantent tes entrailles.
Comment modeler ton incandescence
dans le buste froid de l'accalmie ?
J'avais jadis cru au ciel
mais toi tu me montras
les profondeurs de la mer
avec les cités des morts
avec les forêts oubliées
avec les bruits noyés.
Et à présent le ciel s'est enfoncé
- mouette blessée -
dans la mer.
Ma main que pour toi j'édifiais
pont sur l'abysse
s'est écroulée.
Regarde-moi
si nu et innocent
gisant devant toi.
J'ai froid, ma soeur.
Qui désormais nous apportera le soleil
pour réchauffer nos mains ?
Je me tais et je guette.
Personne ne passe
sur la route nocturne.
Les étoiles ont chaviré
dans les yeux rouillés
de l'aigle déplumé
qui vacille au bord
des remparts obscurs.
Tes mains liées
condamnent la sortie.
Seule ta voix parcourt
les corridors de la nuit
en frappant son long glaive
sur les dalles.
Il est tard.
Ni la mort ne veut de moi
ni la vie.
Où irai-je ?
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Ma soeur,
je ne suis plus poète
je ne suis pas digne d'être poète.
Je suis une fourmi meurtrie
qui a perdu son chemin
dans la nuit infinie.
Je remue la cendre
des Avrils embrasés
et je ne trouve pas une étincelle
pour allumer l'antique poêle.
C'est toi qui a soupesé
les trésors des siècles
dans ta paume délicate.
C'est toi qui a renversé les cimes
où reposaient les poètes.
Et moi je ne suis plus poète.
Je le sais,
les poètes
ne souillent pas de leurs larmes
les cités de cristal.
Ils veillent
avec leur regard égal et sans trouble
afin de mesurer
les effrois de la lumière
et les pulsations de l'univers.
Pourtant moi,
ma soeur, je veille
mesurant tes pulsations
et ton souffle.
Je me fortifie, tour nocturne,
dans l'impénétrable fracas
des tonnerres entrecroisés
et je touche résolu les foudres.
Les arcades de la lumière se sont effondrées
sous tes paupières.
Rien d'autre ne vit
en dehors du cycle funèbre
que tes yeux incisent dans la création.
Je ne veux pas
que les tambours des triomphes
annoncent ma gloire
dans les forêts du printemps.
Ton sourire le tien
me suffit.
La fontaine de tes yeux
peut abreuver ma soif
et faire éclore ma vie.
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Ma soeur,
une nuée toujours ombrait
tes paupières.
Accoudée au balcon
- une enfant encore -
tu regardais la mer
dérouler le rêve
de la solitude sans fin.
Tu alimentais ton coeur
des feuilles de l'automne
La mère reflétait
l'énigme de son ombre
dans le fond de tes yeux.
La pâle lueur de ton visage
errait sur le plancher
de notre demeure.
Nous ne te vîmes jamais pleurer.
Là seulement sur tes tempes
les veines ténues
pareilles à des filons de lumière bleue
battaient la fièvre
de tes lèvres recluses.
(Combien de fois,
aux heures où tu dormais,
je me penchais sur elles pour y lire
ton secret.)
Remplie d'amour et de pitié
tu pansais nos blessures
et te taisais.
Ton silence avisait de tout.
Par les soirs d'hiver
tu avançais seule dans la forêt
pour soigner
les moineaux nus,
pour réchauffer
les insectes transis.
Grain à grain tu amassais en toi
les larmes des pauvres, des humbles.
Et quand s'effondra notre maison
ce fut toi encore qui resta droite
- ombre de la Sainte Vierge -
afin de me montrer les étoiles
au travers des trouées du toit.
Désormais ton silence s'est brisé
et dans le petit coquillage que tu cachais
j'ai écouté les clameurs de l'océan.
Ma soeur, il ne m'est resté
pas même une pierre où m'étendre.
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TE SOUVIENS-TU ?
Elle t'avait jadis offert, la mère,
une robe rose
et un petit parapluie rose.
Tu grimpais la pente fleurie
dans le matin printanier
aérienne et diaphane
- une nuée rosée de lumière.
Tu regardais le ciel
comme si quelque chose d'en haut t'invitait.
Seules les nattes affligées
de tes cheveux noirs
alourdissaient tes frêles épaules.
J'avais peur
qu'en un instant tu ne périsses
semblable à la lumière rosée
dans le couchant.
Je recueillais alors
des coquillages brillants
et des galets multicolores
sur le rivage de notre île
pour voir tes yeux
sourire
et pour ensorceler ton coeur
qui se fondait sans bruit
dans la détresse du monde.
Mais tu ne savais pas rire.
De tes larmes j'ai fait des ailes
et loin je m'en fus pour t'apporter
le pollen de l'éther
et en arroser ton silence.
Cependant tu ne savais pas recevoir
Tu offrais.
Tu ne savais qu'offrir.
Tous tes cadeaux
tu les partageais
et tes paumes
sont demeurées vides.
Tu inclinais la tête
- oiseau affligé,
dans l'obscurité de ton aile
et tu chantais l'étonnante chanson
de l'univers meurtri.
Ma soeur,
relève la tête.
Je me penche près de toi et je t'apporte
nos matines enfantines
pour que tu respires profondément
l'odeur salée de notre île,
les murmures du soir
et ayant traversé la brume du retour
que tu abordes à mon côté.
Retourne, ma soeur,
à la petite Bethléem
qui nous a fait naître beaux et humbles
et moi, tu verras, je dépouillerai
les rêves de Jérusalem
qui m'ont emporté loin de toi
et à jamais auprès de toi je resterai
- un simple grillon,
qui pour toi chantera
les nuits de printemps.
Tu ne m'entends pas ?
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Soleil, soleil,
Les paysages enneigés
fondent dans mes yeux.
Le chant vigoureux hissé
sur l'échafaudage du ciel
de ses bras nus bâtit
ma maison.
La lumière ruisselle
sur les cordes de ma voix,
J'entends les chaînes
qui tombent et rompent.
J'entends les cavaliers blancs
qui passent dehors en chantant
des marches guerrières.
Sur la mer du matin
les fenêtres se sont grandes ouvertes.
Paupière dilatée
mon seuil se réjouit.
Ma soeur,
je ne peux plus rester,
Mon absence t'apportera
l'eau d'immortalité.
Et moi qui n'eus pas la force
de te sauver de la vie,
je te sauverai de la mort.
Voici les chemins
miroitants et limpides dans l'éclaircie.
Ecarte, ma soeur,
tes bras ligotés pour que je passe.
J'ai fixé sur ma poitrine
le talisman que pour moi tu brodas
un soir de printemps - t'en souviens tu ? -
nous sommes alors de si jeunes enfants.
Il y a là-dedans un peu de terre rouge
qui rappelle notre ultime souche,
un pétale de rose séché
du jardin de notre maison
et un peu de poussière du mur
de la dernière, longue séparation
que nous avions gratté une nuit avec nos ongles.
Adieu, ma soeur.
Embrasse pour moi les moineaux de notre cour
les enfants innocents
les mères douloureuses
qui brodent sous la lampe
et les jeunes qui bâtissent
sans défiance et sans fléchir
leur cité
aux frontières de la vie et de la mort.
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Videos de Yannis Ritsos (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yannis Ritsos
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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