Citations de Zéno Bianu (356)
Le corps de ta Conscience
Le corps de ta Conscience
est un trait de lumière
fait du soleil, de la lune et du feu,
au-delà des six lotus du corps,
dans la forêt au millier de pétales,
les grands esprits qui le perçoivent,
avec une pensée
vide de toute forme,
font naître en eux un océan
de béatitude insondable.
// Shankara (VIIIe siècle)
Souffle
le feu prend —
sans âge
à la vitesse du dedans
Matin de printemps —
mon ombre aussi
déborde de vie !
Kobayashi Issa
« Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme. »
Arthur Rimbaud
…
Un poème, un seul, et le monde change d'horizon. Nous pénétrons, ne l’oublions pas, dans le monde des « vins bleus », là « où la lumière pleut » et où souffle un « vent de diamants ». On se découvre tout à coup autre, au cœur du vent ou dans le feu du bleu.
Le bleu d’été surgit soudain comme une couleur à part entière. Comme la vibration majuscule de la lumière. Une couleur fabriquée avec les pigments mêmes de l’été.
Je crois qu’il faut habiter la lumière
je crois comme Trakl *
qu’on peut boire le silence de Dieu
je crois
qu’il faut habiter la lumière
par un long questionnement
sans réponse
* Georg Trakl est un poète austro-hongrois (03/02/1887 – 03/11/1914)
CHANSON
10
Nietzsche a dit :
Dieu est mort.
Rire liquide du poisson
Dans la chanson.
p.25
//SADANAND REGE / Marathi
.
LES NYMPHES
Oui, des lèvres aussi, des lèvres savoureuses
Mais d’une chair plus tendre et plus fragile encor
Des rêves de chair rose à l’ombre des poils d’or
Qui palpitent légers sous les mains amoureuses.
Des fleurs aussi, des fleurs molles, des fleurs de nuit,
Pétales délicats alourdis de rosée
Qui fléchissent pliés sous la fleur épuisée
Et pleurent le désir, goutte à goutte, sans bruit.
O lèvres, verses les divines salives
La volupté du sang, la vapeur des gencives
Et les frémissements enflammés du baiser.
O fleurs troublantes, fleurs mystiques, fleurs divines,
Balancez vers mon cœur sans jamais l’apaiser
L’encens mystérieux des senteurs féminines.
(Pierre Louÿs)
j'écoute
ce vent
qui me dit
le coeur du vivant
j'entends
ce vent
qui me dit
le corps de chaque souffle
j'écoute
ce vent
qui me dit
le coeur du jazz
Il a oublié son nom.
Depuis des lustres.
Il a une tête de kurde, d'apache ou d'abyssin.
Il s'appelle Ulysse ou Yves Klein.
Jonas ou Elvin Jones,
Sindbad ou Jouffroy,
Segalen ou Léonard Cohen.
C'est un héros naufragé, dans tous les sens.
Mais qui va toujours vers la vie.
Il va vers le bleu.
Par-delà les fracas des exils.
Par-delà les étoiles océanes.
Il sait que son chant perdure sans relâche.
Il boit au lait des galaxies.
Bleu fauve.
Toujours vers la vie.
p.9
"... Ainsi, et chacun peut le vérifier, fuir la peur ne fait que l'accroître. Au contraire, le plein présent, le face-à-face avec l'immédiat, ne connaît pas la crainte - "si vous vous abandonnez à votre propre présence, il n'y a pas de place pour la peur" -, laquelle ne surgit que lorsque intervient la pensée. La véritable intelligence, selon Krishnamurti, n'est autre que l'affranchissement total de la peur : "Tant qu'on n'est pas délivré de la peur, on peut escalader les plus hautes montagnes, inventer toutes sortes de dieux, on demeure dans les ténèbres." ..."
De par son chant, Chet Baker est du côté des poètes.
Grammaire des étoiles
Un livre de haltes
pour recueillir
le ciel épuisé
une boîte crânienne
où le désespoir
n'existerait pas
stèle de vie
pour mourir aux choses
chambre sans fin
de l'arc-en-ciel
on entre ici
dépeuplé
pour éprouver
tout son être
on ne fuit plus
le monde
c'est lui
qui nous quitte
pierre d'angle
du dernier tiers
de la nuit
pierre noire
au plus haut
de l'esprit
à l'extrême instant
d'un battement
de paupières
à l'affût de soi-même .
pour s'arracher
au sommeil
ébloui
ébloui
devant les murs
du coeur
EXERCICE D'AIMANTATION/SUBSTANCE FEMME
…je m'allonge sur le cosmos
tout au fond des mots
je perds le tête et un peu plus
je sais toutes les brûlures
oiseau du cœur à la renverse
je suis ravissement
blessure vive
ma sueur se dissipe aux rayons de lune
je viens te dire
la liqueur des anges
je viens te dire
l'infinité de mon tombeau
p.213-214
VIGNETTES ÉBLOUIES
APPARITION DES SYLVAINS
Féticheur
échevelé –
ou psychanalyste pour orchidées
*
Sous une pluie d'ange
il vient –
le régent des métamorphoses
*
Les poches pleines de braises
il médite –
comme souffle de locomotive
*
En ascension
sur les parois du cœur –
il attise d'autres rêves
*
p.128
VIGNETTES ÉBLOUIES
APPARITION DES SYLVAINS #
(en écho aux faunes de Marianne Montchougny)
Afflux
de sève –
il invite à la désobéissance
*
Réfractaire –
pourtant relié
à tout ce qui palpite
*
À même la peau –
il devine
l'âge des arbres
*
p.127
# : Le mot de sylvains, au pluriel, désigne de façon générale les esprits de la forêt.
LE PAYSAGE EXALTÉ
Une étoile ralentit, dénudée jusqu'au jour.
Appel capté tout au fond, le feu ne laisse pas de trêve.
Mieux vaut une vie sans parole qu'une parole sans vie.
Il faudra bien ouvrir la permanence du souffle.
p.30
VOIX DE LA PENSÉE
à Dominique Labarrière
justesse
de la voix qui touche
voix off de tout
fond qui affleure
fin fond de tout
les larmes prennent voix
de toi à moi
de l'écume au silence
il n'est question
que de passer
p.66
Montréal est grand comme un désordre universel
tu es assise quelque part avec l'ombre et ton coeur
ton regard vient luire sur le sommeil des colombes
fille dont le visage est ma route aux réverbères
quand je plonge dans les nuits de sources
si jamais je te rencontre fille
après les femmes de la soif glacée
je pleurerai te consolerai
de tes jours sans pluies et sans quenouilles
des circonstances de l'amour dénoué
j'allumerai chez toi les phares de la douceur
nous nous reposerons dans la lumière
de toutes les mers en fleurs de manne
puis je jetterai dans ton corps le vent de mon sang
tu seras heureuse fille heureuse
d'être la femme que tu es dans mes bras
le monde entier sera changé en toi et moi
Sur l’œillet
un papillon blanc -
ou une âme égarée
Masaoka Shiki
TU AVANCES SUR TON RUBAN DE VIE
tu avances
sur ton ruban de
vie
tu viens
à même le flux du vivant
un seul paragraphe
à la vitesse de la
vraie vie
crépitant
dans la lumière survoltée
tu avances
avec les furieux du salut
plus loin que les ravins de la
mort
vers les eaux tranquilles
par-delà les nuées
égarantes
vivre
chaque instant
en s’immergeant
dans la source des étincelles
p.11