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Critiques de Édouard Louis (1084)
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En finir avec Eddy Bellegueule

En finir avec Eddy Bellegueule, le premier roman de celui qui a désormais choisi le nom d’Edouard Louis, se lit d’une traite, c’est certain. Poignant, direct et vraiment horrible, on peut dire que ce roman autobiographique tape là où ça fait mal.



Et il y a sûrement de quoi c’est certain. Même s’il est surmonté de l’indication « fiction », ce roman est clairement autobiographique et Edouard Louis tente de nous raconter l’enfer de sa jeunesse. Sa vie de jeune garçon confronté au regard des autres qui le juge parce qu’il a parfois des « manières de fille » et qu’il n’aime pas ce que les autres garçons font « habituellement ». Dans une extrême misère sociale, le petit Eddy subit encore et encore les brimades de son père violent, de sa mère pas très futée et de ses frères et sœurs trop coulés dans le moule. Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici surtout : se couler dans un moule préfabriqué ou non. La Picardie qui nous est dépeinte ici est bien loin d’être reluisante et l’auteur dénonce, tour à tour, les débordements liés à l’alcool, le manque d’éducation de la population locale et la xénophobie latente (envers les étrangers non français, comme envers ceux non locaux d’ailleurs). C’est moche, c’est glauque et nous pouvons avoir peine à enchaîner les péripéties de ce jeune Eddy tant il cumule en quelques pages des situations consternantes.



Malgré tout, il y a de quoi être constamment gêné de voir ce jeune auteur déblatérer sur sa famille et les atrocités qu’il a déjà pues rencontrer. En effet, il semblerait que ce soit bien son histoire ou une partie qu’il ait fini par raconter dans son premier roman. Le but pour lui est sûrement de tourner la page d’une jeunesse meurtrie, mais pour cela il va particulièrement fort dans la critique de son entourage, de son environnement d’alors. Aucune excuse pour la bêtise ambiante, aucun pardon pour les brimades subies : l’heure est à la dénonciation simple et gratuite qui peut lasser, même si cet ouvrage tourne seulement autour des deux cents pages. Les raccourcis pris dans l’accumulation de scènes parfois horribles donnent aussi l’impression d’un condensé qui écrase la réalité, sûrement déjà bien assez horrible comme ça. Même des lieux comme l’école, qui pourrait, et devrait, être un refuge pour lui, ne sont propices qu’à des comparaisons douloureuses avec les autres.



Comme aborder ces deux aspects à la fois très lourds et fort gênants à lire ? Avec du recul, sûrement. En essayant de se départir de l’aspect horrible de ces scènes et en comprenant que l’auteur est avant tout dans la rancœur et la dénonciation. C’est vraiment le manque de recul de celui-ci qui gêne la lecture. Comme par exemple quand il parle de sa mère au point d’excuser, de manière plutôt condescendante, son manque d’éducation et sa bêtise vis-à-vis de lui. Bien sûr, il ne s’agit pas de tendre l’autre joue, bien au contraire, mais l’auteur, si c’est bien son histoire exacte ici, a pu se sortir de cette situation et faire des études supérieures depuis. Le fait qu’il ne semble pas que ce soit le cas généralement dans sa région natale crée déjà un décalage non négligeable. Pour autant, bien sûr, bien des préjugés dénoncés dans cet ouvrage sont à mettre en avant tant ils sont encore particulièrement prenants dans notre société : l’auteur parle surtout ici « des pédales, des gouinasses et des précieux », mais rien que la condition de la femme pourrait également un axe de lecture tristement intéressant.



En finir avec Eddy Bellegueule est donc un cri du cœur de ce jeune Edouard Louis, poignant au possible, mais qui pêche par un énorme manque de recul sur sa situation et son environnement. Qu’il est difficile de donner un avis tranché sur ce récit dérangeant !



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En finir avec Eddy Bellegueule

Bienvenue en enfer. "En finir avec Eddy Bellegueule" c'est une plongée sans oxygène dans la misère sociale, intellectuelle, morale. C'est l'interdiction d'être différent sous peine d'en payer le prix fort. C'est aussi comment dire non à un fatalisme ambiant ou l'avenir semble s'arrêter à la sortie du village.

Comment se construire dans un tel environnement ou chômage, violences, alcoolisme, brimades sont le pain quotidien d'Eddy ? On vit au jour le jour, l'argent manque, on reste devant la télé, on picole jusqu'à la syncope, on s'insulte, on profère des injures de toutes sortes (de préférence raciale ou homophobe). Et lorsqu'on s'aperçoit qu'on est différent de ces gens là, une seule échappatoire, la fuite.

On ne peut rester insensible à tant d'horreurs. Le récit d'Edouard Louis n'épargne pas le lecteur, du cru, du cul, du malsain, de la bêtise humaine, ces pages en sont remplies, jusqu'à la nausée. On se dit que c'est pas possible, pas autant, le calvaire d'Eddy est impensable. Et pourtant.

Un premier roman coup de poing, dérangeant et malsain qui se lit d'une traite.

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En finir avec Eddy Bellegueule

Vu le nombre de critiques éditées, je ne les lirai pas pour ne pas influencer ma propre critique.

Perturbée par ce livre dès le début de ma lecture, voici mon état une fois la dernière page lue.

Perturbée par l'époque... 1990-2000 ?!!! J'ai du revenir en arrière pour être sure de l'éqoque. J'avais l'impression d'être au début du 20ème siècle...

Une fois que j'ai bien compris que l'histoire se déroulait au début du 21ème siècle, je me suis demandée si nous étions vraiment en France...??? Confirmation, cela se déroule en Picardie !

Comment une telle histoire peut-elle encore arriver de nos jours, dans nos campagnes (la Picardie n'est pas la région la plus recluse en France !!) ?

Ce livre est un retour en arrière... et pas des plus beaux !

Comment peut on juger les gens de cette façon ? Chacun est différent et cela devrait suffire à s'aimer, s'accepter, au pire, se supporter les uns les autres, et il faut apprendre à s'accepter tel que l'on est soi-même...

Effectivement, ce livre ne laisse pas indifférent. Il est dur. Et en même temps, beau car Eddy s'est enfin trouvé.

Une belle découverte que ce roman.
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Qui a tué mon père

« Tu appartiens à cette catégorie d'humains à qui la politique réserve une mort précoce. » (p. 14)



Édouard Louis nous parle de son propre père, cassé par la vie, ou plutôt par sa condition sociale. Après "En finir avec Eddy Bellegueule", cri froid contre l'injustice dont avait souffert sa famille, il s'agit ici pour lui d'expliquer et de construire.



L'affiche est alléchante, mais l'exercice se transforme vite en babillages du samedi soir, qui m'ont fait penser à ceux de Christine Angot, à condition d'imaginer celle-ci tenant un discours de gauche...

Édouard Louis m'a vite perdu à travers ses propos dont le but final est toujours lui-même, sa petite personne, élargie tout de même, mais à une seule chose : son identité sexuelle. Le sujet n'était pas les classes populaires ?



Petit bourgeois de la cause prolétarienne qui voulait défendre les pauvres mais ne s'occupe que lui-même. C'est à cela qu'il me fait penser.

Hormis quelques bonnes phrases bien senties, ce pamphlet me paraît bâclé et surtout extrêmement prétentieux, le comble allant maintenant jusqu'à mettre en avant ses propres livres.



Pourtant, Édouard Louis parle du corps et de la violence sociale qui peut atteindre la chair et le coeur des hommes. Il me touche, m'interpelle et m'intéresse particulièrement. le problème est, je crois que, contrairement à ce qu'il prétend, notamment pendant son intervention dans "La Grande Librairie" récemment, il y a encore chez lui un trop grand écart entre la théorie et l'expérience. le corps lui-même n'est plus qu'une idée.

J'espère qu'il saura un jour relier les deux et donner un peu plus de chair à ses belles théories qui en manquent cruellement.



Lu en mai 2018.
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Qui a tué mon père

Le nouveau livre d’Edouard Louis est sorti.



Un livre sur le père.



Son père.



On retrouve les tourments de son premier ouvrage, En Finir Avec Eddy Bellegueule. L’auteur s’engage et mêle politique et fragments de souvenirs.

Au dos du livre : « L’histoire de ton corps accuse l’histoire politique. »



Tout est dit, le livre est bel et bien résumé.



Un livre lu en une heure où l’écriture est forte, précise.



Pourtant.



Pourtant, je n’en garderai pas un souvenir extraordinaire personnellement tant le propos m’a semblé ténu. Edouard Louis y raconte son père et les non dits qu’il y a entre eux. Des souvenirs souvent troublants, touchants. Puis une explication rapide du titre pour finir proprement.



Je sais qu’il est de bon ton de crier au génie lorsqu’on évoque ce jeune auteur. Moi, ce livre à le goût du trop peu. Je passe donc à côté.



Et je pense que définitivement, ses livres ne sont pas pour moi. Cette deuxième tentative me le confirme.

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En finir avec Eddy Bellegueule

On ne sort pas indemne de la lecture de ce livre.

Le narrateur relate son enfance dans un milieu très défavorisé, en Picardie.

Au-delà des souvenirs d'enfance qui sont plutôt malheureux, c'est la peinture d'une catégorie sociale qui vit très mal. Les habitants du petit village dans lequel grandit le jeune Eddy vivent très mal le chômage, les difficultés financières, les conditions de vie plus que difficiles dans des logements insalubres, la promiscuité, le manque de culture, l'ennui qui mène vite à l'alcoolisme, au trafic de stupéfiants, à la violence domestique.

Cela pourrait passer pour une version XIXème siècle de Zola mais cela va plus loin à mon sens: ce qui est intéressant ici c'est la révolte du jeune Eddy contre son milieu d'origine.

Une révolte qui n'exclut pas les sentiments; on voit bien que la mère a bien du mérite à boucler les fins de mois, tout en supportant un mari alcoolique et un travail ingrat (aide à domicile).

Le héros va se sentir rejeté par sa différence: il est dans ce milieu comme le vilain canard d'Andersen: il a des goûts féminins, n'aime pas le foot, les manières rudes.. Tout cela va aboutir à son exclusion: il est toléré mais critiqué.

Son parcours va être difficile mais porteur d'espérance: à l'image de l'auteur, le jeune Eddy va réussir de brillantes études, dans le domaine du théâtre puis des lettres, qui vont le mener jusqu'à Normale Sup.

Ce livre est un livre qui fait réfléchir: nous sommes au début du 21ème siècle, dans un pays encore relativement "riche" et pourtant des poches de misère subsistent.

Cela se lit comme un témoignage courageux.

L'auteur, Edouard Louis; est très jeune (21 ans); il a été élève de l'Ecole Normale Supérieure et a déjà écrit un livre sur Pierre Bourdieu, dont on peut voir l'influence dans cette oeuvre empreinte de "déterminisme social".

A lire absolument même si le sujet est un peu difficile.
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Qui a tué mon père

Retrouver Édouard Louis est émouvant car la lecture de son premier livre : En finir avec Eddy Bellegueule, m'avait impressionné et ému à la fois. Pourtant, je n'ai pas lu encore Histoire de la violence…



Qui a tué mon père, titre de ce recueil de confidences et de souvenirs, ne comporte pas de point d'interrogation car ce n'est pas une question, plutôt une introspection, l'introspection d'un fils qui parle de son père, un père qui ne peut pas répondre puisqu'il n'est plus de ce monde.

Souvenirs douloureux, émouvants parfois se succèdent, sont datés sans ordre chronologique et ce qui me frappe une fois de plus, c'est la terrible hostilité d'un père envers un fils qu'il aime profondément mais dont il ne peut accepter la féminité. Cette féminité, Édouard Louis l'affiche, l'assume et en subit les conséquences à la maison et en dehors.

Il y a aussi l'usure d'un homme brisé par le travail et là, le livre sort de la sphère familiale et du couple que formaient ses parents, couple dont il ne cache pas les échecs et la rupture. Édouard Louis met franchement en cause ces hommes politiques qui remplacent le RMI par le RSA (Nicolas Sarkozy et Martin Hirsch), pondent une Loi Travail (François Hollande, Myriam El Khomri et Manuel Valls) causant de véritables désastres dans la vie quotidienne des plus humbles.

Les conséquences ont été désastreuses pour la santé de son père et l'auteur insiste pour qu'on cite les noms puis ajoute : « On ne dit jamais fainéant pour nommer un patron qui reste toute la journée assis dans un bureau à donner des ordres aux autres. »

La période actuelle n'y échappe pas puisque, à peine élu, Emmanuel Macron a enlevé cinq euros aux plus faibles pour, en même temps, baisser les impôts des plus riches. Ainsi, l'histoire du corps de son père se calque sur l'histoire politique du pays et c'est bien de le démontrer.

Qui a tué mon père est un écrit plein de sensibilité, d'amour, de ressenti et de regrets. C'est tellement plein d'humanité, de vie, cet amour d'un fils pour son père, malgré les meurtrissures de l'enfance, de l'adolescence puis de l'âge adulte !



Tout cela est conditionné par la vie politique et des décisions qui bouleversent nos vies, prouvant, si cela était nécessaire que François Ruffin a raison de titrer son dernier livre, s'adressant au Président de la République : « Ce pays que tu ne connais pas. »




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En finir avec Eddy Bellegueule

J 'en ai aussi fini avec Eddy Bellegueule...Ouf!



Ce livre qui a fait le buzz à sa parution me laisse partagée entre gêne diffuse et étonnement admiratif. Cette autofiction affirmée et assumée est à la fois fascinante à lire et malsaine par ce coté voyeur imposé au lecteur.

J'ai toujours un peu de mal avec les livres "règlements de comptes familiaux". Ils me placent dans un statut ambigü, entre attirance et répulsion.



Et ici, on oublie poésie et élégance!

Le récit du parcours familial et scolaire d'un jeune homosexuel dans un village de Picardie montre une société inculte, raciste et violente, gangrénée par le chômage et l'alcoolisme, par une pauvreté matérielle et intellectuelle. La "beaufitude" décrite dans ses moindres recoins: agressivité familiale, indigence de langage, attitudes inconvenantes, brutalité sexuelle, brimades scolaires.

C'est une oeuvre romanesque revendiquée comme telle, qui se veut dénoncer une réalité sociale de prolétariat, quitte à en accentuer le trait.



Edouard Louis se roule dans le "trash" avec une certaine complaisance et, toute pudibonderie mise à part, j'ai un peu saturé. Mais je salue néanmoins un premier livre spontané, sans concession, brutal et impudique, rageur et provocateur, toutes qualités d'une oeuvre de jeunesse. Etre capable de mettre en mots ce qui sort des tripes augure du potentiel de l'écrivain que j'espère recroiser dans le futur.

Et un coup de chapeau pour une réussite personnelle méritante.



Une chose me titille quand même: comment peut-on, à l'adolescence, avoir conscience de son milieu social sans jamais en être sorti, et sans en avoir de point de comparaison. Tout ce roman s'apparenterait alors à un canular?



Ce brulot est donc un beau coup de poing et sans doute un beau coup d'édition.

J'imagine aisément la réaction étranglée de la famille concernée!



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Combats et métamorphoses d'une femme

Après avoir parlé de lui dans En finir avec Eddy Bellegueule et Histoire de la violence, de son père avec Qui a tué mon père, Edouard Louis, dans ce nouveau livre, fait le portrait de sa mère. Et c'est très réussi. C'est l'histoire d'une femme asservie d'abord par son premier mari, puis par le second, vivant une vie de misère, qui parvient malgré tout à se libérer. ● Edouard Louis renoue ici avec les bonheurs d'écriture de son premier récit, dont il s'était éloigné pour produire des textes tout aussi autobiographiques mais plus politiques. Il retrouve une prose à la fois limpide et sensible et qui, m'a-t-il semblé, a gagné en maturité. ● Toute l'oeuvre d'Edouard Louis, dans le domaine de la littérature comme dans celui de la sociologie, tourne autour de ce qu'il appelle le « transfuge de classe » (il a fait sa thèse là-dessus). Je trouve dommage qu'il éprouve une telle charge de culpabilité d'avoir réussi à s'élever dans la société, même si c'est cette culpabilité qui fonde son travail d'écrivain. Il ne viendra jamais à bout de la contradiction fondamentale de son être : être né dans un milieu misérable et être devenu un bourgeois qui emmène sa mère boire du thé dans un palace parisien ou dîner dans des restaurants de luxe ou qui lui fait rencontrer Catherine Deneuve tout en se réfugiant derrière Roland Barthes pour nous dire qu'il s'agit d'une « bourgeoisie d'exotisme » (sic !). Comment éprouver tant de haine à l'encontre du Bourgeois et avoir fait tous les efforts possibles pour en devenir un avec au départ de si faibles chances de réussite, et surtout, y être parvenu si bien ? ● Non, Edouard Louis, vous n'écrivez pas « contre la littérature » même si vous le pensez (« Parce que je le sais maintenant, ils ont construit ce qu'ils appellent littérature contre les vies et les corps comme le sien. Parce que je sais désormais qu'écrire sur elle, et écrire sur sa vie, c'est écrire contre la littérature. »). Vous faites maintenant partie des « ils » que vous dénoncez même si vous vous échinez à vous/nous démontrer le contraire au fil de vos prises de position. A votre question « Est-ce que je suis devenu le corps que je détestais ? », il n'y a pas d'autre réponse que oui. Sinon, il fallait rester Eddy Bellegueule et ne pas se choisir un prénom de premier ministre et un nom de roi de France… ● Ce serait plus simple pour vous de l'admettre. Mais d'un autre côté, qu'écririez-vous ?...
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Qui a tué mon père

Qui a tué mon père est un petit livre de seulement 84 pages - mais ô combien dense et intéressant – dans lequel Édouard Louis s'adresse à son père qui, âgé d'à peine plus de cinquante ans, est quasiment invalide : « Tu appartiens à cette catégorie d'humains à qui la politique réserve une mort précoce. »

Dans la plus grande partie du livre, l'auteur se remémore certains souvenirs d'enfance ou d'adolescence et les réactions de son père qu'il tente de comprendre et d'analyser. Il s'aperçoit que la violence que montrait parfois son père exprimait souvent de la colère sociale et cachait l'amour qu'il avait pour son fils et qu'Édouard Louis n'a pas toujours compris.

Cet homme aurait voulu avoir une autre vie mais il n'a pu échapper au travail de l'usine. C'est là qu'il sera victime d'un accident du travail qui lui broie le dos. Il s'en remettra mais très difficilement, les douleurs ne vont plus le quitter. Pour ne pas perdre son droit aux aides sociales, il a dû accepter un travail de balayeur, toujours penché alors que son dos était détruit.

Édouard Louis, dans la dernière partie du livre, va passer en revue les différents présidents de la République et leurs ministres qui, par leurs lois, ont tué des travailleurs comme son père. Il n'en épargne aucun et nous rappelle précisément les années et les lois ou réformes : « Hollande, Valls, El Khomeri, Hirsch, Sarkozy, Macron, Bertrand, Chirac. L'histoire de ta souffrance porte des noms. L'histoire de ta vie est l'histoire de ces personnes qui se sont succédé pour t'abattre. L'histoire de ton corps est l'histoire de ces noms qui se sont succédé pour le détruire. L'histoire de ton corps accuse l'histoire politique. »

C'est un bouquin très personnel, intimiste, très pudique aussi et c'est en même temps un texte universel et politique dans lequel Édouard Louis exprime avec force la colère qu'il a vis-à-vis des politiques qui ont brisé son père.

Le titre, Qui a tué mon père, ne comporte pas de point d'interrogation car c'est une réponse que l'auteur apporte dans ce livre, un livre très contemporain, un livre bouleversant !


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Changer : Méthode

RIP Eddy Bellegueule, Edouard Louis veut célébrer les funérailles de cet ancien lui-même, trinquer et cracher sur sa tombe, être son propre fossoyeur pour être sûr que l’autre ne ressuscitera pas.

Hargne, revanche, détermination… tout l’être d’Edouard Louis, tout son corps n’ont qu’un seul mouvement, celui de la fuite en avant, toujours sur le qui-vive, prêt à tout laisser derrière lui. Abandonner la chrysalide de sa nouvelle métamorphose, pour sans cesse se réinventer, quitte à s’épuiser, se perdre, ne plus savoir qui il est.

Edouard Louis est un caméléon, sans cesse il s’adapte, change pour se fondre dans son nouvel environnement, son objectif est sans cesse de franchir un nouvel échelon de classe sociale. C’est d’ailleurs frappant quand on regarde les photos de l’auteur, sur certaines il apparaît avec une gueule d’ange, tandis que sur d’autres il ressemble à un ex-boxeur ou taulard.

Eddy est parti de tout en bas de l’échelle, même du sous-sol, là où la moisissure recouvre les murs. Régulièrement, sa mère l’envoyait quémander chez les voisins de quoi pouvoir les nourrir le soir, la télé était branchée nuit et jour, l’absence de calme pour faire ses devoirs, et puis, surtout, les questions inquiètes du père chuchotées à la mère. Le fils est-il bien normal, pourquoi ces manières, cette façon de bouger les mains, cette voix aigüe ? Le fils, il serait pas un peu pédé ?

Pour Eddy, l’enfer ça va vite êtres les autres, leurs moqueries, leurs insultes. Mais Eddy ne s’isole pas, il veut leur prouver sans cesse qu’il peut être un des leurs, en gommant ses gestes, ses manières, en essayant de faire croire qu’il est intéressé par les filles.

Eddy comprend vite que pour échapper aux autres qui le méprisent, l’insultent, son salut viendra d’un changement d’environnement, mais aussi que pour sortir de la misère, s’élever socialement, il devra faire des études. Alors, Edouard prend la problématique à bras le corps, comme tous les autres sujets, et après avoir changé son apparence, ses dents, son rire, son accent et j’en passe, il va rattraper un retard scolaire énorme en se mettant à lire abondement, presque nuit et jour pendant de nombreux mois pour passer le prestigieux concours de l’École Normale Supérieure …

Edouard Louis nous raconte ses mutations, ses métamorphoses et son insatisfaction perpétuelle de vouloir aller toujours plus haut, plus loin dans l’échelle sociale. Mais où mène-t-elle réellement cette échelle, vers le bonheur ou un paraître vide de sens, miroir des illusions dans lequel ce Narcisse magnifique aime se contempler...

A voleter autour de la lumière des hommes de pouvoir, dans un monde où l’argent coule à flot de bouteilles valant un smic, le papillon va-t-il finir par se bruler les ailes ?

Le propos, bien qu’intéressant a cependant fini par me lasser, car Edouard Louis poursuit son ascension assoiffée d’élévation dans l’échelle sociale, et j’ai eu l’impression de tourner en rond dans une vis sans fin, le schéma semblant se répéter à l’infini.

Si le parcours hors-norme d’Edouard Louis force l’admiration, le récit est très égocentrique, et l’auteur avoue avoir eu peu de reconnaissance pour ceux qui l’ont tant aidé à évoluer. J’ai de ce fait eu un peu de difficulté à entrer en empathie avec le personnage, qui reste finalement énigmatique malgré sa mise à nu. Combien de facettes d’Edouard Louis reste-t-il encore à découvrir ? qui est le vrai Edouard, mystère … A découvrir dans un prochain livre, sans nul doute…

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En finir avec Eddy Bellegueule

Pour en finir avec le harcèlement, la pauvreté et la misère affective, un témoignage-choc dont on a peine à croire que cette histoire a lieu au tournant du vingt-et-unième siècle.



C’est la vie d’un garçon qui se découvre homosexuel, dans un village isolé où masculinité rime avec violence et où l’avenir des jeunes se limite à suivre les traces de leurs parents à l’usine ou le petit commerce, à moins d’être rattrapé par le chômage. On y boit beaucoup, on gueule devant la télé et surtout, on ne montre pas beaucoup d’affection ou de solidarité.



Ce n’est pas de la grande littérature, c’est du brutal, des émotions crues, un portrait très sombre. Le jeune Eddy est sans pitié pour sa famille et son milieu, mais comme il le dit « la souffrance est totalitaire : tout ce qui n’entre pas dans son système, elle le fait disparaître ».



Un roman à lire pour l’intensité des sentiments, pour se rappeler que la misère existe encore…

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En finir avec Eddy Bellegueule

Eddy Bellegueule, c’est à coups de brimades qu’il sortira tant bien que mal d’une enfance pourrie jusqu’à la moelle. C’est pas possible une telle misère même 20 ans derrière. Les parents d’Eddy semblent tous deux complètement aliénés, dépravés et aux abonnés absents de l'éducation et de l’amour.

Eddy c’est aussi et surtout ce gosse aux manières efféminées, aux gestes de grande folle, à la voix anormalement aiguë. Avec une telle figure, Eddy va toutes se les ramasser, insultes, violence, harcèlement. La différence coûte cher. La misère sociale se nourrit d’abjection, d'absurdité. Ça tourne comme un disque rayé, ça fait mal à la tête. Eddy, va voir ailleurs, fuis la, ta misère, c’est sûrement mieux loin de chez toi.
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Qui a tué mon père

“I’m not my father’s son. I’m not the image, of what he dreamt of”. Cette chanson, composée par Cyndi Lauper pour la célèbre comédie musicale « Kinky Boots » pourrait illustrer la relation père-fils racontée dans ce livre.



En réalité, il y a deux livres en parallèles dans cet ouvrage.



“Chez ceux qui ont tout, je n’ai jamais vu de famille aller voir la mer pour fêter une décision politique, parce que pour eux la politique ne change presque rien. (…) un gouvernement ne leur cause jamais de problèmes de digestion, un gouvernement ne leur broie jamais le dos, un gouvernement ne les pousse jamais vers la mer. (…) Ça aussi c’est étrange, c’est eux qui font la politique alors que la politique n’a presque aucun effet sur leur vie. »



Le premier est résolument politique. Mais au lieu de s’appesantir sous le ciel des Idées, l’auteur normalien part du singulier pour rejoindre le général. Il démontre un fait très simple : l’intime est politique et le politique est intime. Il n’y a pas de muraille de Chine, ni de poste de télévision interposé entre notre quotidien et les décideurs politiques. Il n’y a aucun lieu qui soit hors d’atteinte, hors de portée d’une décision politique (sauf peut-être pour ceux qui font les règles du jeu).



“La profession est plus forte que l’homme” écrivait Aragon. Les mesures économiques, les choix faits en matière de santé publique, de fiscalité, dans les couloirs feutrés des hôtels particuliers de la République meurtrissent dans sa chair un quinquagénaire picard et chaque décret participe à l’érosion de son espérance de vie.



Chaque prime de danger, de pénibilité ça veut dire en clair que le métier peut vous bousiller. Mais il faut retourner travailler, remettre son réveil pour défendre « à coup de dents ton lopin de monde pour t’endormir d’un samedi à l’autre” comme l’écrivait le poète Tristan Tzara. Comme un fait exprès, le nouvel âge pivot de départ à la retraite correspond à celui de l’espérance de vie…en bonne santé.



Ainsi, en économie, il n’y a pas de « meilleur équilibre » pour tous, comme le dénonçait Bernard Maris, le « gagnant-gagnant » est un « attrape nigauds » pour reprendre le mot de Régis Debray.



Là où François Bégaudeau pointe une classe bourgeoise dans un système de domination, Edouard Louis fustige les politiciens, élus du peuple, pour lui les responsables politiques sont par définition « responsables » et doivent être tenus comme tels.

Serait-ce à affirmer, d’une part le libre arbitre total des politiques et d’autre part l’absence d’un rapport de force entre les politiques qui parfois voudraient, et le monde économique qui finance la vie politique et qui décide aussi de la marge de manœuvre qu’il accorde aux politiciens ? Pour l’auteur, dans une position assez Sartrienne, les politiques sont ou se disent libres d’agir et donc ils devraient (dans le meilleur des mondes, celui de Candide, voire de Dora l’exploratrice…) en assumer les conséquences.



« Il y a ceux à qui la jeunesse est donnée et ceux qui ne peuvent que s’acharner à la voler. » L’auteur, désormais « transclasse » se revendiquant de Bourdieu, Foucault et Eribon, ne délivre pas là un scoop, mais il est borné, têtu : il répètera sans relâche les noms des décideurs politiques, les dates, les coupables… mais une fois qu’on a dit, ça que propose l’auteur ?



***



Chemin vers la tolérance. Puis il y a une seconde histoire. Une histoire de famille. Celle d’un père qui peine à se raconter à son fils et d’un fils qui cherche l’amour de son père. C’est l’histoire d’un père qui n’a pas choisi son fils et d’un fils qui n’a pas choisi son père « and they can’t get over it. »

L’homosexualité du fils Edouard Louis, me rappelle les difficultés de l’homosexualité du père, Christophe Honoré, racontée dans « Ton Père » mais là où le père homosexuel subit des agressions extra-familiales, l’enfant homosexuel lui est attaqué par ses propres parents, son propre foyer.



L’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne. Plus largement, l’auteur y accuse le poids des préjugés sur la masculinité, ce qu’être un homme. Ainsi les préjugés de ces populations paupérisées autour de ce qui « fait homosexuel » comme être investi dans ses études, s’intéresser à la culture etc peuvent les conduire vers l’impasse et la prison sociale “ta vie prouve que nous ne sommes pas ce que nous faisons, mais qu’au contraire nous sommes ce que nous n’avons pas fait.”

“Familles, je vous hais” écrivait André Gide, pour Edouard Louis il y a désormais l’amour comme moteur de la transformation de cette relation père-fils : “un de mes amis dit que ce sont les enfants qui transforment leurs parents, et pas le contraire. »



Ce livre a ici fait couler beaucoup d’encre numérique. Pour ma part, ce qui m’as dérangé c’est peut-être un problème de classification. Je n’ai pas trouvé de langue particulière. Pas de style littéraire qui puisse me faire dire, c’est un romancier. Pas de jeu avec la langue, au détriment de la langue. Cela relève davantage du récit que du roman. Mais comme le disait Maupassant, invalidant mes bêtises : « le critique qui ose encore écrire : « ceci est un roman et cela n’en est pas un » me parait doué d’une perspicacité qui ressemble fort à de l’incompétence » …aussi il faut aller voir et entendre Edouard Louis au théâtre de la Ville à Montmartre car son bouquin, c’est encore lui qui en parle le mieux !



Qu’en pensez-vous ?
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Qui a tué mon père

J'ai tout entendu sur ce livre : indigent, ni fait ni à faire, simpliste, creux, inutile, un livre qui se moque du monde… Une telle volée de bois vert peut sembler suspecte. Ayant lu et vraiment beaucoup aimé En finir avec Eddy Bellegueule et Histoire de la violence, je me devais de jeter un oeil sur le dernier opus qui déchaîne actuellement les passions.

Eh bien... qu'il est beau ce livre !!!!

Complètement essentiel à mes yeux.

Avec des phrases simples, il dit exactement et précisément l'immense douleur du fils qui ne reconnaît pas son père. C'est quand même quelque chose ça ? Ne pas reconnaître son père ! Non ? Ce fils qui voit le corps du père usé jusqu'à la corde, pompé par le boulot, le corps d'un homme qui, à cinquante balais, ne peut plus marcher, ne peut plus respirer. Alors ce fils accuse. Il dit les noms de ceux qui, du haut de leur tour d'ivoire, n'imaginent même pas une seule seconde que leurs décisions politiques puissent avoir des conséquences directes, concrètes et terribles sur les plus démunis. Parce que « La politique ne change pas la vie » de ceux qui la font. « Pour les dominants, le plus souvent, la politique est une question d'esthétique, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c'était vivre ou mourir. » Faut-il rappeler que quelques euros en moins signifient pour certains des fins de mois où l'on ne donne aux gamins que des tartines de pain, le soir ? Au mieux. La cantine du midi a intérêt à être à la hauteur. C'est débile de rappeler des choses comme ça ? Je suis enseignante et je vois des parents d'élèves aux doigts noircis par le gel des compartiments frigorifiques de l'entreprise où ils travaillent toute la nuit, des gens pliés en deux à cause des charges qu'ils transportent toute la journée et ces gens-là me disent : mon gamin faut qu'il fasse autre chose, moi ma vie est pourrie, faites ce que vous pouvez, madame.

Des gens détruits, bousillés, épuisés, bouffés par leur boulot. Pas même besoin d'un accident de travail pour être réduits à néant.

Pourquoi ne pas pointer du doigt les responsables ? Pourquoi ne pas citer des noms ? Pourquoi rester dans l'abstrait ? Encore une fois, les choix politiques ont des répercussions concrètes sur les gens.

« L'histoire de ton corps accuse l'histoire politique »

Quand je lis que ce livre est simpliste, ça me fait sortir de mes gonds.

Non, ce livre dit clairement que dans notre société, certains ont « une existence négative » : « Tu n'as pas eu d'argent, tu n'as pas pu étudier, tu n'as pas pu voyager, tu n'as pas pu réaliser tes rêves. Il n'y a dans le langage presque que des négations pour exprimer ta vie. »

« Ta vie prouve que nous ne sommes pas ce que nous faisons, mais qu'au contraire nous sommes ce que nous n'avons pas fait, parce que le monde, ou la société, nous en a empêchés. Parce que ce que Didier Eribon appelle des verdicts se sont abattus sur nous, gay, trans, femme, noir, pauvre, et qu'ils nous ont rendu certaines vies, certaines expériences, certains rêves, inaccessibles. »

Sur quelle planète vivent ceux qui jugent ces propos creux ou inutiles ???? N'ont-ils pas entendu ne serait-ce que l'écho de certains combats? Ne savent-ils pas que pour les catégories citées ci-dessus, il faut encore se battre pour être respecté, pour trouver du travail, un logement, pour ne pas se faire cracher dessus ? Rien n'est acquis. Et des livres comme celui d'Édouard Louis le disent. Pas de langue de bois, pas de propos vaseux. Rien de sibyllin. La langue est claire, nette, dépouillée, elle heurte par sa franchise, sa netteté, sa vérité. Elle dérange parce qu'au fond, toute interprétation est devenue inutile. C'est clair comme de l'eau de roche et tellement évident que ça devient gênant !

Peter Handke dans Le malheur indifférent (1972), texte qui a beaucoup influencé Édouard Louis, parle de sa mère qui s'est suicidée à l'âge de 51 ans en ces termes : « Naître femme dans ces conditions c'est directement la mort… Fatigue / Épuisement / Maladie / Maladie grave / Mort. » CQFD. Et c'est la rage qui pousse l'auteur à dénoncer ce que la société a fait à sa mère, ce que la société fait aux femmes.

Il y a aussi dans le roman d'Édouard Louis le retour vers le père et c'est magnifique, d'une beauté sidérante dans le dépouillement des mots employés : « Il me semble souvent que je t'aime. » Dans les mots si simples de l'auteur, j'entends la voix du petit garçon « Tu as dit que tu n'avais jamais connu d'enfant aussi intelligent que moi. Je ne savais pas que tu pensais tout ça (que tu m'aimais?). Pourquoi est-ce que tu ne me l'avais jamais dit ? »

Faites ce que vous voulez, moi je pleure.

Magnifique, sublime et indispensable.
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Monique s'évade

« Ce livre que vous lisez est, en un certain sens, le résultat d’une commande de ma mère. Je ne l’ai pas décidé, pas programmé. Je n’en ai pas eu l’idée le premier. Rien en littérature ne m’avait jamais autant procuré de joie. » ● Un jour, en soirée, Edouard Louis reçoit un appel téléphonique de sa mère en pleurs, lui disant que l’homme avec lequel elle vit l’insulte et l’humilie lorsqu’il est pris de boisson, ce qui arrive tous les jours. Elle s’était pourtant libérée du père maltraitant d’Edouard Louis, était venue de son village du Nord à Paris, pensant débuter une nouvelle vie, mais voilà que cela recommençait. Son fils, qui est en voyage professionnel en Grèce, tente de la convaincre de partir et de se réfugier dans son appartement parisien pour mettre de la distance entre elle et cet homme. ● Edouard Louis avait déjà écrit sur sa mère, Combats et métamorphoses d’une femme, livre que j’avais beaucoup aimé. Celui-ci, très bref, m’a moins convaincu, peut-être parce que ses récits autobiographiques finissent par tourner un peu en rond, peut-être parce qu’il est beaucoup plus optimiste que ses autres récits. ● Le portrait de la mère est réussi, de même que le récit de l’amour filial et de l’amour maternel. Mais je suis un peu resté sur ma faim.
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En finir avec Eddy Bellegueule

J'ai découvert Edouard Louis lors de son passage dans l'émission de télévision, la grande librairie et pousser par la curiosité, j'ai immédiatement commandé son livre. Il faut dire que l'auteur est a peine plus jeune que moi et surtout que l'on est originaire de la même région et du même département. Et oui moi aussi je suis Picarde ! (Bon je ne m'en vante pas souvent car quand on parle de la Picardie c'est souvent en mal, et après avoir lu ce livre vous n'aurez pas forcément envie d'aller y passer vos vacances)



J'ai donc dévoré ce livre a peine deux jours et comme la plupart des lecteurs, j'en ressors profondément touchée et émue. Je réalise a qu'elle point j'ai eu de la chance de naître dans un petit village tout près d'Amiens, la ville pleine de noirs et d'arabes pour reprendre la phrase du papa d’Édouard Louis. La chance d'avoir eu des parents cultivés et aimant a l'opposé de ceux décrient dans le livre. La violence que nous présente l'auteur, je n'en ai jamais été victime, comme je le dis plus haut, je vivais dans un village ou tout le monde se connaissait. On allés a l'école de la maternelle jusqu'en troisième tous ensemble, toujours dans la même classe et donc on voyait toujours les mêmes têtes. Et puis ensuite, est venue l'heure d'aller au lycée, a Amiens et puis j'ai quitte mon village pour aller vivre en ville.



Cette violence, cette précarité, elle fait partie du quotidien et je ne l'a voyait pas vraiment mais depuis que j'ai quitté la France pour l'Irlande c'est toujours un choc énorme de revenir en Picardie. Je me pose très souvent la question suis-je devenue snob? Après avoir lu "En finir avec Eddy Bellegueule", j'ai enfin ma réponse : non, je suis simplement passée de l'autre coté, du coté des bourges comme le disent si bien les parents de l'auteur.

Je me rends compte de tous les préjugés que peuvent avoir la population picardes ; aujourd'hui je suis la fille bizarre, qui est partie vivre en Irlande (oui les picards sont loin d'être de grands voyageurs et ne quittent que très rarement leur régions), j'ai 26 ans et toujours pas d'enfants (chose très rare car généralement les filles les font très jeunes), j'ai envie d'évoluer dans ma carrière (le mot carrière n'existe pas en Picardie), je voyage, je visite des musées, je vais voir des expositions et chose incompréhensible pour les Picards : je lis beaucoup. Vous allez me dire que je suis tout a fait normal mais ce n'est pas le cas pour la plupart des gens que je côtoie dans ma région natale.



Autre exemple de cette précarité, le mère de mon fiancé est professeur d'anglais dans un lycée d'une petit ville rurale. Quand elle demande a ses élèves d'étudier, elle n'obtient que des réponses comme : "a quoi ça sert d’étudier, m'dame, après le lycée on fera comme nos parents, on sera au chômage" et bien sur eux ne voient aucun problème a rester toute une vie sans travailler. Les filles n'aspirent qu'a être femme au foyer et a élever une ribambelle d'enfant.....



Je vais m'arrêtais ici avec mes exemples et mon expérience mais tout ça pour vous dire que je me suis beaucoup retrouvée dans ce récit. Dans l'émission, la grande librairie, Édouard Louis disait que son manuscrit avait été refusait par certaines maisons d'édition car elles pensaient que tout été exagère et bien non, la vie en Picardie est vraiment comme cela, malheureusement. J'ai envie de dire que j'espère que ce livre fera changer les mentalités et les préjugés sur les différences (l'homosexualité notamment) mais je doute sincèrement que les populations rurales picardes ou d'autres régions liront ce livre.....



Ce récit autobiographique est en tout cas très poignant, très dur, mais relativement bien écrit. L'auteur quand il quitte la campagne pour aller au lycée a Amiens, semble renaître et j'espère que ce livre aura été comme un libération. Comme une page que l'on essaie de tourner pour se reconstruire, pour prendre un nouvel envol. C'est tout ce que l'on peut souhaiter a Édouard Louis et puis je vais être égoïste mais j'espère qu'il poursuivra dans l'écriture car ce premier roman est une réussite et je lirai avec plaisir les suivants.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Combats et métamorphoses d'une femme

Dans la famille Bellegueule, donnez-moi la mère, Monique. Dans ce quatrième roman, Édouard Louis continue à retourner les cartes d’une famille ouvrière et pauvre du nord de la France.

C’est en découvrant une photo de sa mère, jeune et libre, que l’auteur revit ces années difficiles :

« …les années de sa vie partagées avec mon père, les humiliations venues de lui, la pauvreté, vingt années de sa vie mutilées et presque détruites par la violence masculine et la misère. »

Ce retour sur une vie gâchée n’est pas joyeux, loin de là, mais sert d’étalon de mesure pour percevoir le changement radical de Monique qui, peu à peu, va s’émanciper et se reconstruire dans une vie plus libre.

Pourquoi avoir écrit ce livre très intime sur sa mère ? Peut-être pour se racheter, car le petit Eddy Bellegueule devenu Édouard Louis l’écrivain, a des regrets, voire une sorte de culpabilité qu’il confesse ainsi :

« …j’ai été malgré moi, ou peut-être, plutôt, avec elle, et parfois contre elle, l’un des acteurs de cette destruction. »

La démarche est louable et l’on comprend que le petit garçon devenu écrivain a voulu rendre hommage à cette mère dont il salue l’abnégation. Mais cela suffisait-il pour en faire un livre ?

Il la raconte, elle, en parsemant son récit d’anecdotes avec des phrases notées en gras (pour que le lecteur ne les manque pas ?) comme « l’année où elle a voulu partir en vacances…le jour de l’accident…Jusqu’à ta rencontre avec Catherine Deneuve. » On a même droit en bonus à quelques photos noir et blanc. Tout cela donne l’impression de feuilleter l’album photo d’une vie qui ne nous concerne pas et où l’on fait irruption par erreur.

Le sauvetage de cette femme humiliée devient vite lassant, avec des passages sans intérêt comme s’il fallait à tout prix remplir un certain nombre de pages.

Une lecture non indispensable et qui ne me laissera pas un grand souvenir…



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En finir avec Eddy Bellegueule

Bien en évidence sur la page de garde : roman. Certes, mais roman autobiographique ou autofiction, les personnages, les évènements ne sont pas créés de toutes pièces, peut-être sont-ils présentés sous leur plus mauvais jour, ou sur le meilleur (aucun personnage présenté sous son meilleur jour dans En finir avec Eddy Bellegueule.)

Eddy Belle Gueule, on dirait le surnom d’un gangster des années 1930. En fait non, Édouard Louis est né Eddy Bellegueule. Avouez que ça ne démarre pas bien pour lui (ça ne continue pas mieux non plus). Issu d’une famille qu’il décrit comme pauvre, que ce soit au plan monétaire, social ou intellectuel, il est différent et pas une différence que son environnement, qui met en avant la virilité, enfin une certaine forme de virilité, peut accepter.

Au village d’Eddy, les garçons vont travailler à l’usine et les filles deviennent caissières avant de se marier et d’élever leurs enfants.

À plusieurs reprises, le narrateur explique que les villageois n’avaient pas la moindre idée qu’ailleurs, les choses pouvaient être différentes, pas plus qu’il en avait lui-même l’idée. Eddy n’est pas allé vers un lieu qui lui paraissait meilleur, mais il a fui une situation insupportable.

Un livre coup de poing, même si j’ai regretté de jouer les voyeurs malgré moi.


Lien : https://dequoilire.com/en-fi..
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Combats et métamorphoses d'une femme

Après avoir brossé et réhabilité ( de façon lourdingue) son père, Edouard Louis met sous les feux de son projecteur, sa mère dans un court texte sobrement intitulé : « Combats et métamorphoses d’une femme ». Évidemment, le rouleau compresseur médiatique s’emballe, saluant avec des cris d’extase cette nouvelle parution dont le mélange féminisme/confession permet de déployer sans fin tout une glose bien de notre époque : faire reluire le tout venant.



Posons-nous quelques minutes et imaginons une seconde que ce récit soit signé ... Jean-Paul Duglandier. Quel(le) critique daignerait écrire une ligne sur ce portrait banal ? Sans doute une jeune blogueuse, ravie d’avoir reçu de la part des éditions du Seuil le volume, se fendrait d’une critique enflammée ( dans le secret espoir de recevoir d’autres livres gratos), enthousiasmée par le parcours de cette mère partie du fin fond d’un logement social du nord de la France et qui finit par fumer une clope avec Catherine Deneuve.



Mais cette mignonne bluette est signée Edouard Louis, nouvelle égérie prouvant la non consanguinité du milieu littéraire et intellectuel français. Et ça change tout. L’homme, au parcours évidemment notable, est une personnalité intéressante, passionnante et formidablement électrisante lorsque l’on lit ou écoute ses interviews. Cependant, ses écrits laissent plus que songeurs et ce nouvel opus n’emballera pas plus le vrai amateur de littérature que celui d’essai sociologique.



Le texte est donc le récit du parcours de la mère de l’auteur, issue d’un milieu plus que modeste, privée d’études car mariée jeune à un homme violent et alcoolique avec qui elle aura deux enfants avant ses 20 ans mais qui au final arrivera à se sortir de cette misère pour atteindre une nouvelle vie plus conforme à ses rêves de jeune fille. L’auteur revisite donc sa famille déjà présentée sous un jour peu flatteur dans son premier texte ( « En finir avec Eddy Bellegueule »). Il a vieilli et sa maturité lui permet de donner un autre éclairage à ses géniteurs. C’est humain, normal, banal. Hésitant entre roman et essai, s’adressant tour à tour à sa mère, au lecteur ou à lui-même, Edouard Louis essaie de rendre la chose vaguement passionnante voire sociologique en abordant cette double peine qu'est être femme et pauvre. Hélas pour lui, il est loin d’être le premier à écrire sur ce sujet, la figure maternelle d’un milieu social défavorisé et sur la honte ressentie par un élément de la fratrie qui réussit. Face à lui se dresse Annie Ernaux ( et beaucoup d’autres) et les comparer n’est pas du tout à son avantage. L’écriture est plate, les décors à peine brossés n’arrivent pas à faire exister réellement les personnages qui ne sont caractérisés que par quelques petites anecdotes jamais vraiment exploitées. Le texte essaie de se glisser dans un mouvement féministe, sans doute bienvenu à notre époque, mais qui lui aussi reste assez superficiel. Certes, cette mère est attachante au final, car, c’est seule qu’elle arrive à se sortir de son quotidien sordide. On peut être touché par ce revirement filial, qui passe de la honte à l’admiration mais pas plus que moultes récits publiés depuis des décennies.



Si on devait chercher et donc trouver quelque chose d’original dans ce court texte, ce serait qu’Edouard Louis théorise gentiment la notion de « mère de » car, c’est bien grâce au parcours flamboyant de son fils que cette femme a pu se métamorphoser en s’aidant de l’appel d’air ainsi généré malgré l’ingratitude et la honte. C'est mieux que rien mais de là à déclencher ce torrent médiatique de louanges, on peut rester perplexe ou simplement passer pour un vieux rabat-joie en pensant que notre époque à les écrivains qu'elle mérite.
Lien : https://sansconnivence.blogs..
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