Camille Claudel. Quelqu'un qui a reçu beaucoup.
« Un roman, même une épopée, il faudrait bien Homère pour la raconter. Je vis dans un monde si curieux, si étrange... Du rêve que fut ma vie, ceci est le cauchemar. »
Il y a toujours quelque chose d’absent qui me tourmente.
"Ce n'est pas ma place au milieu de tout cela, il faut me retirer de ce milieu, après quatorze ans, aujourd'hui d'une vie pareille, je réclame la liberté à grands cris".
Auguste Rodin à Camille Claudel -1886-
Ma féroce amie,
Ma pauvre tête est bien malade, et je ne puis me lever ce matin. Ce soir, j'ai parcouru (des heures) sans te trouver nos endroits, que la mort me serait douce ! et comme mon agonie est longue. Pourquoi ne m'as-tu pas attendu à l'atelier, où vas-tu?A quel douleur j'étais destiné. J"ai des moments d'amnésie où je souffre moins, mais aujourd'hui, l'implacable douleur reste.
Camille ma bien aimée malgré tout, malgré la folie que je sens venir et qui sera votre œuvre, si cela continue. Pourquoi ne me crois-tu pas?J'abandonne mon Salon (ou Dalou?) la sculpture; si je pouvais aller n'importe où, un pays où j'oublierai, mais il n'y en a pas. il y a des moments où franchement je crois que je t'oublierai. Mais en un seul instant, je sens ta terrible puissance.
Aye pitié méchante. Je n'en puis plus , je ne puis plus passer un jour sans te voir. Sinon l'atroce folie. C'est fini, je ne travaille plus, divinité malfaisante, et pourtant je t'aime avec fureur.
Ma Camille sois assurée que je n'ai aucune femme en amitié, et toute mon âme t'appartient.
Je ne puis te convaincre et mes raisons sont impuissantes. Ma souffrance tu n'y crois pas,je pleure et tu en doutes. Je ne ris plus depuis longtemps, je ne chante plus, tout m'est insipide et indifférent. Je suis déjà mort et je ne comprend pas le mal que je me suis donné pour des choses qui m'indiffèrent maintenant; Laisse-moi te voir tous les jours, ce sera une bonne action et peut être qu'il m'arrivera un mieux, car toi seule peut me sauver pr ta générosité.
Ne laisse pas prendre à la hideuse et lente maladie mon intelligence, l'amour ardent et si pur que j'ai pour toi enfin pitié ma chérie, et toi-même en sera récompensée.
RODIN
Camille à Charles Thierry (10 mars 1913)
(...) Le pauvre papa ne m'a jamais vue telle que je suis ; on lui a toujours fait croire que j'étais une créature odieuse, ingrate et méchante ; c'était nécessaire pour que l'autre (Louise sa soeur) puisse tout gratter.(...)
Louise a mis la main sur tout l'argent de la famille par la protection de son ami Rodin ...
Cher Paul,
Aujourd'hui 3 Mars, c'est l'anniversaire de mon enlèvement à Ville-Evrard, cela fait 17 ans que Rodin et les marchands d'objet d'art m'ont envoyé faire pénitence dans les asiles d'aliénés. (..;)
Dernièrement on a construit une grande cuisine , au loin à plus d'un kilomètre du pensionnat; on m'a donné la permission d'aller chercher la nourriture avec les bonnes et les femmes de peine; cela me faisait une promenade et une sortie. cela n'a pas duré... j'ai reçu l'ordre de ne plus y aller ; sans motif aucun je suis de nouveau séquestrée.
Je m'ennuie bien de cet esclavage. Je voudrais bien être chez moi et bien fermer la porte. Je ne sais pas si je pourrai réaliser ce rêve, ¨ÊTRE CHEZ MOI.
Camille Claudel à Paul claudel, son frère
Montdevergues le 3 mars 1930
Monsieur,
Vous me causez une grande joie en me disant que vous êtes parvenu à me faire commander mon petit buste en marbre et à un prix plus élevé que je ne pensais.
Je vais me mettre au travail tout de suite et vous me rendez un peu du courage qui commençait à me manquer. J"en suis très touchée venant d'un artiste tel que vous et l'admiration spontanée est une chose précieuse.
CAMILLE CLAUDEL, à Antoine Bourdelle -mai 1895?-
Il a fallu que je te connaisse et tout a pris une vie inconnue, ma terne existence a flambé dans un feu de joie. Merci, car c’est à toi que je dois toute la part de ciel que j’ai eue dans ma vie.
— Auguste Rodin à Camille Claudel, 1886
Je couche toute nue pour me faire croire que vous êtes là mais quand je me réveille, ce n’est plus la même chose.
— Camille Claudel à Auguste Rodin, fin juillet 1891
[…] Oui, mais il faut vivre ! Et bien elle ne vit pas de son art, tu le penses ! Alors le découragement la prend et la terrasse. Chez ces natures ardentes, dans ces âmes bouillonnantes, le désespoir a des chutes aussi profondes que l’espoir leur donne d’élan vers les hauteurs.
— Octave Mirbeau, Article dans Le Journal, 12 mai 1895