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L`Age d`Homme [corriger]


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Partage de midi

J'ai une admiration sans limite pour les œuvres complexes, celles qui vous entraînent dans des régions étranges, qui vous confondent et vous interrogent. J'aime avoir ce même sentiment d'admiration hébétée que lorsque je contemple un coucher de soleil : c'est une beauté qui m'est tellement supérieure que je ne peux que me taire et l'apprécier, même si je n'en comprends pas l'essence.



Je reconnais toutes ces qualités à « Partage de midi », car l'écriture claudélienne — que je découvre ici pour la première fois dans son intégralité, après en avoir lu plusieurs extraits — est chargée d'une beauté indiscutable. J'aime, ou plutôt j'aurais dû aimer, cette sorte de mysticité qui se dégage de chacune des répliques, ce monde onirique et sensible. Toutes les cases sont cochées : réflexion sur Dieu, sur l'amour, sur la vie, des thèmes qui me touchent. Pourtant il n'y a pas eu d'éblouissement, je suis même resté plutôt froid à la lecture de la pièce, en reconnaissant les qualités sans pouvoir les apprécier vraiment à leur juste valeur. J'ai bizarrement été davantage conquis par « Tête d'or » — ou du moins par les extraits que j'en ai lus —, qui m'a paru plus clair dans son exécution.



Je reste donc légèrement sur ma faim, et en attendant d'explorer l'œuvre de M. Claudel un peu plus sérieusement, j'essaierai de me renseigner en profondeur sur ses intentions derrière cette pièce.
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Vie et Destin

"Vie et destin" est un grand roman russe. Par "grand roman russe", entendons, sur le modèle de Guerre et Paix de Tolstoï, un récit en prose assez long, des personnages évolutifs, des intrigues, mais surtout la rencontre de tous ces éléments avec la grande Histoire, figure du destin, du collectif et de la Nécessité. Chez Tolstoï, il s'agit des guerres napoléoniennes, chez Grossman, de la bataille de Stalingrad. "Guerre et Paix" se place au point précis où l'entreprise impériale française trouve sa limite et sa fin, "Vie et Destin" est situé à un moment comparable, pour ce qui concerne l'empire allemand de Hitler. La grandeur de ces romans, que seuls les Russes, semble-t-il, savent écrire (mais on peut lire aussi "Migrations" du Serbe Milos Tsernianski), c'est la rencontre de la vie individuelle des personnages romanesques, et du destin collectif des peuples, de la politique et de la guerre.



Le roman de Grossman est si vaste que, pour une simple chronique, on ne saurait tout dire. Pour résumer, on avancera qu'il s'agit ici, d'abord et avant tout, d'un roman, à savoir d'une fiction qui fait appel à l'imagination, invente des personnages et des situations, promène le lecteur en des lieux interdits : on assiste à de longues discussions entre internés dans des camps de concentration russes ou allemands, on voit Eichmann trinquer pour inaugurer la chambre à gaz flambant neuve que ses ingénieurs viennent de construire, Staline est au téléphone avec un physicien juif mal vu de ses supérieurs, on meurt avec un personnage gazé, on erre dans l'Ukraine affamée avec un soldat russe perdu, etc ... L'imagination romanesque construit l'histoire au niveau de chaque personnage, jusqu'à ce qu'une conversation entre un détenu et le commandant allemand de son camp révèle le sens profond de ces promenades imaginaires et littéraires d'un camp à l'autre : nazisme ou stalinisme sont deux faces de la même réalité tyrannique et sanguinaire, sont deux forces équivalentes en nature et en valeur, qui luttent l'une contre l'autre pour la suprématie. ('Liss [commandant du camp allemand] approcha son visage de Mostovskoï : "Vous me comprenez ? Je ne parle pas parfaitement russe, mais je voudrais tant que vous me compreniez ... Nous sommes vos ennemis mortels, oui, bien sûr. Mais notre victoire est en même temps la vôtre. Vous comprenez ? Si c'est vous qui gagnez, nous périrons, mais nous continuerons à vivre dans votre victoire. C'est un paradoxe : si nous perdons la guerre, nous la gagnerons, nous continuerons à nous développer sous une autre forme mais en conservant notre essence." p. 469) Qu'on se réfère au roman communiste de Malraux, "L'espoir" : l'auteur disait qu'en aucun cas, il n'aurait pu camper, mettre en scène, faire interagir et dialoguer des Franquistes. Les Franquistes, dans son roman, ne sont présents que sous la forme de lointains avions, de forces mécaniques et impersonnelles, l'humanité étant incarnée, elle, par les Républicains de gauche. Grossman procède tout autrement, et c'est justement ce triomphe du roman qui rend son livre tellement scandaleux, au plan politique, puisqu'il n'y a plus ni bons, ni méchants. On pourrait dire avec Philippe Muray, que Grossman, en échappant aux engagements idéologiques obligatoires et au manichéisme politique, "désobéit au XX°s", et le roman avec lui.



Que représentent les deux abstractions accolées, "Vie" et "Destin" ? On saisit (et c'est explicité dans les dernières pages du livre) que le destin est la guerre, à savoir la politique, l'oppression que subissent les hommes pris entre deux régimes totalitaires féroces ("La vie était horrible. Et ils surent qu'une fois la guerre terminée, la force qui les avait jetés au fond de ce trou, leur avait enfoncé la gueule dans la boue, cette force opprimerait les vainqueurs aussi bien que les vaincus." p. 514) . La vie, de son côté, s'épanouit en mille formes variées : l'herbe, les saisons, les amours, les angoisses, tout ce que les êtres humains éprouvent sur la terre. ("Pourquoi je pleure ? Comment te dire ? Je pleure parce que je vis, je pleure de chagrin parce que Slava n'est plus et que je vis... je pleure à cause de la lumière du matin : tout est si beau autour et le malheur est si grand. Pour tous, et pour moi aussi..." p. 508) Peu de lyrisme cependant (au moins dans la traduction française) : Grossman semble un écrivain marqué par sa formation de romancier réaliste socialiste, à qui tout sens de la transcendance a été ôté. En revanche, on trouve de nombreux passages pédagogiques, explicatifs, explicitant ce qu'il faut penser de ceci ou de cela, ce qui range l'auteur dans l'école des auteurs de gauche publiant pour l'édification des masses.



Voilà peu de mots, qui, je le crains, ne disent pas l'essentiel de ce roman foisonnant. J'espère au moins qu'ils inciteront certains à se lancer dans la lecture de cet ouvrage qui compte parmi les plus importants du XX°s.
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La Bouche pleine de terre

Quelle puissance que cette nouvelle, rien que le titre est fabuleux. C’est avec ce très court récit que je découvre la littérature serbe.



L’histoire est peu commune : un homme apprend qu’il est condamné à mort et décide de rentrer mourrir dans son pays natal, au Monténégro. Pris d’une soudaine impulsion, ayant terriblement envie de s’isoler du monde, il saute du train.



Vagabond, il va être poursuivi par deux hommes curieux qu’il va semer. Ces derniers, vexés vont vouloir des explications et continuent de le courser. Se joignent à eux un berger qui l’accuse d’avoir tué ses bêtes, un garde forestier persuadé qu’il lui a volé son âme et tout un tas de gens qui pour finir lui reprocheront ce qui les apaisent.



Au fil de la traque, la haine décuple, la perception se brouille, la foule devient compacte et ingérable.

Le vagabond, lui, fuit. Les hommes, son destin, ce qu’il comprend être une mort violente s’il est rattrapé.



Formidable métaphore de la peur de l’inconnu, de la haine gratuite accentuée par le sentiment de masse, on ne peut s’empêcher de se projeter dans les années 40.

Les réflexions sur la fin de vie et la résilience sont également fortes, et même si j’ai relu la fin trois fois je suis encore persuadée d’être passée à côté . Je n’interprète pas le message, j’ai l’impression qu’il m’échappe.

Mais comme tous les classiques en littérature, je suis persuadée que si je le relis dans 5 ans j’en aurai une perception toute différente et peut-être, peut-être pourrai-je décrypter ce dernier sourire.



Un texte original que je vous invite à découvrir !

Et merci à Didier de la librairie de Saint-Pierre d’Oleron qui m’a conseillé cette pépite.
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