L'histoire débute comme une bluette. En 1875, une jeune aristocrate née à Prague répond à une petite annonce. Un riche Suédois vivant à Paris cherche une « dame polyglotte » pour gouverner son « train de maison ». Dès la première rencontre, Alfred Nobel propose la place à Bertha Kinsky von Chinic und Tettau (1843-1914), et tombe sous son charme. Elle décline l'offre comme l'amour, mais une amitié durable naît entre eux. Trente ans plus tard, en 1905, Bertha, désormais baronne von Suttner, devient la première femme à recevoir le prix Nobel de la paix.
Que s'est-il passé durant ces trois décennies ? C'est ce que raconte, d'une plume alerte,
Antoine Jacob. de Paris à Stockholm, l'ancien correspondant du Monde dans plusieurs pays d'Europe se met en scène en Rouletabille marchant dans les pas de Bertha, d'abord connue comme romancière avant de s'imposer comme la figure de proue des pacifistes. Persuadée qu'il est possible d'éviter les guerres, elle convainc Alfred Nobel de consacrer une part de sa fortune à la cause. La chute est rude. le prix Nobel est bien créé – en 1895. Mais, en juin 1914, une balle tirée à Sarajevo, une semaine après le décès de la baronne, emporte tout sur son passage, les rêves de paix perpétuelle et le mouvement pacifiste. Alors que les morts s'accumulent en Ukraine, en Israël, à Gaza et ailleurs, la quête de Bertha von Suttner paraît toujours plus « insensée et salutaire » à la fois, selon la jolie formule d'
Antoine Jacob.
Denis Cosnard, dans le Monde des Livres du 10 novembre 2023
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