Déjà, notons bien que le nom de la mangaka,
Peyo, n'a aucun rapport avec l'auteur des Schtroumpfs. Je l'ai vu référencé partout et j'avoue que ça me fait rire ! Mais ils ont juste le même nom et ça s'arrête là.
Peyo est le pseudo d'une jeune mangaka pleine de talent qui est malheureusement décédée il y a deux ans. À part le one-shot
Boy meets Maria, la mangaka avait aussi écrit Kimio alive, un shonen qui restera inachevé et qu'on ne verra du coup jamais en France…
Je ne pensais jamais voir
Boy meets Maria sortir en France et je guettais depuis un certain temps Amazon.us pour tenter de me procurer le titre en anglais, tout le temps en rupture de stock. Heureusement, Taifu comics a entendu mes plaintes et a publié le titre. Je ne m'y attendais pas, c'était une très belle surprise, un immense et bouleversant coup de coeur !
Avant toute chose, sachez qu'il y a une scène particulièrement difficile à lire au milieu du manga, d'où le trigger warning au début de ce post. Je me permets d'insister car, si ce titre a été une lecture incroyable pour moi, cette scène était une épreuve à lire, aussi faites attention à votre sensibilité !
Pour une fois, j'aime beaucoup le résumé que propose l'éditeur, aussi je gagne du temps et je vous le mets ici : Taiga est un jeune lycéen plein d'enthousiasme, qui se rêve en héros sauvant des demoiselles en détresse. Un jour, en assistant à une représentation du club théâtre de son lycée, il va tomber des nues devant la beauté et la grâce de Maria, une des membres du club. Mais que se passerait-il si la belle n'en était pas une ? Accompagnez Taiga et Arima sur le chemin qui mène à l'affirmation de soi !
Si le titre aborde des sujets difficiles, il parle surtout brillamment de genre et de ses stéréotypes. le manga démarre son histoire à travers ces stéréotypes de genre avec ses deux personnages principaux, en montrant comment cela peut engendrer une grande souffrance mais aussi finalement comment on peut en sortir et changer pour accepter l'autre tel qu'il est.
On a donc d'un côté Taiga qui a été littéralement élevé par un dessin animé présentant un super-héros à la masculinité bien toxique : un homme doit être fort et doit toujours protéger les femmes. Très cliché, le personnage a construit l'identité de Taiga qui s'est identifié à lui alors même que la vie dans son foyer ne se passait pas bien et que sa propre mère malade n'a pu être sauvée ni par son père, ni par personne. Ainsi, lorsque Taiga rencontre Arima, toute sa vision du monde s'effondre. Car Arima n'est ni une fille, ni un garçon. Sa mère l'a élevé comme une fille, mais biologiquement il est un garçon.
Dans une société qui accorde tant d'importance à la binarité des genres et qui n'accepte pas la différence, personne n'essaie de comprendre Arima et chacun veut le mettre dans une case. Ils ont tous leur avis sur son identité de genre, chose qui ne devrait concerner que lui. Ainsi, il souffre de dysphorie de genre, causée par son éducation, son traumatisme et son incapacité à choisir. Il est non-binaire, et chaque genre lui apporte quelque chose.
Ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant dans le manga, c'est la représentation du genre comme un rôle. Pour Taiga, inspiré de la télé, il s'agit d'un rôle de héros à la masculinité clichée. Pour Arima, en revanche, il s'agit de porter la binarité de genre comme un rôle de théâtre, une interprétation prédéfinie que l'on peut incarner à l'envi. Cela fait bien ressortir le caractère sexiste de ces stéréotypes de genre, qui ne rendent service à personne. Et Taiga, qui représente vraiment le cliché masculin, arrive à se remettre en question face à ses jeunes sentiments pour son camarade de classe (ils ont 15 ans). On peut voir toute son évolution, de ses questionnements sur sa sexualité et de ses erreurs, jusqu'à sa totale remise en question pour accepter Arima tel qu'il est et finalement le soulager.
Le propos est souligné par une mise en scène forte qui fait bien ressortir toute la difficulté et la complexité des émotions que ressentent les personnages. Puis, le dessin est absolument incroyable, comme vous pouvez le voir dans ces superbes illustrations que l'on retrouve sur la couv et sur les rabats du manga. Taifu a fait un beau travail sur cette édition, avec également une traduction de qualité.
J'ai donc été totalement bouleversée par ce manga, ça faisait bien longtemps que je n'avais pas eu un coup de coeur comme ça ! Cette histoire est forte, juste, belle et percutante. Bien que ce ne soit pas toujours une lecture facile, je la recommande à 1000 % !
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