Le masque d'Arlequin se compose d'un demi-masque et d'une mentonnière noire. Les sourcils et la barbe sont hérissés de poils hirsutes. Le front est plissé de deux arcs de rides, fortes mais régulières. Les sourcils, eux aussi régulièrement arqués, se rejoignent sur l'arête nasale. Les yeux sont constitués par deux petits trous ronds qui expriment la ruse, l'étonnement ou encore la gourmandise, et dont l'étroitesse, visible sur les masques d'anciens zanni, a son importance car elle permet d'expliquer la démarche d'Arlequin. En effet, l'acteur dont la visibilité était réduite, devait progresser par petits bonds successifs et rapides et regarder souvent à ses pieds pour éviter tout obstacle. Les joues du masque sont creusées sous la courbure des sourcils et contribuent à donner l'image d'un personnage famélique, gobeur de mouches. Dans ce visage s'observent aussi des éléments qui viennent en rompre la symétrie, telle la loupe sous l'œil ou encore la verrue énorme sur le côté droit du front. On peut s'interroger sur cette bosse rouge : est-elle la trace d'une blessure ancienne ou d'un coup reçu ? À moins qu'elle ne soit plutôt une ébauche de corne, marque du diable dans cette figure noire.
Les lazzis sont ainsi des morceaux autonomes, destinés à susciter le rire du public qui les attend et les redécouvre chaque fois avec le même plaisir. Pour l'acteur, ce sont des aides qui lui permettent d'enrichir son improvisation, de donner plus de relief a une situation banale ou de faire rebondir le rire dont se nourrit la commedia dell'arte. Chaque personnage peut d'ailleurs puiser dans le répertoire connu ou en inventer de nouveaux selon l'inspiration.
Sous l'influence des évolutions politiques et sociales [au début du XVIIIè siècle], […] la psychologie des valets se transforme ; ils deviennent de plus en plus arrogants, conscients de leur valeur, voire de leur supériorité. Les rapports maîtres-valets se modifient étrangement. Brighella, Arlequin se reconnaissaient pauvres et dépendants de leurs maîtres riches, pingres et autoritaires qu'ils se plaisaient à duper, mais ils avaient admis cet état de choses. La nouvelle génération des valets de théâtre va remettre en cause l'ordre établi en affirmant bien haut que l'opposition fort-faible n'est pas inéluctable. L'optimisme moral, l'espoir que tout peut encore changer va se réfugier dans le dynamisme plein de finesse de Figaro ou de Crispin, dans la possibilité d'un changement social.
Le 5 février 1545 à Padoue, en Italie, huit hommes signent un contrat afin de n'être plus des dilettanti (comédiens amateurs) mais de vrais acteurs professionnels formant une troupe […]. Ce sont des comédiens dell'arte (de métier). Pour eux, il ne s'agit pas tellement d'un changement d'appellation ni d'une recherche de statut social, mais bien plutôt d'une nouvelle manière d'envisager leur art. « La compagnie fraternelle » a la volonté de créer un contact nouveau avec le public, d'entretenir des relations plus personnelles avec lui; son but est de le divertir et de gagner de l'argent (nécessité nouvelle que ne connaissaient pas les comédiens amateurs) en plaçant l'acteur au centre de la création.
Le masque de commedia dell'arte laisse apparaître des parties du visage : les yeux certes, mais surtout la bouche, qui prend toute son importance dans un visage qui reste mobile. Il cache et il révèle, il est fixe et donne l'illusion du mouvement, il dépossède et il enrichit. Il « se tait » s'il n'est pas en accord avec le langage du corps. Il faudra donc que l'acteur apprenne à vivre avec son masque, à collaborer avec lui ou même à se soumettre à lui. Le mot « masque » ne désigne-t-il pas à la fois le personnage et l'objet, le comédien et son visage d'emprunt, comme si l'un et l'autre s'étaient confondus ?