De l'incivilité au terrorisme

En fait, l'incivilité et le terrorisme ne sont pas au centre de cet ouvrage. Le vrai sujet de Maurice Berger, c'est le cas des enfants et adolescents violents - parfois très violents. Son équipe en psychiatrie de l'enfant en a étudié et soigné un grand nombre. L'auteur décline de nombreux profils de jeunes, dangereux pour les autres enfants et pour leurs éducateurs. Ce qui ressort de l'observation de ces individus, c'est leur incapacité à nommer leurs émotions donc, a fortiori, à les maîtriser. Tout est brouillé dans leur esprit: le présent et le passé; soi et autrui; le bon et le mauvais. A l'origine de ces graves troubles: des traumatismes précoces. Certains sont visibles, mais d'autres beaucoup moins évidents, "en creux" (notamment des négligences parentales). J'ai aussi appris grâce à ce livre que les pires traumatismes ne sont pas les violences physiques dont le sujet lui-même est victime mais, en fait, les violences observées par l'enfant et subies par des adultes censés assurer la sécurité des enfants (généralement les mères).

Je note aussi que, dans certains passages de son livre, l'auteur ose être politiquement incorrect - et je lui tire mon chapeau pour cela. Il regrette le laxisme ambiant vis-à-vis de tous les jeunes, qui tend à excuser et à banaliser leurs violences. Il n'hésite pas à affirmer que, malgré la loi en vigueur en France, une bonne fessée exceptionnellement donnée (et justifiée) ne relève pas de la maltraitance. Il note aussi que 80 % des adolescents violents, qui sont pris en charge dans le service, se trouvent être d'origine maghrébine: ceci s'explique par les particularités de leur culture: l'honneur, le secret, la lourde influence du groupe et le regard sur les femmes, etc… Un petit nombre de ces jeunes Maghrébins prennent une trajectoire qui les conduit vers le terrorisme.

Ce livre est clairement écrit, sans utilisation d'un jargon de psychologue. Il a le mérite de poser un problème très grave, devant lequel on se sent absolument démuni. Cette lecture est parfois déprimante, mais le plus souvent stimulante. M. Berger et ses collaborateurs arrivent à réaliser ce qui parait impossible: guérir certains jeunes de leur extrême violence.