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EAN : 9782368334195
192 pages
Locus Solus Editions (24/03/2023)
4/5   2 notes
Résumé :
À l’occasion du centenaire de la fondation du mouvement artistique dit des « Seiz Breur », voici un beau-livre au moyen format pratique et contemporain qui présente celle qui en fut à l’origine : l’artiste Jeanne Malivel (1895-1926). Aux côtés de René-Yves et Suzanne Creston, James Bouillé, Jorj Robin… Dans cette monographie, on découvre le parcours, de Paris vers la Bretagne, d’une femme engagée, artiste au talents artistiques multiples : peinture, gravure, illustr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Vient de paraître ce très beau livre, richement illustré. Il accompagne l'exposition qui a lieu actuellement à la bibliothèque Forney à Paris, du 8 mars au 1er juillet 2023, intitulée « Jeanne Malivel (1895-1926), une artiste engagée ». Qualité des reproductions, de la mise en page et du texte permettent de découvrir les multiples facettes d'une artiste à la vie trop courte. Elle mérite d'être connue au-delà de la Bretagne, au centre de son oeuvre, notamment aux côtés de « Ar Seiz Breur » – les sept frères en breton –, mouvement artistique qu'elle a cofondé il y a tout juste un siècle.

Après une formation artistique à l'Académie Julian et l'école des Beaux-Arts de Paris, Jeanne Malivel devient professeur aux Beaux-Arts de Rennes en 1923. Elle réalise des dessins, des aquarelles et excelle à la gravure sur bois. Très vite elle s'oriente vers les arts décoratifs (illustrations, objets, meubles, céramiques, textiles), cherchant à faire travailler ensemble artistes, artisans et fabricants afin de sauvegarder un patrimoine régional mal en point après la première guerre mondiale.

Ce livre est très intéressant par les nombreux extraits de lettres qu'il contient. J'ai été frappé par le style et la qualité d'écriture de chacune d'entre elles. On écrivait beaucoup à l'époque, dans les classes éduquées, et on (elle) écrivait bien. Apparaît ainsi le cheminement d'une femme issue d'une famille bourgeoise catholique, devenue artiste en vue, naviguant entre des pressions religieuses et politiques intenses. En une vingtaine d'années son parcours est impressionnant. Au delà de l'aspect artistique, se dessine une véritable Histoire de la Bretagne de la première moitié du vingtième siècle.

Jeanne Malivel a été à l'origine du renouveau de l'art populaire breton. Personnellement, je trouve ses réalisations souvent assez grossières au niveau des traits. Artiste engagée, oui, mais engagée dans quelle voie ? Vers un art ouvert vers le futur ou nouvelle imagerie du passé ? Sa collaboration avec son amie Jeanne Coroller qui écrit les textes d'une Histoire de notre Bretagne, alors que Jeanne Malivel en réalise les illustrations, lui permet de se faire connaître mais au prix de vives polémiques quant aux textes. On y voit quantité de croix, de blasons à hermine, de saints, de bateaux et de châteaux, publication dont elle ne maîtrise pas, ne partage pas semble-t-il la ligne éditoriale... L'aventure va durer quatre ans pour un livre qui va créer la polémique tellement les textes sont partisans et recèlent de partis pris historiques, voire de mensonges – l'ouvrage est pourtant censé être à destination des écoles.... Bien plus tard, Jeanne Coroller sera accusée de collaboration avec les nazis, ce qui est évoqué brièvement. Sans être au fait de ces épisodes précis, cela m'a troublé de voir accoler directement, sans recul sur les conditions de l'époque, Résistance et Assassins...

« Il est vrai que le mouvement breton, y compris dans le mouvement artistique, est largement discrédité : des anciens collaborateurs de premier ordre de Jeanne ont été assassinés par la Résistance, tels l'abbé Perrot (le 12 décembre 1943), Jeanne Coroller-Chassin du Guerny (le 13 juillet 1944) et Christian le Part (le 25 août 1944). » 

Jeanne Malivel meurt presque vingt ans avant la fin de la seconde guerre mondiale et n'est donc pas comptable des actions de certains mouvements bretons et personnalités qui joueront bien plus tard la collaboration contre la France considérée comme ennemie. Elle a accepté, à ses débuts, d'illustrer sur commande la sulfureuse édition d'Histoire de notre Bretagne mais déplore le climat haineux que suscitent les textes. Elle a cofondé un mouvement artistique, le quittant rapidement après la réalisation chaotique du pavillon breton à l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels de Paris en 1925, peu encline à entrer dans des questions de pouvoir à la tête du mouvement. Jeanne exprime dans plusieurs courriers sa détermination à se tenir à distance des éléments les plus extrémistes auxquels elle est souvent à proximité immédiate.

On a là une femme, artiste, face aux défis de son temps. Les motifs floraux ou géométriques, les objets et meubles sont intéressants – style Art déco – ainsi que les gravures sur bois. J'aime beaucoup l'Autoportrait de Jeanne au crayon à la mine de plomb. En quelques années, elle a exercé une belle influence au niveau artistique. Mariée le 15 juillet 1925 à Maurice Yung avec qui elle s'installe dans une belle maison d'artiste à Vitré, elle n'aura pas le temps d'en terminer la décoration, terrassée par la maladie le 2 septembre 1926. Elle a tout d'une héroïne romantique du début du siècle, femme artiste dans l'âme affrontant courageusement des forces puissantes. Si sa mémoire persiste, c'est grâce à sa mère Marie Malivel, qui a su faire aboutir les projets tels qu'objets et meubles, conçus et dessinés mais pas encore réalisés. En cela, la dernière partie du livre est émouvante.

On observe au passage, si on l'avait oublié, combien la vie était fragile à cette époque. Jeanne meurt de la typhoïde à trente et un ans – une infection bactérienne due à Salmonella paratyphi B. Elle raconte dans une lettre les tentatives de traitement de l'époque : « ampoules contenant les bacilles prélevés directement dans mon organisme, et que l'on m'inocule à nouveau sous forme de piqûres ». Les antibiotiques seront découverts seulement deux ans plus tard par Alexander Fleming ! Un autre membre du groupe Seiz Breur, le sculpteur Georges Robin, meurt à 28 ans de la tuberculose, autre fléau de l'époque qui a endeuillé d'innombrables familles !

Ce qui m'a le plus passionné est avant tout la complexité mémorielle à travers le récit d'une vie. Disponibilité des sources, fiabilité, regards par rapport à L Histoire qui se fabrique en continu, avec des codes qui évoluent. Ce beau livre et cette exposition, débordant de sources, oeuvres, lettres, témoignages, permet une connaissance et une réflexion sur les liens entre société, arts et histoire.

Merci à Babelio et aux Éditions Locus Solus pour cette belle découverte.
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Retrouvez cette chronique avec plusieurs illustrations (couverture et pages) sur Bibliofeel. Lien direct ci-dessous
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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J'ai entendu parler de Jeanne Malivel lors d'une de mes dernières visites au musée départemental breton de Quimper, où j'ai vu un de ces fameux ensembles de mobilier fait avec les Seiz Breur. Lorsque j'ai vu ce livre proposé lors d'une des dernières masses critiques de Babelio, je n'ai donc pas hésité à demander ce livre afin de découvrir cette artiste dont le nom ne m'est pas inconnu, et à un moment où l'on cherche à donner plus de visibilité au matrimoine artistique.
Ce livre, qui est pourtant publié pour accompagner une exposition du même titre à la bibliothèque Forney à Paris, spécialisée dans les arts décoratifs et les métiers d'art et fréquentée en son temps par Jeanne Malivel, n'est pas un catalogue. Même s'il est richement illustré et m'a donc permis de mieux me rendre compte de ce qu'a fait Jeanne Malivel, c'est avant une biographie de l'artiste, qui suit les différentes étapes de la brêve vie de l'artiste, en se basant sur d' abondantes archives constituées principalement de la volumineuse et précise correspondance de Jeanne Malivel.
Cette biographie m'a parue inégale, avec parfois une foultitude de détails très prosaïques (dates de commande et de livraison des meubles, inventaire des pièces exposées...) qui alourdissent la lecture inutilement pour la non spécialiste que je suis, et d'autre fois un certain flou qui est entretenu, notamment dans le cadre des tensions qu'il a pu exister entre elle et d'autres artistes avec qui elle a collaboré. Ainsi il est difficile, à partir de cet ouvrage, de se faire une opinion informée sur le contenu du livre Histoire de notre Bretagne, écrit par Jeanne Coroller et illustré par Jeanne Malivel, un livre qui a fait polémique pour ses imprécisions et son positionnement séparatiste, ou encore de comprendre le rôle exact que Jeanne Malivel a eu au sein des Seiz Breur, groupe artistique qu'elle a contribué à fonder en 1923 mais dont elle s'est éloignée moins de deux ans plus tard dans un contexte de vives tensions.
Et puis le dernier chapitre, qui s'attarde sur la construction de la mémoire de Jeanne Malivel par sa famille et par les Seiz Breur, est intéressant. Mais il est amusant de noter que l'auteur relève que la famille a tenu à construire l'image d'une Jeanne Malivel fervente catholique et autonomiste (et non séparatiste) bretonne, comme s'il sous-entendait que ce n'est pas tout à fait exact. Pourtant, c'est exactement l'image que lui-même donne de Jeanne Malivel, ou du moins, ce que j'ai retenu de la lecture de ce livre.
Au final, Jeanne Malivel a su se faire une place dans le monde des arts décoratifs du début du XXème siècle, grâce notamment à une famille qui l'a soutenue en tout. Elle était très proche de cercles catholiques militants et conservateurs, elle a aussi été active au sein des différents mouvements pour la défense de l'identité bretonne dans l'entre deux-guerres. Bien sûr, on ne peut pas savoir ce qu'elle aurait fait pendant la seconde guerre mondiale, mais beaucoup des gens qu'elle a fréquentés assidûment n'ont pas fait les meilleurs choix pendant ces années-là (en commençant par Jeanne Coroller que je cite plus haut). C'est de toute façon une grande partie de l'indépendantisme breton qui s'est compromis, on le sait (d'où, dit-on parfois, l'absence de mouvement indépendantisme fort dans cette région depuis la fin de la guerre, à la différence d'autres régions françaises à l'identité bien trempée). Jeanne Malivel aurait-elle été du nombre, c'est de la politique-fiction que de se poser cette question. Mais sa mort prématurée en fait un personnage avec lequel il est intéressant et non compromettant de se plonger dans ces années d'émergence d'une conscience politique et artistique moderne en Bretagne.
De la gravure sur bois à la broderie en passant par la faïence et bien sûr la création de meubles, Jeanne Malivel a touché à tout. Elle a été de tous les projets, dont beaucoup, certes, n'ont pas abouti, mais elle a laissé, malgré sa courte existence, une oeuvre foisonnante. Je ne suis pas toujours sûre d'y voir un art breton (sauf à connaître les engagements politiques de la créatrice), mais ce sont ces artistes qui ont ouvert une voie que d'autres ont suivi dans les décennies suivantes. Un livre intéressant, donc, pour ceux que l'histoire récente de l'identité bretonne intéresse. Dommage que ce livre soit bourré de coquilles (et je n'exagère pas, il y en a plusieurs dizaines dans les 200 cents pages de ce livre), mais même moi qui déteste les coquilles j'ai réussi à passer outre du fait de l'intérêt du sujet et de tout ce que j'ai pu apprendre dans ce livre.

Merci aux éditions Locus Solus de m'avoir permis de découvrir ce livre dans le cadre de la masse critique de Babelio.
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Comment ne pas aimer la Bretagne ? Une région, un pays même qui a su garder ses traditions vivaces tout en restant ouverte sur le monde. Une terre de marins, de paysans et d'artistes, de lecteurs aussi, où toute la France se précipite l'été (pour la faire courte).

A l'image de ce double mouvement entre tradition et temps présent, le parcours de l'artiste Jeanne Malivel résonne comme un bel exemple de la manière dont le passé et l'innovation peuvent cohabiter. C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai lu ce beau-livre consacré à cette figure touche-à-tout (dessin, peinture, céramique, broderie, ameublement), et découvert son parcours dans l'art du début du XXe siècle, et notamment son engagement auprès des Seiz Breur, collectif breton entendant concilier tradition celte et avant-garde.

Inspirée par le mouvement Art & Crafts, elle s'attache tout au long de sa vie à donner un sens profond à sa pratique, conciliant l'esthétique, le pratique et militantisme pour la cause bretonne. Dans ce livre richement illustré et soigneusement édité (somptueuse mise en page et format plaisant), nous suivons aussi le parcours d'une femme des années 1910-1920, disparue très tôt, qui va tenter de s'émanciper avec l'aide de ses proches. Un livre émouvant, et un régal pour les sens.
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