Le colonel-oiseau - Orchestre Titanic

Orchestre Titanic de Hristo Boytchev est une sorte de En Attendant Godot bulgare - moins féroce et plus burlesque, plus tendre et déchirant aussi.

Ce n'est pas sous un arbre que Lubka, Louko, Meto et Doko attendent leur Godot: c'est sur un quai de gare, où plus aucun train ne s'arrête et où très peu passent encore.

Mais ces clowns magnifiques abandonnés au milieu des détritus et des fumées du ballast sont tout pleins d'espoir: face au public, inlassablement, ils répètent, valise contre coeur, leur montée triomphale dans le train providentiel qui leur redonnera un avenir, une échappatoire.

Mais voilà pourtant que Godot arrive: c'est un illusionniste célèbre , Hari Houdini lui-même, l'escamoteur -au- caisson-magique...Et comme les trains, décidément, ne veulent rien savoir, partir va devenir un jeu de cirque, un tour de passe-passe...

On le sait depuis la chanson de Francis Lemarque, partir c'est mourir un peu.

Pour les musiciens du Titanic, partir c'était continuer à jouer, tout simplement, et pour nos SDF bulgares, laissés sur la touche d'une Europe qui les a définitivement oubliés et qui roule sans eux vers dieu sait quelle catastrophe, pour ces musiciens de gare qui jouent la mélodie du malheur sur le pupitre de carton de leurs valises, partir c'est disparaître du jeu - ou disparaître par jeu?- , partir c'est se laisser happer par son rêve...

Un bien joli texte, et une pièce moins absurde qu'il n'y paraît tant la figure du migrant refoulé de partout , de l'oublié de la frénésie consumériste, de l'exclu jeté hors du monde dans la plus parfaite indifférence est devenue une figure obligée et une silhouette familière de nos ultra-modernes solitudes...