Ce roman post-apocalyptique est une petite pépite d'intelligence et de drôlerie.
La métaphore centrale qui montre que l'humanité est une espèce violente et dominatrice, responsable de sa propre extinction, nous est familière. A chaque fois cependant, un petit groupe d'humains tente de survivre au prix d'un douloureux combat dont il sort finalement victorieux.
Dans ce roman, plutôt que nous, les humains, soyons au centre de l'histoire de notre propre extinction, ce sont les animaux, et plus particulièrement une petite corneille qui sera la brillante narratrice de la disparition des enfoirés.
Petite merdeuse,
P. M pour faire plus court, est une corneille domestiquee, élevée par Big Jim, un électricien buveur de bière qui appelle ses congénères des enfoirés, profère de nombreuses insultes à longueur de journée et partage saucisses et Cheetos avec PM et son chien Dennis.
Lorsque les premiers hommes se transforment en répugnants zombies,
P. M prend conscience qu'elle ne peut rien pour sauver l'humanité selon le principe que " celui qui évide doit aussi rendre" et qu'il est désormais trop tard. Celle qui se sent à demi-humaine tient une conversation émaillée de petites blagues faisant référence à la culture pop et aux idiosyncrasies des conversations humaines . Son franc-parler doit beaucoup à Big Jim et elle s'est nourrie de télé-réalité, de documentaires animaliers et de films de super-héros.
En digne héritière, elle décide de faire équipe avec Dennis, puis avec des corbeaux pour sauver les animaux domestiques enfermés dans les maisons.
Après avoir joué avec les nerfs de ses lecteurs incapables d'admettre la disparition totale de leur espèce,
Kira Jane Buxton se délecte des descriptions les plus gores, se complaisant dans la description des chairs pourissantes et du comportement grotesque de ces survivants qui ne réagissent qu'à la sonnerie d'un téléphone portable.
Car la raison de cette extinction, si elle semble fantaisiste, prend place dans la longue liste des virus susceptibles de détruire l'humanité. " Je sais que tout est parti de l'addiction. La technologie était une séductrice immatérielle, une sirène appelant les navires à s'échouer contre ses récifs. C'est un virus qui s'est répandu à travers les systèmes, le réseau, les microprocesseurs, les montres, les téléphones, les tablettes. A travers les yeux, la peau et les synapses. "
Finalement, le véritable défi de PM est de comprendre que les animaux sauvages, comme le groupe de corbeaux qui se perchent sur le campus universitaire voisin, sont tout aussi créatifs, pleins de ressources et vivants que les humains dont elle a la nostalgie. Sa crise d'identité — elle voudrait tellement être humaine, mais ne l'est pas et ne peut pas le devenir — n'est jamais tout à fait résolue, mais elle apprend qu'elle peut cohabiter avec les oiseaux et autres animaux et vivre dans un monde sans humains.
" Rejeter une part de moi revenait à me rejeter entièrement dans un monde où il fallait croire en soi pour survivre. (.....) Peut-être que ce qui comptait vraiment, c'était ce qu'il y avait à l'intérieur, comme pour le réfrigérateur de Big Jim. Un changement avait balayé le monde entier. Et, à présent, il me balayait moi. Il était temps d'être une corneille. "
Également roman d'apprentissage, cette histoire d'apocalypse expose le chemin parcouru par Petite Merdeuse depuis sa relation fusionnelle avec Big Jim et son amitié avec Dennis le chien imperturbable, jusqu'à son insertion symbiotique dans le monde animal.
Petit à petit, elle parvient à surmonter ses préjugés, envers les mouettes, puis les pingouins et à comprendre la nécessité de s'unir pour survivre.
Une étonnante alchimie est à l'oeuvre dans ce roman qui demande au lecteur de s'identifier à une corneille domestique, de frémir lorsqu'elle affronte les dangers du monde extérieur, d'éprouver les sentiments palpables d'excitation et d'émerveillement lors de sa quête tout en étant capable de cette dose d'auto-derision qui nous permet d'apprécier l'humour de cette corneille qui se croyait à moitié humaine.
Peu importe la redondance du message écologiste, cette fable joyeuse est aussi une célébration de la solidarité, de la résilience et de la réinvention.