Il s'agit de la troisième histoire consacrée à Harry Exton, après
L'exécuteur, tome 1 : le jeu mortel en 1992, et
L'Exécuteur, tome 2 : La confession en 1994. Ces 3 histoires ont été réalisées par John Wagner (scénariste) et
Arthur Ranson (dessinateur et metteur en couleurs). Il existe une quatrième histoire dans cette série : Hitman's daughter par John Wagner et
Frazer Irving (2007). Harry's game a initialement été sérialisé dans les progs (numéros) annuel 2001 et 1223 à 1233 du magazine "2000 AD" en 2001.
Débarrassé du sénateur Jacklin (sa Voix, son employeur dans le Jeu, des chasses à l'homme organisées avec des paris élevés), Harry Exton a acheté un chalet dans le Montana et profite d'une vie au grand air, au contact de la nature. Il s'est lié d'amitié avec Wiley, un trappeur aux faibles revenus. Il reste sur ses gardes, mais il sait que les preuves de l'implication de son précédent commanditaire le mettent à l'abri de représailles. En outre, il y a peu de probabilité que les autres responsables du Jeu aient réussi à le localiser. Il a adopté l'identité de Raymond Perkins. Il entretient une liaison avec Grace Wyatt, l'épouse du dentiste local. Il apprend par la télévision le décès inopiné du sénateur Jacklin. Alors qu'il pense qu'avec cette mort, le dernier lien qui le rattachait encore au jeu à disparu, les organisateurs du Jeu (les autres Voix) y voient au contraire une occasion inespérée de supprimer un témoin gênant et un joueur ayant abandonné la partie, ce qui avait créé un précédent fâcheux. 13 Button Men sont dépêchés pour abattre Harry.
C'est avec grand plaisir que l'on retrouve ce tueur sans pitié, enfin rangé des voitures, profitant d'une vie saine au grand air, et s'envoyant la voisine. le scénario fait toujours la part belle aux séquences se déroulant en milieu naturel. Les dessins appliqués d'
Arthur Ranson rendent à merveille les grands espaces, comme une invitation à la randonnée.
Arthur Ranson a opté pour un encrage un peu plus griffé, un peu plus âpre que dans le tome précédent. le lecteur pourra regretter cette apparence râpeuse, un peu plus spontanée, ou au contraire trouver que l'ambiance s'en trouve renforcée. Dans tous les cas, Ranson continue de réussir à rendre chaque scène mémorable et plausible, même quand le scénario tire un peu trop vers le sensationnel. Une nuit, Harry Exton se retrouve face à un ours devant chez lui, dans un face à face tendu. La retenue de Ranson permet d'éviter le ridicule et de transcrire la tension calme qui s'installe entre ces 2 êtres se jaugeant.
Arthur Ranson est toujours un décorateur d'intérieur minutieux et les scènes dans le chalet permettent d'admirer les matériaux de construction, ainsi que l'ameublement. Les scènes dans les rues de Chicago rendent à la fois compte de l'ambiance nocturne sous l'éclairage public, des ruelles désertes, et de la circulation automobile à quelques pas.
Arthur Ranson est un metteur en scène rigoureux et efficace dans les scènes d'action, montrant les mouvements et la violence de manière sèche et brutale, sans sensationnalisme, mais sans affadir la réalité des morts violentes. Il trouve le point d'équilibre entre en montrer assez pour qu'il n'y ait pas de doute, et ne pas trop en montrer pour ne pas tomber dans le voyeurisme malsain. Il est professionnel et efficace, comme Harry Exton. du coup la qualité descriptive de ses dessins transforme une séance normale chez le dentiste en un suspense éprouvant, alors qu'il ne s'agit que d'une intervention avec une fraise.
Pas facile pour John Wagner de renouveler la trame des intrigues des histoires d'Harry Exton. Il a déjà clairement établi qu'il s'agit d'un individu qui tue sans état d'âme et qui dispose de talents hors du commun pour survivre. Wagner reprend les principes de base de la série : une chasse à l'homme (plusieurs en fait), de riches individus payant pour le Jeu, Harry Exton qui ne souhaite que sortir du Jeu, un tas de tueurs prêts à tout pour l'abattre et ainsi assurer leur propre survie.
De prime abord, le lecteur peut ressentir l'impression que Wagner a taillé son récit pour le marché américain. Il y a donc la mise en valeur des grands espaces naturels, une mégapole (Chicago), une chevauchée en Harley Davidson, un petit clin d'oeil à l'industrie du cinéma (le producteur Michael da Silva, l'une des Voix, ayant fait réaliser un film basé sur le Jeu), etc. Enfin, comme dans le tome précédent, Wagner tient ses promesses et consacre 27 pages (sur les 94 du récit) à l'affrontement final entre Exton et les 13 autres Button Men.
Pourtant, ce troisième récit contient assez d'éléments originaux pour ne pas avoir le goût d'une répétition. 13 Button Men, ça fait beaucoup et Wagner arrive à maintenir le suspense de savoir si Harry Exton va vraiment s'en tirer (ce n'est pas gagné). Il refait ressortir ce qui met son personnage principal, à part des autres Button Men. Parmi ces derniers, il en introduit un avec enfants pour une scène déstabilisante en plein Chicago, et un autre qui prend un peu trop de plaisir à laisser des cadavres en mauvais état derrière lui. Il introduit une touche d'humour pince-sans-rire avec le film tiré du Jeu. Il pimente le déroulement de la partie avec l'utilisation du GPS (technologie relativement nouvelle en 2001, d'où des personnages un peu trop emballés par cette nouveauté qui n'en est plus une de nos jours).
Petit à petit, le cumul de tous ces éléments finissent par happer le lecteur qui n'est plus si sûr que ça de l'issue de l'affrontement. Comme pour les 2 premiers récits, la narration de celui-ci amalgame des scènes de tranquillité (presque contemplatives) avec des séquences d'action où chaque personnage doit se démener pour survivre. À l'opposé de la nature splendide, les actions des Button Men introduisent une horreur palpable. Celle-ci ne provient pas des exécutions de sang froid, mais plutôt de l'inventivité avec laquelle l'homme tue son prochain. Outre la séance chez le dentiste, la découverte de la nature de ces fameux marqueurs (la preuve de la victoire d'un Button Man) choque par son barbarisme et son efficacité.
Le début du récit permet au lecteur de retrouver ses marques, de se sentir confortablement installé pour une nouvelle aventure d'Harry Exton, avec des codes déjà bien établis dans les 2 histoires précédentes. Les dessins d'
Arthur Ranson invitent à une lecture posée, pour pouvoir profiter des environnements représentés. Peu à peu, le lecteur s'installe dans cette nouvelle donne et finit par se retrouver à nouveau aux côtés d'Harry Exton (toujours aussi peu bavard) pour découvrir comment il fait face à ses ennemis, en se demandant bien quelle sera l'issue de cet affrontement qui met réellement le personnage principal en danger.