En neuf nouvelles,
José de la Cuadra nous emmène dans les terres chaudes et reculées d'Equateur, le long de fleuves où sévissent de féroces reptiles, à l'orée de forêts denses et grouillantes où guettent jaguars et grands singes. Il nous introduit dans de traditionnelles haciendas depuis lesquelles des propriétaires terriens dirigent leurs exploitations avec une insoutenable brutalité, ou dans des auberges perdues au milieu de nulle part dont les tenancières révèlent des pulsions perverses, voire assassines.
On y goûte un parfum d'aventure aux forts relents de testostérone, se teintant parfois d'accents épiques, comme dans cette histoire -qui n'est pas sans évoquer Moby Dick- dont le héros est un gigantesque caïman inspirant autant de crainte que de respect, que sa lutte avec un homme animé d'un sentiment de vengeance obsessionnel élève définitivement au rang de légende. Les aventuriers sont parfois des bandits : voleur de bétail à la morale très personnelle, escroc banni aux Galapagos, pistolero dont la renommée quasi mythique fait que l'on s'en méfie même mort…
Les femmes ne sont pas en reste : la violence et le charisme ne sont pas ici l'apanage des hommes, ainsi que l'illustrent le bref mais terrifiant séjour auquel nous invite l'auteur dans une pension dont personne n'est assuré de repartir vivant, ou l'inoubliable héroïne de la nouvelle "
La tigra", qui manie la machette et le fusil avec autant d'habileté qu'elle montre d'endurance à l'alcool, et qui dirige son monde avec une autorité que nul ne songerait à contester.
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Noir Equateur" est aussi le portrait d'un pays où le déterminisme social fige les destins et les rapports entre individus, caractérisés par la domination, la sujétion. le recueil est ainsi traversé par les tragédies qu'induit cette réalité brutale et inique, que subit notamment "Chumbote", jeune garçon offert par son père à ses patrons, qui oublie les coups et les humiliations quotidiennes en s'adonnant à de frénétiques séances de masturbation.
Certains, pour oublier la misère qui menace incessamment, s'étourdissent, avec une sorte de joie combative face à l'adversité, de sexe, d'alcool, de musique, quand d'autres, pour tenter de s'extirper de leur condition, basculent dans la délinquance. Il sourd ainsi de la violence ambiante une formidable énergie vitale, que vient par ailleurs colorer la dimension surnaturelle et fabuleuse qu'apporte la propension à la superstition et à voir dans tout malheur l'action occulte du Diable.
Un recueil où s'entremêlent en une parfaite osmose noirceur et vitalité, réalisme et poésie, l'auteur nous faisant parfois le cadeau d'une chute délicieusement cruelle…
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