Même si tu ne fais qu'acheter des images, tu es responsable de ce qu'on fait subir aux acteurs et actrices lors du tournage de ces images
Des personnes prostituées et l'industrie pornographique. le Mouvement du Nid propose d'ouvrir un « nouveau champ d'analyse et d'action politique ».
Dans la présentation sont, entre autres, évoqués la pornographie comme prostitution filmée, des actes sexuels non simulés relevant de
la prostitution, des producteurs et des diffuseurs pouvant être assimilés à des proxénètes, la démultiplication de l'« imaginaire prostitutionnel », les tendances culturelles bien sombres de « l'abolition du sujet, la dégradation de l'autre, la misogynie, le racisme, voire le sadisme ou le viol », les jeunes clients prostitueurs « biberonnés à la pornographe »…
Sommaire :
Colloque « Pornographie et prostitution : imaginaires et réalités »
Hélène Rémond : La pornographie en question, une expérience au coeur du réel
Ce que proposent les filles comme messages
Joël Martine : Pornographie : retournons la caméra !
Ce que proposent les garçons comme messages
Régine Sellier : A propos de l'impérialisme du phallus
Ce que proposent des équipes mixtes comme messages
Didier Landau :
La prostitution comme hétérotopie de la pornographie : analyse et conséquences
Interview de Sonny Perseil par
Claudine Legardinier : La pornographie, du proxénétisme à l'échelle industrielle
Le Mouvement du Nid.
Je ne présente que certains éléments.
Participer à un film pornographique est une prestation faiblement rémunérée mais bien rémunératrice pour les donneurs d'ordre. Conditions sanitaires, morceaux de corps de femmes, visages de femmes réelles exposées, corps et non personnages, réduction des femmes à une « fonction sexuelle », primat du pénis et de l'action des hommes… Les actes souvent imposés, ne sont jamais désirés – le contraire d'un viol, n'est pas un rapport sexuel consenti, mais bien un rapport désiré – il nous faut donc nous interroger sur les violences, les harcèlements ou « à quel moment peut-on parler de viol ». L'industrie pornographique construit des spectacles – « téléréalité ou jeux de cirque » en disloquant et en détruisant des personnes, en valorisant des imaginaires nauséabonds.
J'ai particulièrement été intéressé par le texte de
Joël Martine, « Pornographie : retournons la caméra ! ». L'auteur aborde, entre autres, les effets de l'empire machiste sur notre imaginaire, les effets psychiques et culturels des images du sexe, « le confort de l'imaginaire et la fascination émoussent le sens critique », celles et surtout ceux qui regardent, « la déresponsabilisation des clients est un point commun entre pornographie et prostitution »…
Très justement, il n'en reste pas à cette face de la pornographie, mais s'interroge sur « la production même des images », la géographie générale de l'exploitation économique des femmes, les connivences masculinistes, les mises en forme de la soumission des femmes aux plaisirs des hommes, la mascarade qui s'impose comme une norme, « la pornographie n'est qu'une caricature de la sexualité humaine, tant physique qu'imaginaire, avec une insistance perverse sur la domination », les virées dans les bordels de la Junquera (voir les travaux d'
Alain Tarrius), la pornographie et les rapports de pouvoir dans notre sexualité, les lectures libérales – l'affirmation virile et le business -, les réactions d'une partie des mâles se sentant menacés dans leur domination traditionnelle, la contre-révolution sexuelle et la négation de l'autonomie des femmes et le refus de l'égalité réelle, le modèle pornographique de la « salope soumise », la soi-disant exceptionnalité française et le renvoi du machisme à celui des autres, les fabrications industrielles en occident…
L'auteur souligne les liens entre pornographie et prostitution, « En termes de marketing la pornographie est un « produit d'appel » de
la prostitution », les définitions englobantes des personnes prostitué·es et des actrices et acteurs du porno dans la notion de « travailleurs du sexe », le rôle du producteur de film – qui proposent à des hommes de payer pour jouer – « agit comme un proxénète, il prostitue l'actrice, et les invités sont des clients »…
Impérialisme du phallus,
la prostitution et la pornographie comme constructions au « bénéfices sexuels, économiques et de domination » des hommes, la dissociation psychique, la jouissance réduite à la pénétration et l'éjaculation, les effets de déshumanisation, les tortures, les industries capitaliste mondialisées du sexe…
Réification de l'autre, omniprésence de l'image, suppression de ce qui fait le possible charme d'une rencontre, prostitution comme « mise en acte dans un « espace réel » de l'imaginaire pornographique », croissance du chiffre d'affaires des industries du sexe, effets de sidération et souffrances, le « plaisir » des uns et la réification des autres…
L'ouvrage se termine par un interview de Sonny Perse par
Claudine Legardinier, les échanges économico-sexuels, le proxénétisme et la pornographie, « Filmer
la prostitution la rend donc autre du point de vue du droit », les limites de la Loi de 2016…
L'auteur interroge : « Pourquoi une prestation sexuelle rémunératrice serait-elle prostitutionnelle si celui qui en bénéficie paye, et non prostitutionnelle si c'est quelqu'un d'autre ? »
Les textes sont complétés par des dessins, des illustrations et des commentaires, « Par votre regard sur les écrans, c'est nous les filles qui sommes atteintes. Et déçues », « Pourquoi cette addiction, Qu'est-ce qu'on a dans la tête », « Au-delà de la frénésie, au-delà du dégout, rencontrer l'autre, imaginer la vie autrement ? »
Il me semble plus que judicieux de regarder du coté de la fabrication – les conditions matérielles et humaines – de la pornographie, de s'interroger sur ces violences – allant jusqu'aux viols – exercées principalement par et pour des hommes, d'aborder les industries du sexe dans leur globalité, de souligner les fils entre pornographie et prostitution…
Il est important que des positions variées s'expriment sur le sujet, qu'apparaissent et soient discutées des éléments ou des assises théoriques contradictoires… Reste qu'il est plus que discutable de valoriser celles qui furent à l'origine de l'appropriation privée et commerciale du signe d'un mouvement, le MLF.
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