Louise Brévins se retrouve seule avec sa petite fille Gabrielle dans une spirale de dettes. Si elle travaille au SMIC, la banque va lui piquer son argent pour combler son découvert. La seule façon qu'elle trouve pour garder la tête hors de l'eau est de se prostituer. ● Ce récit que certains pourront trouver trop cru est sans doute un des meilleurs témoignages sur la prostitution qu'il m'ait été donné de lire, avec ceux de
Grisélidis Réal.
La Maison (2019) d'
Emma Becker m'avait déçu, plein de longueurs et confus dans une ambition non réussie de faire une oeuvre littéraire. ●
Louise Brévins est plus modeste, mais en réalité beaucoup plus percutante. Elle ne se perd pas dans des volutes d'un style trop travaillé et, partant, son style est meilleur que celui de Becker. ● Elle est très factuelle – donc, comme je le disais, crue –, et son livre contient des conseils à la fois pour les clients et pour les prostituées – y compris sur le plan fiscal ! Elle est dans le concret, ne cherche pas à théoriser, à sociologiser (contrairement à ce livre médiocre d'
Aure Hajar,
Sentir mon corps brûler (2023) ou au livre-enquête de Tan, TDS, Témoignages de travailleuses et travailleurs du sexe (2022)), elle garde toujours une lucidité incroyable. Je pense que cet ouvrage peut vraiment être salvateur pour certaines personnes, notamment parce que, comme le dit le titre «
Pute n'est pas un projet d'avenir » : « Il n'y a aucune gloire à la puterie. Aucune compétence n'est nécessaire, aucun caractère, aucune réflexion, aucune individualité. Tout ce que l'on attend de nous, c'est d'être un corps consentant et soumis. […] Mais finalement, le plus dur, c'est de considérer cette activité comme une option. Quoi que l'on entreprenne dans la vie, il est extrêmement difficile de se défaire de cette petite voix mal cachée qui murmure : au pire, si ce que tu fais ne te plaît pas, si tu as besoin d'argent, tu auras toujours ce plan B. » ● Elle critique la façon dont les clients la perçoivent : « Ainsi j'étais, dans leur esprit, la jeune fille qui évoluait en sous-vêtements, du lundi au dimanche, dans un appartement sombre aux lumières tamisées, du coucher au lever, languissante de voir arriver des rames de frustrés prêts à lui malaxer les seins, persuadés que là étaient mon bonheur, ma raison d'être et le sens de mon existence. » ● Elle cite une série de fantasmes auxquels elle a pu être confrontée ; par exemple ce message qu'elle a reçu : « Bonjour, avez-vous un ciré ? Un ciré de pluie classique, jaune dans l'idéal, mais une autre couleur peut aussi faire l'affaire. Je vous offre 100 € pour que vous m'ouvriez la porte, nue, dans un ciré. Je ne me déshabillerai pas, je me contenterai de toucher vos seins (et le ciré), puis de repartir. C'est l'histoire d'un quart d'heure. Comprenez bien, mon fantasme, c'est le ciré jaune. Salutations. » ● Si elle vit le moins mal possible sa condition de prostituée, c'est parce qu'elle n'en fait mystère à personne : ni ses amis, ni sa famille, ni son compagnon. Ainsi elle évite les jugements : « Il ne peut y avoir de jugement que là où on le redoute. » ● Son livre en dit beaucoup sur les rapports femmes / hommes, sur le couple, sur le désir masculin. ● Elle fustige la loi qui pénalise les clients : « une fille a le droit de se prostituer, mais personne n'a le droit de faire appel à ses services. » ● En conclusion, je remercie @ufuk92600 grâce à qui j'ai lu ce livre qu'à mon tour je recommande vivement à ceux que le sujet intéresse.