Régner après sa mort

Luis Vélez de Guevara est un auteur bien oublié, surtout connu pour son roman le diable boiteux qui a inspiré Lesage. Mais à son époque il a été un auteur dramatique reconnu et très joué, ami de Lope de Vega et de Cervantès, et il a écrit de très nombreuses pièces, aussi bien religieuses que profanes. Son théâtre profane se concentre sur des drames historique, ou des oeuvres inspirés par les histoires traditionnelles ou populaires. C'est un théâtre du grandiose et du drame.

Régner après sa mort se situe dans cette veine historique. La pièce reprend l'histoire devenue légendaire d'Inès de Castro, et elle est considérée comme une des meilleures pièces de son auteur. Sa date de composition n'est pas connue, et elle n'a été publiée qu'en 1652, huit ans après la mort de Luis Vélez de Guevara. Plusieurs auteurs avaient déjà porté sur scène la même histoire, dont le premier est l'auteur portugais Antonio Ferreira. C'est une histoire très romanesque : le prince Pedro, héritier de la couronne s'éprend de la dame d'honneur de sa femme, il a trois enfants avec elle, et après la mort de son épouse, se marie probablement avec sa maîtresse. le roi son père, inquiet, décide sous la pression de ses conseillers, de faire assassiner la jeune femme. Son fils entre en guerre avec lui, mais le roi décède. Pedro se vengera cruellement sur les conseiller, et fera couronner le cadavre d'Inès, qui deviendra pour la légende la reine morte.

Dans la pièce de Luis Vélez de Guevara, l'amour entre Pedro et Inès est installé, et le prince résiste d'une manière très ferme à un mariage projeté pour lui avec l'infante de Navarre, doňa Blanca, qui s'en indigne et qui s'en plaint au roi. Atteinte dans son honneur, elle menace de repartir en Espagne. le roi, sous la pression de ses conseillers décide de faire tuer Inès, malgré la pitié qu'il ressent pour elle. le prince devient fou furieux et décide de combattre son père, dont on lui annonce la mort. Il se venge sur les conseiller et fait couronner Inès.

La pièce est très ramassée, tous les événements de l'histoire s'y déroulent, très rapidement. Cela donne le sentiment de passer très vite sur les émotions des personnages, n'installe pas comme par exemple dans la pièce d'Antonio Ferreira, l'appréhension ou l'angoisse d'Inès, les doutes et revirements du roi, qui en venait à questionner sa fonction. Je trouve cela moins touchant, peut-être plus spectaculaire qu'émouvant, on est plus dans l'action que dans la psychologie des personnages. L'infante occupe aussi une place importante, et donne une grande place à l'honneur, à l'apparat. Tous ces aspects font que cette pièce est sans doute moins convaincante pour un lecteur (ou spectateur éventuellement) d'aujourd'hui que d'autres textes qui s'inspirent de l'histoire d'Inès de Castro.