La seule chose qui l’intéressait, en cet instant, était son apparence. Elle battit des cils pour voir l’effet produit, puis compara les cheveux de Grace — savamment décoiffés et, depuis peu, ornés de mèches rouge vif — aux siens… qui étaient ternes, eux aussi. D’un châtain passe-partout et portant encore la marque de l’élastique avec lesquels elle les avait noués en queue-de-cheval, ce matin.
Elle était d’un naturel joyeux. Et optimiste, puisqu’elle avait longtemps pensé qu’un jour ou l’autre, elle trouverait le bonheur. Le travail qui la passionnerait vraiment. L’amour qui la ferait passer de sa solitude de célibataire à l’état de femme comblée.
Sauf que rien de tout cela ne s’était produit. Concluant que ce genre de choses n’arrivait jamais dans la vraie vie, elle s’était alors résignée à ce que son optimisme forcené ne lui apporte, au final, que quelques années supplémentaires d’errance. Elle avait donc continué à vivre dans l’insouciance la plus totale, à se laisser ballotter par les éléments et à butiner, quitte à se perdre.
Le paradis sur terre.
Il mourait d’envie de la pénétrer. Tout de suite. Il le fallait. Toutefois, il s’était promis d’y aller doucement. Elle méritait bien ça. A défaut de lui proposer une relation durable, il pouvait au moins faire en sorte qu’elle prenne son plaisir, elle aussi. Il ferait donc de son mieux, même s’il rêvait de la prendre sur-le-champ.
Et puis il fallait bien avouer que c’était un véritable plaisir que d’entendre ses gémissements, de la taquiner, tandis qu’elle l’attirait plus près de lui.
Elle n’avait besoin ni d’un lit double ni d’une pièce équipée d’une porte. Les hommes ne se battaient pas pour la séduire et elle avait cessé de se caresser depuis plus de six mois. Son imagination l’avait désertée, vaincue elle aussi par ce désert affectif sans fin. Aussi, abandonnant la partie, s’était-elle résignée à meubler sa solitude en faisant des mots croisés sur son téléphone portable.
l y a eu des moments où les temps étaient durs, si tu vois ce que je veux dire. Et d’autres où on échouait dans des quartiers franchement défavorisés. Cela dit, on apprend vite à se faire des amis et à se sentir chez soi n’importe où. Et puis, ma mère est vraiment super. Elle a travaillé avec acharnement pour améliorer notre quotidien, je peux te le dire.