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Rachel Ertel (Traducteur)
EAN : 9782379511080
384 pages
L'Antilope (06/01/2023)
4.33/5   3 notes
Résumé :
1934. Yash (surnom de l'auteur) embarque à New York sur un bateau pour retourner vers sa ville natale, Lublin, en Pologne. Le voyage le mène au Havre, où il descend du bateau, prend le train, passe par Paris. Là, il retrouve des amis artistes ou écrivains yiddish au Dôme, à Montparnasse. Toujours en train, il traverse l'Allemagne – devenue nazie l'année précédente – avant d'arriver en Pologne.
Si Jacob Glatstein ne sait pas encore la catastrophe qui va s'aba... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Tout se passe en 1934, entre mer et terre.
Essentialiste, phénoménal, c'est une voix douce qui délivre ce savoureux récit de vie et du monde.
« Et sur les grands formats on voyait même la Bystrzyca, une rivière qui se jette dans la Vistule près de Varsovie, ma fière capitale, où résident des proches". « Petit à petit il finit par avouer le fond du fond. Les Juifs hollandais détestent les Juifs polonais autant ou encore plus que ne le font les chrétiens ». « Quand vous entendez qu'en Chine on extermine des chinois et en Allemagne des juifs, qu'est-ce qui vous touche le plus ? ». « Vous vous rendez compte, bénéficier de la Hollande et rêver de la Palestine ! ». « Dès que le bateau s'est arraché du nombril du quoi, je me suis senti porté par les règles maritimes ».
La trame lève le voile, premier mouvement dans un récit de renom, historique, intime et géopolitique. La sève d'une appartenance, la magnificence allouée à son éthique, ce pour quoi Jacob Glatstein est au monde. Cercle où déambulent des personnages, tous, avec leurs convictions, les gestuelles complices et la foi en eux, en ce qui les maintient dans une direction et pas dans une autre.
« Voyage à rebours » est à l'instar d'un journal secret qui s'entrouvre page après page. le voyage de Jacob Glatstein dans cette ère tourmentée, latente de l'entre deux guerres.
Ce dernier embarque à New-York, périple où il rassemble l'épars, observe, et se risque aux autres passagers. Dialogues, puis conversations, confrontations. La houle de la mer attise les nostalgies, les souvenirs aussi.
« Dans le paradis international du navire, la nouvelle concernant Hitler fut la première gifle reçue à ma judéité. Je me suis senti solitaire, humilié, dans ma paradisiaque première classe, par la réception froide et indifférente de cette nouvelle ».
 « Je cherchais « un coeur juif chaleureux » qui m'aiderait à pleurer, à rire avec une émotion juive ».
Du havre puis la Palestine, son pays natal, le récit est un cheminement, une alliance avec les rappels pavloviens, les interpellations avec les êtres de hasard. On ressent toute l'idiosyncrasie des religions. La judéité expressive, souvent source d'intimité, dans le cercle des voyageurs, tous de connivences ou de disparités.
Intrinsèque, entre les houles, les ressacs, et la plénitude, le récit est d'entrelacs, éminent, et sans aucune crainte. Ce qui est confié ici, est de source et de complétude. Une affirmation venue d'une existence nourrie d'éthique et de croyance. Une appartenance au moi profond.
« Un tour : être ; un autre tour : ne pas être ».
« Tout me fait monter les larmes aux yeux ».
« Le petit châle de prière est la seule consolation ».
Cette oeuvre est à l'instar de l'absolu du monde. Un voyage quête, un sacre de délivrances. Grandiose, car ici, est la roue de la vie même. L'enjeu immense, historique, voire politique, lucide et convaincu. La puissance évocatrice d'un voyage mémoriel. Un récit d'altitude, une déambulation dans le rythme même précis, rigoureux d'un voyage exceptionnel. Mais ici, l'envergure du méconnu encore est une écluse et la plus noble des traductions en devenir. Ce livre est l'Alcazar, l'épopée même d'une pérégrination unique, l'ivresse de l'esprit.
«-Non, je ne suis pas étranger, mais éloigné ».
 « Les enfants sont les êtres les plus exposés dans les petits villages polonais. »
« Écoute Israël, Dieu est un ».
« Jusqu'au silence complet dans le berceau ».
« Voyage à rebours » est intemporel. Stimulant, sensible et tenace. Ce grand livre excelle d'intelligence et de clairvoyance et d'éclatante vérité. Il s'entrouvre pour le lecteur attentif à l'écho. Brillant. Un livre qui percera dans la nuit noire, tel un halo, dans mille ans encore. Traduit du yiddish par Rachel Ertel, publié par les majeures Éditions L'Antilope.


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Il faudra neuf jours pour revenir 20 ans en arrière. L'auteur (ou son jumeau de papier, le narrateur) a quitté la Pologne, encore une province tsariste, en 1914, pour rejoindre son oncle aux États-Unis. En 1934, il quitte New York pour Le Havre ou il prendra le train pour Paris, traversera l'Allemagne devenue nazie depuis un an et arrivera à Lublin où sa mère est malade dans un jeune État indépendant voisin de ce qui est devenu l'Union soviétique. le narrateur, porte « le fardeau de l'absence d'un pays », et le jeune Polonais qui termine le voyage avec lui, porte « celui d'un jeune pays, d'un jeune État. »

Quand le bateau lâche les amarres à New York, les lois et les comportements changent. « On vit sous l'emprise mystique des flots » et la croisière va offrir aux passagers un sas, où « l'air est du champagne » et où les flash mémoriels rythment les conversations et les plaisirs. le public est définitivement international. La gazette du nord évoque Hitler. le narrateur, Yash, est plus touché que les autres. Les rencontres seront hautes en couleur. Est-on plus soi et moins ego sur le flots ? Rien n'est moins sûr, mais « sur le bateau on peut vraiment sonder la valeur de l'homme.

De jour en jour, de passager en passager, mille et une façons d'être juif ou de voir un juif vont apparaître. Un juif qui croit pouvoir vaincre les nazis en se plongeant dans un livre sacré ; un Bessarabien installé en Colombie où les femmes juives manquent pour qu'une communauté s'implante ; de jeunes bolcheviques qui ont foi en l'Union soviétique pour protéger les juifs ; un immigré espagnol devenu néerlandais, qui se dit plus hollandais que juif ; un chrétien américain qui proclame qu'il « aime les juifs, mais quand ils le sont vraiment », de jeunes musiciens, une professeure du Wisconsin…

« Sur le bateau, chaque personne est une découverte, chaque nouveau personnage surprend », écrit le narrateur. Une certitude naît : pour pouvoir être juif et rester vivant ils devront peut-être ne plus l'être ou le montrer. Cette question de survie reste sans réponse, nous ne sommes qu'en 34. Mais l'auteur confie que « dans ce paradis international du navire, la nouvelle concernant Hitler fut la première gifle reçue à ma judéité. »
Cette judéité en péril est une question sans réponse qui les opposera au reste du monde, mais également entre eux. Tel juif l'est trop, tel autre ne l'est pas assez… « Mon dos ploie de plus en plus sous le lourd joug de la fraternité juive. le sang juif, l'errance – une bosse qui comprend le monde entier », écrit le narrateur.

L'auteur est un fin observateur qui restitue ce qu'il éprouve autant que ses souvenirs avec un rythme et une musicalité qui ne peut que réjouir le lecteur. Il l'avoue à moment donné, « Ce n'est pas l'action, mais le dialogue qui fait l'art théâtral. Les plis des mots, la voix, l'expression. »

Et puis, six jours plus tard, on arrive au Havre. le sas se ferme. « À peine descendu du navire, mon ancienne maison est devenue une obsession. » La traversée de l'Allemagne est poignante. Sa conversation avec un Allemand qui lui dit que tout va s'arranger, mais qu'il ne faut pas en parler. La description des jeunes hitlériens, le bras lévé. Il les décrit comme « une troupe de figurants à l'Opéra ». « On avait l'impression qu'un orchestre allait retentir d'un moment à l'autre et qu'ils commenceraient tous à chanter ».

On sait que la réalité sera bien différente. Un livre étonnant, bouleversant. Qui rappelle, est-ce un hasard, la façon d'allumer les bougies de Hanoukka qui se fait en remontant le fil des jours. Un rabin de Lublin justement rappelait sur radio France que ce c'est une façon d'allumer ou d'éclairer les jours en les éclairant d'un retour progressif vers l'origine, le début, le point de départ, les lieux d'enfance et ceux de notre naissance même s'ils ont pris, dans ce livre-ci, « la couleur de la misère, pas seulement noire, mais d'un noir de boue, la matière des choses qui se délitent. »

À lire.
Merci à Pierre Ahnne d'avoir recommandé ce livre dans sa sélection de janvier. #JacobGlatstein #levoyageàrebours #editionslantilope #RachelErtel




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critiques presse (2)
LeMonde
16 janvier 2023
C’est ce voyage à l’envers, pour apprivoiser un chez-lui méconnaissable, que conte Glatstein dans Voyage à rebours.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaCroix
09 janvier 2023
En 1934, un poète yiddish traverse l’Atlantique de New York au Havre, pour rallier sa Pologne natale : tableau formidable d’un monde avant liquidation.
Lire la critique sur le site : LaCroix

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