je vais avoir du mal à quitter mon «
Yéshoua ». Ma lecture a été si longue qu'il a partagé mes heures comme un vieil ami.
Car
Yéshoua ressort bien comme un ami de la lecture de ce que je qualifierais volontiers d'évangile poétique, selon Jésus, écrit par un nègre athée et contemporain.
Voilà, la messe est dite !
Pas tout à fait tout de même, car, on a beau dire, être athée ou pas, lire un roman historique, très vivant, rédigé à la première personne et où cette personne est Jésus est troublant.
Entre l'auteure,
Chloé Dubreuil, spiritualiste athée et le lecteur croyant sans religion que je suis, une étrange alchimie a oeuvré. D'autant que la poésie affirmée du texte a servi de liant philosophal.
Le premier contact est celui d'une très belle langue. C'est aussi celui du "Je".
Le condamné que nous ne savons pas encore être Jésus, pense et se parle à lui-même dans sa geôle.
Les descriptions sont très vivantes et nous projettent visuellement dans le temps et dans des lieux où l'on voit évoluer quantité de personnages.
Tout prend importance ; couleurs, odeurs, parfums, habits, toucher.
On a une impression de fourmilière géante où se mêlent artisans, marchands, religieux, fanatiques, pèlerins de toutes religions, soldats romains, résistants, prophètes, ermites, bannis, mendiants, infirmes.
Les sentiments de
Yéshoua s'exposent. L'auteure fait de lui un homme, illuminé certes, mais proche de nous. La métamorphose, qui fait de lui, le Christ, devient humaine, compréhensible. Mystérieuse mais compréhensible
Est-ce une bonne ou une mauvaise chose?
C'est une chose courageuse que je respecte, une chose qui aurait valu bien des tourments à l'auteure en d'autres temps.
Il en ressort un
Yéshoua humain, riche d'une immense compassion, d'un charisme oecuménique, vide de tout désir et proche de son créateur.
Sa volonté est de communiquer sa foi aux hommes pour simplement les sauver :
Aimer le Dieu unique avec lequel il fait totalement corps.
Libérer l'homme de toute soumission tant politique que religieuse – et il y avait de quoi faire.
Assurer que le salut vient de l'amour et non de la violence
Comment un tel homme, dangereux pour les pouvoirs en place, pourra-t-il être jugé ?
Rebel, résistant, anarchiste il est. Mais pacifiste il est encore plus !
Il faudra le juger néanmoins ! Ces idées sont trop dangereuses et les foules le suivent de plus en plus nombreuses. Il faut dire qu'il a, en plus, le talent de guérir et c'est énorme dans ce monde misérable et déchiré par la multitude de croyances, de désirs de pouvoir et de violences.
Guérisons ou miracles ?
L'auteure fait ici le choix courageux – qui aurait été suicidaire il y a quelques siècles – de montrer comment « faire voir Dieu à un aveugle » a été considéré comme un miracle par les fidèles ou comment « redonner l'envie de vivre » à un désespéré, a été qualifié de résurrection.
Elle fait encore ce choix de susciter le doute quand elle nous montre un
Yéshoua qui, quand tout le monde nomme Dieu, Elohim ou père, lui, l'appelle Abbâ: Papa.
Elle fait toujours ce choix de nous parler de la conception de son fils ainé, par Marie, en des propos simples, réalistes, avec cette poésie qui laisse planer le doute :
« Je n'étais encore qu'une pensée pour mon Père, une âme épandue en son monde immuable quand l'être qui m'a engendré avait lui-même été plongé dans une noirceur inconsciente ».
Mais elle n'évoque aucune marche sur l'eau, aucune multiplication des pains, aucun miracle hors de ses propos.
Nous sommes à des années lumières de la catéchèse obscure que nombre d'entre nous ont connue. L'auteure de «
Yéshoua », elle, s'exprime clairement et c'est cette clarté teintée de poésie qui définit ce beau roman.
Je déteste être long dans mes fiches de lecture et là, c'est déjà presque trop.
Il y aurait de quoi commenter encore et encore.
Alors j'abrègerai en disant que ce fut une lecture-pavé d'une grande richesse pour moi qui était béotien. Une lecture qui ne me laissera pas indemne et qui a fait de ce personnage un homme, particulier certes, mais un homme tout simplement.