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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Tu es venu vers moi, comme conduit par une étoile, Tu foulais aux pieds l'automne tragique,
Tu es entré dans la maison à jamais déserte,
D'où avait fui le vol des poèmes brûlés. »

Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Anna Akhmatova @editions_gallimard #gallimardpoésie #paldautomne

Anna Akhmatova

Je tourne autour des écrits de la poétesse russe depuis quelques temps déjà… et là, l'envie m'a prise… une journée d'automne maussade… et j'ai plongé dans ses poèmes, le vague à l'âme, dans sa mémoire, un pays qui sombre, dans sa nostalgie, une Russie qui se défait… au fil des guerres, au fil des mots… des morts…

« La vie est finie pour toi,
Tu resteras dans la neige.
Vingt-huit coups de baïonnette,
Cinq balles de fusil.
Il est triste, ce nouveau
Vêtement que j'ai cousu.
Elle aime, elle aime le sang,
Notre terre russe. »

Une grande puissance se dégage de ses vers, une rage aussi, un courroux que rien ne peut apaiser… des larmes sur des morts inutiles, des maux que les mots ne peuvent effacer…

« Demande aux femmes de mon temps,
Bagnardes, «cent-cinq», prisonnières,
Et nous te raconterons tout:
Que la peur nous abrutissait,
Que nous élevions des enfants,
Pour la prison, la torture et la mort. »

Cette poésie engagée qui lui valut longtemps l'interdiction d'être publiée en Russie, est aussi pleine de beauté dans la douleur… une beauté qui transperce, qui éblouit!

« Tu as répandu des milliers d'étoiles
Au-dessus de mon chagrin. »

J'ai été également touchée par les descriptions douloureuses de l'amour, par les sentiments évoqués… tout est force chez cette femme, détermination, courage!

« J'ai reconduit l'ami jusqu'à l'entrée;
Je suis restée debout dans la poussière d'or.
Un petit clocher dans le voisinage
Égrenait des sons graves.
Il me laisse choir! Mot mal choisi.
Suis-je une fleur? Une lettre?
Mes yeux déjà ont un regard farouche
Dans le miroir qui s'obscurcit. »

Ses poèmes, d'une grande richesse, ont aussi de multiples références, des emprunts à tant d'autres qui ont écrit avant elle…

« Ombre, pardonne-moi, c'est ce temps clair,
C'est Flaubert, l'insomnie, un lilas attardé
Qui t'ont fait revenir, beauté de l'année treize,
Avec ton jour indifférent et sans nuages,
À ma mémoire, et pourtant ce genre
De souvenirs ne me va pas. Ô ombre! »

Lire Akhmatova, c'est être touchée par la grâce d'une poésie non muselée, d'une poésie qui crie haut et fort son refus, sa liberté de pensée…

« Et je me tais, voilà trente ans que je me tais.
Comme les glaces du pôle, le silence
M'assiège depuis d'innombrables années.
Il vient éteindre ma bougie.
C'est ainsi que se taisent les morts.
Mais on comprend leur silence.
Il est moins terrible.


On entend pourtant mon silence.
Il remplit la salle du tribunal.
Il pourrait couvrir le vacarme
Des rumeurs; comme un miracle,
Il appose partout son sceau. »

Une poésie libre, puissante, enivrante… comme

« Un automne au teint mat apporta
Dans le pli de sa robe des feuilles rouges »

Rouge sang! Celui qui coule dans ses veines, celui qui s'écoule des morts au combat, celui des siens, de son peuple… d'une patrie altière, farouche, libre qui s'éteint… sous les coups de la folie de certains!

Un destin peu commun, une poésie à sa mesure, unique et éloquente!
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Cela faisait quelques années que j'avais envie de découvrir la poésie d'Anna Akmatova, après avoir adoré le recueil "Le ciel brûle" de Marina Tsvetaieva, autre poétesse russe de talent.

Anna Akmatova est une femme qui a connu les deux guerres mondiales, et a eu son lot de chagrin et de pertes. Ces poèmes évoquent ici l'amour, la rupture, le deuil, la renaissance, rendent hommage,...bref, parle de ce qui peut traverser une vie.

La perception de la poésie et ce qu'elle nous fait ressentir, éprouver est propre à chacun. Les mots en libres associations d'idées nous évoquent des personnes, des choses vécues. La poésie est un langage universel. J'ai été emportée par la langue d'Anna Akmatova tout simplement.
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Ce matin, on (re)découvre Anna Akhmatova, grande poétesse russe du début du siècle. Interdite de publication sous Staline, mais dont la poésie ne cessera jamais de circuler sous le manteau. Ici, dans cette belle réédition bilingue des Editions De minuit, Akhmatova livre son "Requiem", déchirant poème sur le deuil (son premier époux fut fusillé pour activités anti-sovietiques) et sur l'absence des êtres aimés (son fils, Lev, fut emprisonné vingt ans aux "Croix", sinistre prison de Leningrad).
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Anna Akhmatova : la beauté du style et la beauté tout court. Il faudrait être poète pour pouvoir décrire convenablement cette poétesse sublime. il faudrait être homme pour pouvoir l'aimer comme elle a su aimé, avec passion et abnégation. Il faudrait redevenir enfant pour saisir la subtilité des sonorités de ses poèmes ! Mais je ne suis plus enfant, je ne suis pas un homme ni poète donc je me contente d'apprécier quelque part la surface d'une eau belle et trouble. Elle est pour moi source d'inspiration étant moi-même russe, j'aspire pouvoir écrire ainsi avec un style percutant et intemporel. A la fois déesse de l'amour et personnification de la douleur, elle incarne pour moi la grâce des femmes russes d'autrefois.
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Petit livre de 11 textes de poésies écrites durant les années de la grande terreur Stalinienne, soit la période pendant laquelle la poétesse a passé dix-sept mois à faire la queue devant les prisons de Leningrad, son fils ayant été emprisonné dans le cadre des répressions sévissant à cette époque dans le pays.
Bouleversant, de la première à la dernière ligne.
C'est étrange, mais j'ai l'impression que le roman « Sophia Pétrovna » écrit par Lydia Tchoukovskaïa (son amie) en 1940 est inspiré des événements de la vie d'Anna Akhmatova. Son mari anticommuniste (dont elle était déjà divorcée) a été fusillé en 1921, leur fils arrêté en 1938, puis condamné à nouveau en 1949 à 15 ans de travaux forcés sera libéré en 1956.
quelle tragédie !
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Les poèmes de Requiem sont le résultat du recueil par des amis d'Anna Akhmatova de poèmes composés entre 1930 et 1957, pour en faire un témoignage unique qui fut publié à l'étranger. Elle n'avait pu les coucher sur le papier, ils ne se sont transmis que parce que des amis sûrs les avaient mémorisés et transmis.
Anna Akhmatova est restée en Russie, n'a pas cherché à émigrer. Elle a partagé les souffrances du peuple russe, ses peurs, ses espoirs aussi, sans jamais pouvoir être publiée. Elle est la conscience et la voix d'un peuple privé de parole. C'est un court recueil bouleversant d'amour pour tous les innocents et toutes les victimes, un témoignage du courage face à l'adversité, une volonté de résistance qui perdure, opiniâtre. Ses vers sont sobres et emplis de l'humanité qui reste dans cet univers.
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Ces quelques poésies réunies sous le titre de "Requiem" sont glaçantes comme l'hiver stalinien, comme la mort elle-même. Dans ces sombres années de terreur, Anna Akhmatova a souffert le martyre car tous ses proches ont été exécutés ou déportés. L'arrestation de son fils a été pour elle un terrible traumatisme. En tant que poétesse, elle était condamnée au silence par la censure. Elle n'envisageait pas d'émigrer. Restée en URSS, elle a survécu à la "guerre patriotique". Sa réhabilitation sera très tardive.
Ces poèmes d'une grande sobriété sont extrêmement poignants et ils contribuent à faire d'Akhmatova un phare de la poésie russe du XXème siècle.
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Chef-d'oeuvre?
Monument?
Classique contemporain?
Sans doute un peu de tout cela.
Et en même temps ces qualificatifs sont impropres
Car avant tout la poésie d'Anna Akhmatova parle directement au coeur, avec sobriété, avec grandeur,avec simplicité, avec vérité.
Et pourtant, l'auteure n'a presque jamais pu écrire et surtout publier comme elle l'aurait souhaité. Elle a vécu les pires heures de la terreur bolchévique puis stalinienne.
Elle a été interdite de publication, son fils, Lev Goumilev, a été arrêté et a passé dix-huit ans dans les camps.
Certains de ses poèmes ont été mis par écrit des dizaines d'années après leur composition. Auparavant, ils étaient conservés dans sa mémoire et dans celle de quelques amis sûrs.
Ces conditions étaient aussi peu propices que possible à l'élaboration progressive et organique d'une oeuvre. Beaucoup de ses recueils projetés ne virent jamais le jour et leur composition varia en fonction des circonstances ou des autorisations.
Alors chef-d'oeuvre oui, mais aux parties disparates.
Monument dont les pierres sont disjointes et dont plusieurs manquent.
Mais un classique certainement, par l'unité de ton, et dans la forme, qui vise à la limpidité, dans l'érudition qui intègre ses vers aux courants de la littérature russe et mondiale. Les références et les épigrammes sont nombreuses et invitent à aller voir plus loin: Mandelstam, Blok, Annenski, Lozinski, Tsvetaieva, et les autres.
Sa poésie est debout, droite, indépendante.
Malgré les ruses avec l'imbécillité criminelle, elle dit clairement et à voix haute ce qu'elle a à dire.
Et elle parle pour toutes celles et tous ceux qui ont été brisés, engloutis, mais sans emphase. Pas de militantisme, mais une réponse aux visites de la Muse.
Anna est restée en Russie, quand tant d'autres ont émigré. Elle a voulu partager le destin du peuple russe, et de sa ville Léningrad, Saint-Pétersbourg ou comme on voudra appeler la ville de Pierre le Grand.
Alors chaque vers est évocateur, depuis les émois amoureux de la jeunesse, jusqu'aux derniers poèmes peuplés de fantômes.
Et l'on ne peut qu'admirer et remercier Jean-Louis Backès, le traducteur, de nous avoir offert la possibilité de cette rencontre rare et par ses notes et son introduction de nous en avoir livré quelques clés.
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La rencontre de communistes amnésiques m'a conduit à lire ce poème comme un véritable "devoir de mémoire", car de ces devoirs-là, il en faut, et pas seulement pour un souvenir unique. Requiem est un grand poème clandestin, publié en Occident en 1963, à l'insu de l'auteur, écrit en hommage aux victimes d'une période particulièrement terrible du stalinisme, la "Iéjovchtchina", l'époque du règne de Iéjov, l'un de ces bourreaux interchangeables chargés de faire saigner les Russes dans les années trente. le poète n'est donc plus seulement chargé de sa voix et de son destin personnels, mais donne la parole à son peuple et se fait célébrant du souvenir de son martyre, presque de manière sacerdotale, comme le titre, Requiem, le laisse entendre. Ces moments de rencontre et de communion entre l'artiste et son peuple illuminent l'art d'un éclat qu'aucune tyrannie ne peut éteindre.
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Dans une langue cristalline, Anna Akhmatova nous parle de la Mort aveugle omniprésente dans une société où les dirigeants ont perdu leur humanité.
Cette plume magnifique et limpide transperce le lecteur comme le ferait la glace. de ces mots simples s'échappent la détresse et la douleur qui étreignent tant qu'elles étouffent, mais aussi l'effondrement et l'incompréhension de vivre dans un système absurde qui fauche les êtres aimés dans le seul but d'étendre les ténèbres, sous le regard impassible des étoiles... Et malgré tout, la Néva, comme le sang, continue de couler....

Finalement, l'amour de ces innocents emprisonnés, torturés ou morts et le courage face à l'adversité et la volonté de résistance : c'est ce qu'il reste d'humain dans ce monde étrange.

Magnifique et bouleversant recueil dont les vers décrivent le régime totalitaire des années 1930 , années les plus "dures" du communisme russe.
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