Que serait un monde dominé par les femmes ? Voilà l'idée de départ du roman de
Naomi Alderman, recommandé par Barak
Obama parmi les meilleurs livres de 2017 et adoubé par
Margaret Atwood, l'auteure de « The handmaid's tale /
La servante écarlate ». Un pitch et deux recommandations qui ont piqué ma curiosité et qui faisaient que j'attendais beaucoup de ce livre.
L'entrée en matière est intrigante : des échanges épistolaires entre un écrivain et son éditrice, une référence à des trouvailles archéologiques de plus de 5.000 ans, un extrait d'un texte religieux écrit comme la Bible, et la volonté de l'écrivain de passer par le roman pour raconter un pan de l'Histoire, un passé incertain, une époque trouble, d'avant le Cataclysme. Dix années entre l'apparition d'un phénomène qui ne touche que les femmes et va leur permettre de prendre
le pouvoir sur les hommes, et la réalisation d'un évènement qui va anéantir une civilisation.
Le roman suit le parcours de 4 personnages principaux : 3 femmes et un homme. Il y a Allie, l'américaine, adolescente abandonnée par sa mère naturelle et abusée par sa famille d'accueil, devenue Mère Eve, grande papesse d'une nouvelle religion où Marie prend la place de Jésus, où la mère prend le pas sur le fils. Il y a Roxie la Londonienne, fille de mafieux, nouvelle maîtresse du trafic d'une nouvelle drogue et reine de la corruption. Il y a Margot la politicienne américaine ambitieuse. Et il y a Tunde, journaliste qui va parcourir le monde pendant ces dix ans, traquant les effets du pouvoir sur la société.
La première surprise est que ce « pouvoir » est un phénomène physique : les femmes découvrent qu'elles ont en elles un phénomène électrique qu'elles peuvent contrôler, maîtriser, utiliser à leur guise. Grâce à ce pouvoir elles vont prendre le dessus sur les hommes.
Dans cette nouvelle société Allie/Eve représente
le pouvoir de la religion, Margot
le pouvoir politique, Roxie
le pouvoir économique. Première déception : les femmes ne doivent pas leur domination à leur intelligence mais à un phénomène physiologique. Et que font les femmes dès qu'elles ont
le pouvoir ? la même chose que les hommes, peut-être en pire. Tout y passe : la manipulation (notamment par le biais de la religion), le mensonge ou le meurtre pour arriver au plus haut de l'échelon, la corruption, la drogue, le sexe, les trafics en tous genres, la vengeance sur les hommes, la violence gratuite et la guerre bien sûr.
Si le but de
Naomi Alderman est de faire une critique du pouvoir en en démontrant les abus, alors c'est réussi. Mais ce n'est qu'un livre de plus sur le sujet. Ce roman est aussi présenté comme « féministe ». S'il s'agit de le lire au 2ème ou 50ème degré alors je suis totalement passée à côté de l'humour caché. Certaines situations infligées aux hommes pourraient prêter à sourire si elles n'étaient pas le triste strict reflet de ce que vivent tant de femmes dans le monde.
Alors que faut-il comprendre ? Que les femmes ne sont pas mieux que les hommes ? Que les féministes se leurrent en pensant que la fin du patriarcat rendrait le monde meilleur ? Que le totalitarisme et l'extrémisme sont un danger pour l'humanité ? Soit, tout cela on le sait déjà (encore que toutes les femmes ne sont pas Mme
Thatcher comme le chantait Renaud). Cette vision des femmes, même si c'était de la provocation de la part de l'auteure ou une tentative de démonstration par l'absurde, est d'un pessimisme extrême vis-à-vis de l'humanité. A aucun moment je n'ai ressenti de compassion ou d'empathie pour les personnages excessifs et au profil psychologique pas toujours très poussé.
Oui ce livre est choquant, dérangeant (peut-être une des raisons qui font que je n'ai pas apprécié). Mais pour moi c'est surtout une grande déception. L'histoire est pauvre en termes de créativité, il y a des longueurs, des redondances. le pire n'est peut-être pas les comportements décrits mais le fait que
L Histoire ne nous apprend rien parce qu'elle est écrite par les vainqueurs. le récit est de fait toujours biaisé. Mais ça aussi on le sait depuis toujours.
Bref, je crains d'être passée totalement à côté du message de l'auteure qui a su par ailleurs séduire beaucoup de monde. Première déception de l'année.