C'est la suite de
Menahem-Mendl le reveur. Je me coule dans mon fauteuil et un sourire pointe avant meme d'ouvrir le livre. Allez Sholem, enchante-moi, que je me bidonne avec ta prose!
La suite des lettres qu'echangent Menahem-Mendl et sa femme Sheine-Sheindl. Une suite livree chapitre par chapitre et publiee en feuilleton par un journal yiddish de Vienne. L'initiative venait du directeur du journal, qui demandait que les lettres commentent l'actualite.
Sholem Aleikhem avait accepte de bonne grace et livre des lettres pendant presque une annee jusqu'a ce qu'il soit censure suite a l'affaire Beilis (un proces de meurtre rituel a Kiev. En 1913!) et ses livraisons s'arretent. Cette suite ne sera publiee en livre qu'en 1976, soixante ans apres la mort de l'auteur.
Bon, passons a l'essentiel. Vas-y Sholem, egaie-moi!
Les sujets traites sont completement differents de ceux du premier livre. Menahem-Mendl reste le meme schlemiel ridicule qui entreprend sans arret des affaires qui doivent lui procurer fortune et, ici, surtout notoriete, et s'averent plus foireuses les unes que les autres.
Sholem Aleikhem l'envoie en Amerique ou notre heros s'apercoit qu'il faut travailler dur pour reussir. Ce n'est a l'evidence pas dans ses cordes et il revient en Europe, ou l'attend, miracle, un emploi de journaliste dans un quotidien yiddish. Il commentera la crise des Balkans, les deboires de l'empire Ottoman, et ebauchera un plan pour une paix mondiale durable dont il veut interesser les grandes puissances, puis un projet de colonisation de la Palestine qu'il se propose de presenter au congres sioniste de Vienne ou l'a envoye sa direction, mais il n'arrive pas a monter au podium. de la il partira a Kiev couvrir le proces Beilis mais il ne reussira meme pas a entrer dans la ville.
Tout cela sera raconte a sa chere Scheine-Scheindl, qui en reponse lui racontera les petits problemes de Kasrilevke et des environs: boycottage de commercant juifs, exil force de bourgades entieres, misere des immigrants clandestins, proies désignées des passeurs, pogroms, etc. Et qui est ce Beilis dont on parle tant?
Je me tortillonne, me tournicote dans mon fauteuil, et quoi, je ricane? Ah! Sholem! Sholem! Tu m'entortilles avec tes clownneries!
Bon. du calme. J'ai fini le livre. Maintenant je veux courir, avant que mon sourire ne s'efface, le raconter aux copains babeliotes. Qu'est-ce que je vais raconter? Que
Sholem Aleikhem s'est exprime sur la betise, sur la vanite de la societe, comme il l'avait fait dans son premier livre avec Menahem-Mendl, mais qu'ici il a insiste surtout sur le malheur du monde et pas seulement sur le malheur juif: le malheur des emigrants de tout poil, le malheur des ouvriers americains surexploites, le malheur des serbes et des bulgares qui s'entretuent, l'abrutissement des diplomates qui courent a la guerre. Et j'en passe.
Et moi j'ai souri en le lisant. J'ai ri? Je ne sais plus. Mais si. J'ai surement ri, au comique qui noie toutes les actions, a l'humour en lisere de chaque tirade. Comment ai-je pu rire? C'est la magie
Sholem Aleikhem. Il est passe maitre dans l'art de badigeonner les situations les plus tragiques d'un onguent grotesque, absurde et farceur et de faire passer de tres serieux messages par le rire. Alors oui, moi aussi j'ai surement ri. Que voulez-vous, je ne suis pas de pierre… et puis le rapport que fait ledit Mendl de ces malheurs est, pardonnez-moi, tellement cocasse…