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EAN : 9789739433631
350 pages
Paralela 45 (31/12/1999)
4/5   1 notes
Résumé :
« La modernité en quête d’elle-même » est le titre de l’essai final, mais il pourrait être, et en un sens il l’est, celui du livre tout entier. La modernité roumaine, ainsi que celle d’autres cultures européennes à l’Est n’est pas une modernité reconnue à l’Ouest. Elle est plutôt un objet à construire qu’un objet évident. Cette modernité du désir contredit parfois son absence de fait et c’est souvent à la dénégation, de la part de ses adversaires, qu’elle peut (et d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Rien que l'index de fin (rédigé par Ramona Lapoviță et Mana Crăciun) vaut le détour. Il est succinct, mais très bien conçu.
L'auteur est (ou était) professeur à l'université d'Amsterdam, depuis 1969 et chercheur en histoire littéraire. Cela se ressent dans le style profondément académique, mais encore accessible je trouve.
Les 13 articles, très fouillés, ont été écrits directement en français à des années distance. le point commun étant néanmoins le modernisme dans l'Histoire de dans la culture roumaine, à partir du XIXe siècle.

À noter au passage que le directeur d'édition de l'ouvrage est Gheorghe Crăciun, un autre fin philologue.

D'une grande culture et d'une fine érudition, l'auteur nous promène, en nous perdant parfois, dans les méandres de cette « roumanité » culturelle pas toujours très bien assumée et marquée, indéniablement, par un demi-siècle de censure communiste. Des références culturelles à profusions, des considérations critiques souvent intéressantes, et des mises en contextes historiques fabuleuses.

Je déplore, quant à moi, la trop grande place occupée par des auteurs binationaux (ou apatrides) bien qu'ayant écrit en roumain, comme Emil Cioran, Eugène Ionesco ou Mircea Eliade. Cela trahit, me semble-t-il, une tendance générale des intellectuels roumains à trop se prévaloir de ces auteurs qui ont eux-mêmes contesté, de manière plus ou moins virulente, leur appartenance à la culture roumaine.

Qu'à cela ne tienne, un livre très précieux pour moi dont les 13 parties sont :
1) La modernité à l'Est : Les Roumains
2) le paradoxe roumain
3) « Junimea » : discours politique et discours culturel
4) Populisme et bourgeoisie : la Roumanie du début du siècle
5) le roman entre les deux guerres mondiales : une mise en question des canons
6) Une culture de l'interstice : la littérature roumaine d'après-guerre
7) Eliade et Cioran, une dialectique du fantastique
8) Vers une discussion philosophique de l'oeuvre de Mircea Eliade
9) Cioran ou les lendemains de la révolution
10) D'une mouvance textuelle bien tempérée à l'exil : réflexions sur un roman de Dumitru Tsepeneag (Les Noces nécessaires)
11) Post-modernisme et politique : l'écho et la résonance
12) Une nouvelle poésie roumaine en Moldavie

Une lecture à petites doses, qui convoque souvent (un peu trop à mon goût) la philosophie de la culture et qui insiste un peu trop, me semble-t-il, sur le clivage est-ouest.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Et le lecteur ? Il a, en apparence, la vie facile : il achète les bons livres et ignore les autres. En fait son rôle est beaucoup plus important. Toute la stratégie que l’écrivain emploie pour écrire son livre, et le censeur pour le contrôler repose sur la complicité du lecteur ; aucun régime, sauf le parfait stalinisme des années « 50, ne peut s’en passer. En deuxième lieu, le lecteur agit directement sur la littérature en tant que critique littéraire. Il faudrait écrire un grand chapitre — je ne peux ici que l’esquisser — sur le rôle très important qu’a joué la critique littéraire en Roumanie en freinant à grands coups de bride par son esthétisme militant — le galop du censeur. La qualité esthétique des livres, réelle ou amplifiée par la complicité, a été tout le temps défendue comme étant constitutive de la littérature, mais en fait la critique traduisait maintes fois en code esthétique ce qu’elle ne pouvait formuler en code politique.
L’esthétisme a sauvé la littérature, tout en dépolitisant la culture et la société roumaine, et en « mandarinisant » ses écrivains qui ont obtenu le droit de se retirer pour écrire dans leur ghetto — l’île des bienheureux — où ils traduisent en fiction les luttes qu’ils ne peuvent pas, ou qu’ils n’osent pas, porter, là-bas sur la terre ferme où l’on se meurt du désespoir d’être trahi par les élites et oublié par les dieux.
Le lecteur est important, en troisième lieu, comme représentant d’un espace de liberté irréductible : la vie privée. On peut obliger le citoyen à applaudir ses maîtres mais non pas à jouir des livres qui leur déplaisent. La lecture reste un fait privé. D’où l’immense effort du stalinisme dans les années cinquante aussi bien que du néo-stalinisme actuel à réduire l’espace privé de l’individu et même à l’intégrer dans sa vie publique. Les mesures les plus aberrantes des autorités roumaines pendant les années quatre-vingt semblent obéir à une telle logique : le contrôle du nombre des enfants d’une famille : la socialisation du sexe ; la réduction à trois heures par jour du programme de télévision dédié presque intégralement au Grand Maître : la socialisation de l’amusement ; les moyens immenses accordés au festival propagandistique « Le Chant de la Roumanie » aux dépens des tirages d’œuvres littéraires de valeur : la socialisation de la consommation de l’art etc. Face à cette offensive de l’État contre la société, celle-ci peut concevoir deux stratégies de défense : soit elle met sur pied sa propre organisation, en marge et contre les mécanismes étatiques, soit elle privatise la plupart des activités. Face à un immense appareil de répression, la société roumaine s’est trouvée dans l’impossibilité de s’organiser en tant que société civile. Elle a dû choisir, pour son grand malheur, la deuxième stratégie : la privatisation. Pas de solidarité syndicale, mais de l’entraide au sein de la famille et des amis, aucune gaieté dans les rues, mais la fête et l’hospitalité à la maison, pas d’action de protestation, mais le retrait dans l’allusion et l’humour, dans l’érotisme et dans la consommation et la production de culture. La privatisation de la lecture — la chasse aux livres nouveaux, la lecture passionnée des livres empruntés correspond à la mandarinisation de l’écriture qui absorbe rapidement les techniques occidentales, l’érudition et l’étendue des connaissances ; les deux vont dans le sens d’une restriction de la vie sociale.

(pp. 144-145, « Une culture de l’interstice : la littérature roumaine d’après-guerre », article publié dans « Les Temps modernes », Paris, n° 522, janvier 1990)
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