Une douleur de l'âme de
Marius Alliod est l'exploration passionnée d'une blessure psychologique traumatique de l'adolescence, qui hante encore l'auteur des années plus tard. C'est aussi le témoignage d'une époque précise, la décennie des années 50-60, de l'immédiat après-guerre jusqu'à mai 68. C'est encore la description d'une société, tant séculière que laïque, restée autoritaire et hiérarchisée jusqu'au mouvement de révolte étudiante de mai 68. Et surtout, c'est l'effort farouche d'un être blessé dans son âme à retrouver le sens de sa vie.
J'ai été ravie de recevoir ce livre. le sujet déjà m'attirait : mon propre souvenir des années 60, mon métier d'accompagnement auprès des étudiants et des adultes en reconversion professionnelle et, dans l'exercice de ce métier, ma rencontre improbable avec un prêtre défroqué qui avait renoncé à ses voeux pour se marier. Il avait un grand besoin d'écoute et de soutien, pour trouver un travail et retrouver ses marques dans la société civile. Il avait été peu aidé dans sa démarche par ses pairs, et en gardait une certaine souffrance.
Une douleur de l'âme s'ouvre sur l'avant-propos écrit par l'auteur, suivi par la préface de
Patrick Laupin. Il est intéressant de lire ces deux textes pour mieux prendre en compte le contexte des années d'avant
Vatican II, le concile achevé en 1965 qui bouleversera l'Église, sans pour autant avoir pu réaliser son souhait d'ouverture complète au monde moderne. En 1954,
Marius Alliod reçoit sans ménagement l'interdiction de renouveler ses voeux et est exclu de la congrégation La Société de Marie où il a passé cinq années d'études et fait ses premiers voeux.
Cinquante ans après, il entreprend d'écrire trente lettres fictives à celui qu'il nomme son père. Des lettres bouleversantes, passionnantes, d'une qualité d'écriture exceptionnelle. Je ne dis pas qu'elles sont faciles à lire : j'ai souvent ouvert le dictionnaire pour préciser un terme, une action, un titre. Mais leur notation permet de garder le fil de l'histoire et si on le perd, il est aisé de le retrouver ! de plus, la table des matières est très bien faite.
Trente lettres pour comprendre un univers inconnu. Trente lettres qui se côtoient, se répondent, sondent les coeurs, disent les actes injustes, bercent les douleurs indicibles. Trente lettres pour accompagner un chagrin immense, trente lettres qui vont et viennent comme le ressac des vagues sur la grève. Trente lettres où peu à peu se dessine un destin plus heureux pour un être qui s'approprie ce qu'il a subi, un être qui comprend et reprend confiance en lui. Un apaisement enfin.
Je remercie Babelio (masse critique privilégiée) pour cette découverte et les éditions La rumeur libre pour l'envoi de ce très beau livre.