La lune d'Omaha, est un roman écrit en 1964 qu'il faut se garder de lire avec nos yeux et nos émotions du XXIème siècle.
L'oeuvre, n'ayons pas peur des mots, d'Amila, est une fresque réaliste et crédible des travers de la société française des années soixante.
De Gaulle a tant bien que mal « réconciliés » les résistants et les collabos, dans une France fracturée par la guerre. le pays cherche sa sérénité dans un essor économique qui a du mal à s'élever contrairement à ce qui se passe ailleurs en Europe, notamment en Allemagne.
Le général lui-même affirmait « Il me semble, cependant, qu'un souffle de redressement, quoiqu'extrêmement timide et léger, commence à rider parfois l'eau dormante qu'est notre pays »…C'est dire !
Amila situe ses polars dans ce contexte particulier avec la verve, la hargne et le talent qui le caractérise, chacun d'eux éclaire l'un des travers de cette France des années 1960.
Dans
la lune d'Omaha, le récit se situe à la fois en 1944, le
D-Day, et 20 ans après.
Pour les soldats US venus le 6 juin reprendre le pays à l'occupant nazi, la guerre n'a pas été une partie de plaisir. Chair à canons, ils ont scrupuleusement suivi la stratégie de leurs chefs :
« …foutez des hommes dans un merdier, ils se débrouilleront bien pour en sortir ! »
Reilly et Hutchins étaient parmi les braves. Ils s'en sont sortis. Mais à quel prix ?
Lorsqu'ils se retrouvent sur le terrain du cimetière d'Omaha dont Reilly est l'un des gardiens ce n'est pas sans surprises. Mais je ne vous en dit pas plus…
Le récit est construit sur deux thèmes favoris de
Jean Amila :
L'absurdité de la guerre qui ne se soucie guère des soldats : « (…) les guignols super galonnés qui avaient préparé ce joli plan d'attaque (…) encore à Londres, pour ne pas trop exposer les cerveaux au feu de l'ennemi », et met leur sacrifice en avant pour mieux célébrer sa soif perpétuelle de sang. le cimetière objet de toutes les attentions en est la preuve.
Les relations homme femme : les héros ne seraient rien sans leurs épouses. Dans le récit, quatre couples se disputent les rôles.
Le sergent Steve Reilly ne sait plus entretenir la flamme amoureuse de sa jeune épouse Claudine Deshayes, «Vingt ans de moins que lui, fille d'un horticulteur de Bayeux. ».
Son supérieur le capitaine Mason « pantalon tergal et chemise fantaisie très bariolée » est marié à Norah « Une fille de haute éducation (…) grande un peu voutée, fagotée à l'artiste.», lui est amateur de Guy de
Maupassant.
Antoinette est mariée à Fernand Delouis le fils d'Amédée le fournisseur officiel de fumier du cimetière, ils entendent bien prendre la succession du père après son décès.
Janine et Georges Delouis apparaissent le jour des funérailles d'Amédée dont Georges serait un fils naturel caché…
Le territoire du cimetière placé sous autorité américaine est l'objet de toutes les convoitises de la part des autochtones. Marchés juteux de fumier pour améliorer le gazon, trafics de toutes sortes avec la complicité passive de l'administration. Rentes de situation que les américains attribuent à leur gré.
Le décès du père Amédée et l'apparition de Georges vont gripper cette mécanique bien huilée. de la confrontation des quatre couples, jaillira un secret qu'il est de l'intérêt de tous de cacher.
Une fois de plus,
Jean Amila nous mène aux confins des relations sociales, là où l'individu fait primer son intérêt privé au détriment de l'intérêt général et des valeurs morales.
Encore un grand Amila.