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Stéfanie Delestré (Préfacier, etc.)Hervé Delouche (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070789733
304 pages
Joëlle Losfeld (16/02/2006)
4.45/5   21 notes
Résumé :
Dans la veine de son roman Les coups, Jean Meckert décrit dans L'homme au marteau le quotidien répétitif et étouffant d'un employé du Trésor public, Augustin Marcadet, que ne distrait pas une morne vie de famille. On est en juillet, seules varient les étapes du Tour de France. Dans un sursaut, Augustin Marcadet insulte son chef et claque la porte. Il va tenter de fuir sa condition et de se laisser aller à un éclair de passion amoureuse. Mais l'échappée est éphémère.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Métro, boulot, dodo

Personne mieux que Jean Meckert n'a si bien raconté l'aliénation du travailleur ! D'emblée, les pas d'Augustin Mercadet nous mènent dans les couloirs du métro parisien, bondé du « bon bétail domestiqué » que sont les ronds-de-cuir et les gratte-papier.

Après la cavalcade, la journée de travail commence dans les sinistres bureaux de l'administration exiguë, poussiéreuse et vétuste. Augustin, en charge de trier le courrier, s'étouffe dans les querelles, les ragots, les bassesses quotidiennes. Soumis, gorgés d'obséquiosité et dépourvus de fierté, les salariés invectivent les supérieurs tout en s'empressant de ramper à leur passage. L'humiliation que l'inspecteur en chef leur fait subir n'a d'égale que la lâcheté de ses sous-fifres qui se jurent de lui dire ses quatre vérités, un de ces jours… Méticuleux par nécessité, car sa tâche n'exige pas huit heures d'activité par jour, Augustin voit les heures s'égrener avec une impitoyable lenteur.

Cet homme est marteau parce qu'il est devenu fou, parce qu'il est le seul à ne pas accepter sa condition médiocre et son « asphyxie morale ». L'homme, au sens large, est marteau parce qu'il répète les mêmes gestes… Jusqu'où peut-il se rabaisser, et ravaler sa dignité ?

Le grand Jean Meckert, clairvoyant, lucide, n'a pas écrit un roman moderne : c'est la société capitaliste qui n'a pas changé. En apparence, les conditions de travail se sont améliorées. Les salariés travaillent moins d'heures hebdomadaires et ont davantage de congés, mais les détenteurs de l'économie veillent au maintien du vivier de femmes et de hommes prêts à tout pour le travail : la précarité, la concurrence, les objectifs de rendement… Et les salariés acceptent, parce qu'on leur a bien montré qui étaient les plus forts.

C'est une lecture rentrée, une lecture du dedans. Dit-on que la lecture fait voyager ? Ici c'est tout l'inverse. À travers Augustin on s'introspective : « Et moi, est-ce que cette vie me guette ? » Mais on ne juge pas sa vie médiocre. Jean Meckert sait cerner et éveiller en nous le malaise de notre société capitaliste...

Lire l'intégralité de ma critique avec citations sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/l-homme-au-marteau-jean-meckert-a80136608
Lien : http://www.bibliolingus.fr/l..
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Augustin Marcadet, trente ans, travaille au Trésor public, à Paris. Nous sommes à la fin des années 30, temps de crise. C'est un employé de bureau comme il en existe tant d'autres, luttant pour nourrir sa famille (Emilienne, sa femme, et Monique, sa fille) et, comme on dit, échapper un jour à sa condition. Comme si cela ne suffisait pas, Augustin est aux prises avec son chef, un homme irascible qui fait régner la terreur sur ses subordonnés. En proie à cette morne existence, englué dans la quotidienne répétition des mêmes gestes sans joie, perdant sa vie à la gagner, Augustin végète et en a conscience. Il aspire à autre chose, à la vraie vie, sans savoir exactement comment y parvenir. Un jour, son chef dépasse les bornes. Augustin se rebiffe violemment. Il est alors persuadé d'être viré mais n'en a cure. Bien au contraire, il se sent revivre. le chômage ne lui fait pas peur, il sait que ça ne durera pas, il est à l'aube d'une vie nouvelle …
La scène d'ouverture est extraordinaire de réalisme et trouve un écho en quiconque, comme les auteurs de ce blog et des millions d'autres personnes, doit subir le train-train (c'est le cas de le dire) quotidien de la vie du salarié lambda : Augustin prend le métro en rentrant du bureau, avec le reste du troupeau, et…mais quelques citations en diront plus qu'un long discours : « Chaque soir, répétition. Cabas d'une main, journal de l'autre. Eternité maussade dans les trépidations. Ça durait depuis toujours. C'était la vie, la vie de tous les jours, ce supplice chinois, un effet de cloche qui sonne, régulière, éternelle » ; « Augustin faisait semblant. Semblant de vivre » ; « Il marchait, la tête un peu penchée, quelconque et mou , un peu flottant. Autour de lui aussi, on était mou et quelconque » ; « Il avait trente ans. Il était un vieux, un petit vieux de trente ans. Il était lucide et intelligent. Il avait le cafard »… Je m'arrête, mais je pourrais continuer encore longtemps.
Le style est simple et direct. Il va droit au coeur et aux tripes. Peut-être parce que Jean Meckert sait de quoi il parle : il a été employé à la mairie du vingtième arrondissement. Il décrit parfaitement la vie de bureau avec ses rivalités, son hypocrisie, ses mesquineries, les collègues qu'on doit supporter à longueur de journée, les humiliations qu'infligent les petits chefs. Pas de solidarité ici, la solution pour Augustin ne peut être qu'individuelle. Au moins s'il pouvait compter sur le soutien de sa femme.
Les relations d'Augustin avec Emilienne sont également au coeur du roman et, en ce qui me concerne, un de ses aspects les plus émouvants. L'incompréhension règne au sein du ménage, usé par huit années de cohabitation. Augustin confie ses peines, ses frustrations à Emilienne. Elle l'écoute, mais il sent qu'elle ne l'entend pas. Elle voudrait qu'il se résigne, pour elle, pour la petite. Elle en appelle à ses responsabilités. Il finira par lui dire qu'il a envoyé valdinguer son travail. Elle ne l'entend pas de cette oreille, creusant toujours plus le fossé entre eux. Mais, dans sa quête quotidienne d'un nouveau travail, Augustin rencontre Odette, une jeune chômeuse. Ils se revoient. Augustin, là encore, se sent renaître…
« L'homme au marteau » est un roman noir, réaliste, poignant. Désespérant. La littérature doit-elle être pure évasion du quotidien, ou bien son évocation fidèle ? Elle peut être l'une ou l'autre. Peu importe. L'essentiel est qu'elle nous touche. Ce livre y a largement réussi. Ce livre est un chef-d'oeuvre.

Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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Il faudra bien un jour que l'on sorte de l'oubli Jean Amila qui est en ce qui me concerne un des maîtres du roman noir et social en France.
Dans "L'homme au marteau" il nous dépeint la vie pépère d'un petit employé qui après de longues années d'humiliation par de petits chefs craque et rompt les amarres.
Suivrant un longue et lente déchéance qui lui fera prendre conscience de l'absurdité de sa situation . La description de la vie des employés et surtout leur bassesse pour complaire à leur supérieur est savoureuse . Écrit en 1943 ce roman est encore de nos jours d'actualité tant nos vies ont peu changé si ce n'est la frénésie de consommation en plus .
Jean Amila à lire plus que jamais.
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Un livre effrayant de justesse !
Augustin se sent à l'étroit dans sa vie quotidienne de petit employé administratif et nous, on se sent enfermé avec lui. On ressent tellement son angoisse, on étouffe avec lui.
Ce livre m'a été conseillé par une amie et c'est pour moi un grande découverte, une véritable claque !
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
La radio sortait maintenant son écran sonore, avec des tangos argentins. "Cré-pi-tol ! disait une voix de basse bien scandée… Le remède souverain contre la constipation !"…
Augustin ne réagissait même plus contre cet envahissement. Il subissait les savons en paillettes, les gouttes arthritiques, les meubles Dubondois, les facéties, les idioties, les rengaines… Il attendait que ça cesse, avec une longue habitude. Nébuleux, pour ne pas sombrer, il écoutait la musique. À la fenêtre, c’était la grande cacophonie. Toutes les radios voisines donnaient aussi, à plein rendement, avec programme au choix. Pour éviter la crise de nerfs il fallait ne rien suivre, ne rien penser, avec la sérénité du moine qui prend son bain de pied. Il fallait attendre que ça finisse, comme un fléau de la nature.
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Ne plus penser ! Tomber dans l'automatisme vaguement rigolard, comme les copains de Levallois, ce matin, c’était bien la meilleure solution ! Pourquoi se monter des imaginations supplémentaires ?... Ne pas croire que ça allait être cette place-ci, ou pour aujourd’hui même… Ne pas se créer des désillusions six fois par jour… Se présenter, consciencieusement, voilà !... Comme on va à la selle… Sans émotion aucune… Avec une parfaite égalité d’âme.
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Mais Augustin restait froid comme la rampe de l’escalier. Il avait regardé autour de lui, il avait enregistré un peu, il avait tout de suite compris que c’était un truc à discipline, cette grande boîte, avec super-chefs et intra-chefs, mouchards officiels et mouchards subreptices, bons sourires ostensibles et coups de pied sous la table. Il en avait pris la nausée avant seulement d’avoir vu la tête du premier collègue. Ça lui flanquait un immonde dégoût, cette grande boîte avec laquelle il allait se marier pour le restant de ses jours.
Tous les jours !
Tous les jours, bon Dieu !
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Il lisait rapidement, sautant des mots et des phrases, si bien qu'il n'avait plus qu'un vague rideau gris, plus aucune souvenance exacte de ce qu'il enfournait. Ça lui suffisait. Lire ou faire des mots-croisés n'était jamais qu'un moyen de tuer le temps.
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Ah! la petite gazette du bureau ! Les petites phrases pour remplir le puits du temps qui passe! jour après jour, les petites quotidienneté sans fond, les petites banalités polies, entre collègues ! ...C'est vraiment trop terne, la vie. Vraiment trop vide! Il se demandait s'il ne devenait pas neurasthénique. Si ça n'était pas symptomatique, tous ces dégoûts qui venaient l'assaillir. Il se posait la question primordiale de savoir s'il devenait lucide ou malade..(p.119)
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