L’égoïsme et l’indifférence, l’éloignement progressif du couple jusqu’à l’existence parallèle où chacun poursuit sa route, sans jamais croiser celle de l’autre. Les repas silencieux, les opinions contraires, la robe neuve que l’on ne voit pas, la coiffure qui fait faire la moue, le nouveau chapeau qui provoque le rire… Détails, rien que petits détails, semblables à ces gouttes éternelles qui creusent un roc, font s’écrouler les montagnes.
Furtivement, dans le miroir, elle avait vu pousser des cheveux blancs, s’abaisser les coins de sa bouche, se ternir l’éclat de ses yeux. En un rien de temps, elle était devenue une vieille femme sans ressort, bloquée dans ses remords comme un rat dans son trou et réalisant avec stupeur que rien dans son apparence ne laissait soupçonner le néant qui l’habitait.
Il avait le génie de l’organisation, de la classification, du numérotage, était un maniaque du tri, du tamisage, de la sélection microscopique… Les enquêtes devenaient pour lui un problème de mots croisés dont il tenait à remplir toutes les cases méthodiquement et en commençant par le un horizontal.
Tous les hommes lui racontaient toujours les mêmes salades, parlaient de voitures, de virées à la cambrousse, de parties dans l’herbe, mais aucun ne lui proposait jamais le mariage… Heureusement qu’elle savait se débrouiller et que, chaque fois, c’était elle qui les possédait !
On tue toujours pour quelque chose, dans un but parfaitement déterminé. Celui qui a poignardé le libraire savait exactement ce qu’il faisait, avait préparé son coup avec beaucoup de soin. L’heure du crime était également celle du journal télévisé que suivent tous les hommes.