Christine
Je viens de terminer votre livre lu d'une traite.
C'est admirable de courage et d'introspection.
Ça dû être très difficile de replonger dans ce passé honni et poisseux.
Votre mémoire traumatique justement vous a sans doute refait vivre tout "ça".
Beaucoup de choses à dire.
Tout d'abord, cette rencontre avec votre père, qui doit vous reconnaître, ne l'ayant pas fait à votre naissance. Vous portiez le nom de votre mère, ce géniteur ayant quitté votre mère avant votre naissance. Ce nom "Angot" vient du père, Pierre Angot, grand traducteur, brillant intellectuel.
C'est à cette période que commencent les attouchements, les fellations, les caresses et tout le reste. Comme si, de par sa reconnaissance à votre égard vous deviez le "remercier"pour ce nom qu'il vous donnait, qu'il vous offrait.
L'addition était salée.
C'est en "Angot" que le crime débutera.
À partir de là, vous avez clivé, coupée en deux, le corps est présent, sans aucun doute, mais la pensée s'envole, s'efface, se mutile pour que le trauma soit moins atroce, le réel moins coupant, moins mortifère. Car c'est une sorte de mort que vous avez vécu.
Le jour où votre mère a été informée des viols, elle fait la nuit suivante une infection des trompes, une salpingite. Quand les mots sont absents, le corps parle.
Quelle lucidité et quel courage ! Ce père qui a tous les droits puisqu'il est le "père", tel un Pharaon de l'Égypte ancienne, vous nie, vous salit et vous vampirise sans l'ombre d'un remord. Pourtant
l'inceste est un déni du rôle sexuel paternel puis que c'est un des premier interdit de la Loi. Il minimise, il appauvrit ses actes, et par là, minimise
l'inceste.
Pourquoi le revoir ? Parce que vous l'aimiez, vous l'admiriez et surtout vous insistiez pour avoir des relations normales entre père et fille.
Vous étiez morte à l'intérieur, mais vous surveilliez tout, d'une vigilance extrême, tout le temps. Votre capacité d'analyse très jeune vous honore.
Bien sûr, la culpabilité est présente, tout le temps.
Quand vous avez décidé des années après, de porter plainte, l'inspecteur vous dira qu'il y un risque de non-lieu, et cela vous mettra dans une colère noire ; comment ça un non-lieu ? Comme si rien ne s'était passé, comme si cela n'avait jamais existé. Insupportable. Et votre père qui finit Alzheimer, quel pied de nez....
Je voulais vous écrire pour vous faire part de mon admiration pour votre courage, votre lucidité et pour l'écriture de ce livre que j'ai adoré.
J'avoue avoir commencé l'ouvrage mal à l'aise, limite angoissée, et puis c'est passé.
Très beau moment de lecture, abasourdie de souffrance pour vous, empathique à l'extrême.
Ce qui m'a choquée ce sont ces langues qui ne se délient point, ces bouches qui gardent le secret alors qu'elles savent, jusqu'à votre propre mari, Claude, qui entend même le lit grincer au-dessus de lui.
L'inceste, c'est l'Omerta. On n'en parle pas, c'est tabou, c'est comme ça.
Sauf pour
Christine Angot qui nous livre là son plus bel ouvrage, le plus réussi, le plus sincère, et le plus authentique.
Merci Christine pour cette lecture si éprouvante (et oui), mais si criante de vérité.
Angot, soit on la déteste, soit on l'adore.
Pour ma part, j'ai choisi.
Un très grand moment de lecture.