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EAN : 978B01F6R3N14
74 pages
Leopold Classic Library (05/05/2016)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Everyman est une pièce médiévale composée à la toute fin du XVème siècle (années 1490) par un auteur anonyme anglais. Elle fait partie du genre des Moralités et représente le chemin que doit parcourir un homme, représentant tous les hommes, pour retrouver le respect des valeurs chrétiennes avant de mourir.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Malgré mes réticences pour lire du théâtre médiéval, je me suis courageusement attelée à une Moralité : Everyman, sous-titré notamment dans l'édition de la Pléiade du Théâtre élisabéthain "L'Homme face à la Mort". Ah, mais qu'est-ce qu'une Moralité ? Apprenez, pour ceux qui ne sont pas encore au courant, que ce n'est ni un Mystère, ni une Passion, ni encore un Miracle, mais pas non plus un Jeu, une Farce ou une Sotie. Mais qu'est-ce donc là ? C'est une forme de théâtre qui n'est pas à proprement parler religieux, comme les trois premiers genres qui allaient chercher du côté des Écritures (on va mettre plein de majuscules partout aujourd'hui, c'est joli et original) ; ça ne faisait pas partie des spectacles commandés pour des fêtes liturgiques, pour être plus précise . Mais ça n'est pas non plus complètement du théâtre profane, comme les joyeuses Farces et Soties, parce que même si c'est parfois drôle (à condition d'avoir un sens de l'humour assez généreux), c'est fait pour dire aux gens qu'il faut vivre dans le respect de Dieu. Bon, en gros, c'est du théâtre didactique, qui entre dans l'ars moriendi, à savoir l'art de se préparer lors de sa vie à bien mourir. Les épisodes de peste, notamment, avaient provoqué cet élan pour l'ars moriendi, et on a de nombreux exemples d'oeuvres littéraires ou plastiques qui s'y rattachent, particulièrement aux XVème et XVIème siècles (Everyman datant très probablement des années 1490). Nous reparlerons des arts plastiques plus loin. Autre spécificité des Moralités : elles sont en très grande majorité allégoriques.


Ici, nous avons donc un Dieu courroucé estimant que les hommes ne vivent plus dans la foi et qui demande à Mort d'aller voir L'Homme pour lui signifier de se préparer... à mourir. Tous les personnages sont donc des allégories : L'Homme n'est pas un homme parmi d'autres mais représente l'humanité. Nous avons également Mort, évidemment, mais aussi Compagnie (pour les potes de beuverie), Parenté (la famille), Cousin (les amis proches), mais aussi Biens (pour les richesses), Bonnes-Oeuvres (à l'agonie), Conscience, Vigueur, Cinq-Sens et j'en passe. Il s'agira pour L'Homme, à la demande de Mort, d'effectuer un pèlerinage pour prendre le temps de "faire ses comptes" afin de bien se préparer à mourir. L'Homme est peu enclin à mourir, là, tout de suite, tente de négocier, voire d'acheter Mort, avec qui de tels procédés ne fonctionnent évidemment pas. L'Homme ira donc chercher quelqu'un qui voudra bien l'accompagner sur ce chemin difficile, le voyage le terrifiant (ah ben oui, il a pas commis grand-chose de bien dans sa vie, du coup son livre de comptes est pas joli-joli, mais bon, fallait y penser avant, hein).


Commencent les déconvenues avec l'accueil joyeux de Compagnie, puis de Parenté et Cousin, prêts à tout pour L'Homme en paroles, mais qui le lâchent aussitôt qu'ils apprennent pour quelle mission il est venu quémander leur aide. Il se tourne alors vers Biens, à qui il tient plus que tout (ce qui en dit long sur lui), et qui lui révèle ce qu'il n'avait jamais compris : la richesse, l'attachement excessif aux biens matériels de ce monde n'est que corruption, et quand L'homme sera mort, ses biens iront à des tas de types qui connaîtront la même corruption (c'est gai). Ca, c'est la partie comique - tout dépend de la façon dont on prend la chose ; disons que c'est écrit pour pouvoir être joué de façon comique, mais qu'au fond ça ne l'est pas tant que ça. Il ne reste donc à L'Homme qu'à se tourner alors vers Bonne-Oeuvres (c'est pas trop tôt !), sauf que Bonnes-Oeuvres est à moitié crevée par terre, ne pouvant même plus bouger. Heureusement, Conscience (avec d'autres) est là, et peu à peu L'Homme trouvera le chemin, dans le respect de Dieu et l'apaisement, vers la tombe.


Bon, je vais pas mentir, c'est ma première Moralité et ça n'est pas tout à fait le genre de trucs que j'ai envie de lire à tour de bras. Celle-ci n'est pas très longue (Dieu merci, il ne s'agit pas d'un de ces Mystères qui n'en finissent plus), donc on n'y passe pas des heures... sauf si on a tendance à somnoler à moitié de temps à autre, chose qui, oui, m'est arrivée, et a rendu ma lecture plus longue que prévue. C'est pas que j'ai baillé d'ennui à chaque page, mais enfin, j'ai pas non plus crié au génie après avoir fini la pièce. Elle n'est pas bien difficile à comprendre : L'Homme doit se détacher des biens de ce monde et même de ses attaches envers les autres pour pouvoir se préparer à sa fin et mourir dans la dignité et la foi. C'est d'une pédagogie carrément frontale, on peut difficilement échapper au message. On notera quand même en passant que L'Homme met pas mal de temps à se décider à donner ses richesses aux pauvres, et encore ne leur en donne-t-il que la moitié (l'autre moitié allant "à qui elle revient", donc je suppose qu'il s'agit de l'Église, censée en faire bon usage, ce qui reste encore à voir - pensons aux trafics de reliques, au Purgatoire et autres inventions destinées à enrichir le clergé, et qui n'aidaient pas beaucoup les plus démunis). Surtout, L'Homme me file la vilaine impression qu'il donne ses biens parce que bon, il a pas bien le choix et qu'il est grand temps... du coup, j'ai trouvé que c'était peu facile pour lui, malgré ses pleurnicheries, de trouver l'apaisement et de rétablir ses comptes, alors que c'est censé être un chemin de croix (ben oui, forcément). Cela dit, j'imagine qu'au Moyen-âge, on voyait ça d'un autre oeil que le mien et que le public était plus sensible que moi au tragique du pèlerinage de L'Homme.


Je ne vais pas discuter de l'intérêt en soi de la pièce, vu que je suis une nullité en théâtre médiéval et en Moralités (ainsi qu'en Mystères, Miracles, Jeux, etc.) Ce que j'y vois essentiellement, c'est l'influence d'une telle pièce sur Shakespeare (le dépouillement de Richard II, qui abandonne son royaume, les fanfreluches royales, etc.) ou sur Marlowe avec Faust. Mais comme je suis une passionnée d'arts plastiques, c'est encore plus à tous les memento mori qui fleurissent dans l'histoire de l'art que j'ai pensé en lisant la pièce : Transis dans l'Est de la France et l'Ouest de l'Allemagne aux XVème-XVIème siècles (dont l'exemple le plus connu en France est le Transi de René de Chalon par Ligier Richier), qui consistent en des sculptures représentant un défunt sous forme de squelette plus ou moins recouvert de peau, souvent avec des morceaux de peau en lambeaux, avec parfois des vers qui lui sortent des entrailles (comme c'est le cas pour la sculpture représentant Jeanne de Bourbon au Louvre), et assorti éventuellement d'un texte sur la mort qui surviendra et sur la pourriture de la chair. C'est tout le contraire des Gisants, qu'on voulait représenter comme s'ils étaient en vie. Everyman ou L'Homme face à la Mort se rattache donc à la même volonté de diffuser l'ars moriendi. Ce qui se retrouvera bien évidemment dans les memento mori du XVIIème néerlandais, avec leurs vanités sous formes de diverses natures mortes : fruits et légumes avec ou sans crâne et bouquets de fleurs avec pétales se fanant et mouches avertissant de la pourriture qui est à l'oeuvre.


Pour en terminer et révéler le fond de ma pensée, si je n'ai pas passé un mauvais moment avec Everyman, je préfère passer du temps devant un bon vieux Transi. Et puis c'est pas souvent que j'ai l'occasion de parler de Transis...
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Everyman est considérée comme une pièce classique en Grande-Bretagne, mais demeure assez méconnue en France. Elle date probablement de la fin du XVè, début du XVIè siècle. Il est vrai qu'elle n'est plus forcément d'un intérêt grandiose de nos jours mais, en tant que pierre à l'édifice de l'histoire littéraire mondiale, elle mérite sans doute qu'on s'y arrête un bref instant.

Il s'agit d'une moralité, c'est-à-dire une pièce de théâtre allégorique à fonction religieuse et philosophique dans le cadre de l'église catholique romaine, qui était encore, à l'époque, la religion officielle du royaume britannique (plus pour longtemps comme vous le savez).

Ce qui est probablement le plus intéressant dans cette pièce, c'est son traitement allégorique, à savoir que des idées abstraites puissent s'y incarner et s'exprimer au travers de personnages de théâtre. En ce sens, il y a probablement une influence de cette oeuvre sur d'autres oeuvres majeures du répertoire élisabéthain, parmi lesquelles on compte l'inévitable William Shakespeare.

La moralité raconte la grande tragédie de l'homme (et de toute espèce vivante d'ailleurs), c'est-à-dire, la rencontre qu'il devra faire avec la mort. Et qu'arrivé à ce stade de son existence, il ne sera plus question de compter ni sur sa parentèle, ni sur ses amis, ni sur ses richesses, encore moins sur ses attributs physiques (beauté, vigueur, etc.) mais qu'il devra bien seul et armé de sa seule conscience affronter le jugement dernier. Seules ses oeuvres charitables semées çà et là tout au long de son existence pourront lui servir d'avocat. Pour le reste, si son bilan n'est pas à l'équilibre, il n'aura qu'à s'en prendre qu'à lui même et ne plus compter sur rien ni personne.

En somme, un fond religieux très pesant (trop selon moi), un fond philosophique qui n'a rien de nouveau mais qu'il est sans doute toujours bon de garder à l'esprit quelque part dans un coin de son crâne. Pour le reste, cette toute petite pièce, sans être désagréable, est, je pense, très loin d'être un incontournable de nos jours. À vous de voir.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
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Vous tous qui êtes ici, écoutez-moi,
Prêtez une oreille respectueuse à ce récit
En forme de pièce morale.
Elle se nomme L'Homme face à la Mort,
Et, à propos de notre vie et de notre mort, elle montre
À quel point nous ne faisons tous ici que passer.
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L'HOMME : L'argent rend juste tout ce qui sonne faux.
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MORT : Que crois-tu donc ? Que ta vie t'a été donnée,
Tout comme les biens que tu possèdes ?
L'HOMME : Oui, je l'ai cru, en vérité.
MORT : Non, non, elle t'a seulement été prêtée,
Car, dès que tu seras parti,
Un autre l'aura quelque temps, avant de s'en aller,
Tout comme tu l'auras fait, toi.
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L'HOMME : Les belles paroles ne séduisent que les sots.
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