Ce livre est un étron.
Je pense que je pourrais tout à fait laisser ma critique ainsi, tout est dit. Mais je vais développer un peu, quand même.
Un auteur classique qui écrit un porno ? Pourquoi pas ?
Aucune raison de ne pas s'encanailler un peu. L'idée ne me surprend pas, et ne me choque pas. J'ai presque envie de dire que j'en ai vu d'autres, et
Apollinaire n'est pas le seul à s'être lancé dans le genre, anonymement ou non.
Donc, nous voila en compagnie de l'autoproclamé Prince Mony, fervent hédoniste, qui va nous dévoiler un parcours plutôt hors du commun. Et heureusement.
Il y a là un léger côté roman initiatique, dans la montée en puissance des délires sexuels de Mony. Léger, je précise, parce qu'au delà d'une aventure,
Les Onze Mille Verges ressemblent plutôt à un catalogue des pratiques sexuelles possibles et imaginables.
Alors, tout y passe. Homosexualité, sodomie, lesbianisme, triolisme, viol, candaulisme, pédophilie, gérontophilie, inceste, scatophilie, ondinisme, zoophilie, nécrophilie, meurtre, sadisme, violence, masochisme. Wikipedia offre une liste des paraphilies, et au fil du livre, on peut en cocher un certain nombre.
On trouvera donc également de la kleptophilie, excitation provoquée par le cambriolage, la biastophilie, générée par le viol, l'érotophonophilie, cette fois-ci par le meurtre, la lactophilie, avec le lait maternelle, l'olfactophilie, avec quelques bonnes odeurs de pets, et j'en oublie certainement un bon nombre.
Ah oui, le vampirisme, mais pas dans le sens "
Robert Pattinson va venir me faire un bisou dans le cou" mais plutôt dans le délire "je suis excité(e) par le sang"
Nous apprendre plein de jolis mots en -isme ou en -philie serait-il le seul but de cette histoire ?
Si on passe - difficilement - sur les passages de meurtre, viol, pédophilie et autres, essayons de nous pencher sur le style.
Et là aussi, on fait dans la scatophilie, mais littéraire cette fois. A force de voir des phrases avec des mots presque enfantins comme pipi, nénés etc., on finit par se demander si le livre n'a pas été écrit dans la jeunesse de l'auteur. Mais vraiment sa première jeunesse. Douze ans en gros. Peut-être même moins.
Ce livre est issu de l'imagination frétillante d'un ado pré-pubère qui nous livre une magnifique diarrhée sexuelle et verbale.
Alors non, je n'ai pas été choqué par la sexualité du récit, et ce n'est pas le genre qui motive ma violence envers ce livre.
Ce qui me choque le plus, c'est la comparaison avec les écrits du Marquis de
Sade, ou pire avec 50 Nuances de Grey.
Comment classer l'excrément d'
Apollinaire entre, d'un côté, un libertin philosophe qui pense, lui, à la fois à la liberté de son corps comme à celle de sa société (voir "La Philosophie dans la Boudoir", qui se situe à des millions d'années de ce "caca") et de l'autre, un "Harlequin" maquillé contant l'histoire d'un petit fils de riches qui s'ennuie et passe son temps en claquant les fesses d'une oie blanche ?
Malheureusement, voilà où nous en sommes. Avant, quand un roman était un peu "olé-olé", on citait de
Sade, généralement sans l'avoir lu. Aujourd'hui, on nous colle en plus le pudibond Grey.
A vous dégoûter de la littérature érotique/pornographique.
Quant aux Onze Mille Verges, autant le ranger aux toilettes, et s'essuyer les fesses avec. Ce qu'on y déposera ne sera pas différent de ce qu'on y trouve imprimé.