Elle l'aimait. Elle souffrait de l'aimer. Elle s'en voulait de l'aimer. Là était le danger.
On se laisse aller au bonheur, quelle stupidité...
Ne laisse pas aller ta tête, Bérénice... pour ces quelques jours... pour l'imprudence de ces quelques jours, c'est la vie entière qui serait gâchée, salie... [...] Une aventure, ce n'est rien... du moins on le croit... ça s'oublie... du moins on le croit... Ce n'est pas l'aventure, vois-tu, qui est sale... qui tache... et pourtant... Pourtant, par la suite, on y repense malgré soi, et le reste, tout le reste, l'important, ce à quoi on tenait, ce qui est la vie... son véritable amour... eh bien, que veux-tu, on lui en veut de durer quand le reste s'est évanoui... et ce n'était pas grand-chose... C'est lui qui est sali, c'est lui...
Celui qui n'a jamais été en proie à une obsession ne comprendra pas Aurélien, la maladie d'Aurélien. Aussi bien Aurélien ne pouvait-il la comprendre, il la subissait. Elle lui semblait un châtiment infligé pour une faute inintelligible, qui n'a pas laissé de traces. Il se torturait à tirer la morale de ce qui n'en avait pas.
« J’ai réinventé le passé pour voir la beauté de l’avenir » .
"Bérénice, cette nuit... que vous le vouliez ou non... vous avez fait une chose grave : vous avez quitté votre mari pour moi..."
Elle le regarda, et elle tenta de rire. C'était atroce.
"Et je ne vous ai pas trouvé... voilà tout !"
Il y a toute sorte de gris. Il y a le gris plein de rose qui est un reflet des deux Trianons. Il y a le gris bleu qui est un regret du ciel. Le gris beige couleur de la terre après la herse. Le gris du noir au blanc dont se patinent les marbres. Mais il y a un gris sale, un gris terrible, un gris jaune tirant sur le vert,un gris sans pardon, le gris qui fait le ciel terre à terre, ce gris qui est la palissade de l'hiver, la boue des nuages avant la neige, ce gris à douter des beaux jours, jamais et nulle part si désespérant..
Berenice cherchait des mots aimables. C'est une situation bien embarrassante que de regarder les tableaux d'un peintre devant lui, quand on les trouve sans intérêt.
La musique s'arrêta, les danseurs aussi avec ce désappointement qui s'adresse à la fois à l'orchestre et à leur compagne.
Le temps s'en va, comme si on avait l'éternité à soi, comme si ce qui faisait son prix eût été qu'on le gâchât. Pourtant, elles ont, ces journées, un ver dans le fruit : la certitude jamais oubliée de leur fin, l'obsession de leur brièveté, la connaissance anticipée de cette séparation qui a le goût de l'irréparable. C'est extraordinaire qu'elles se nichent au coeur de l'hiver, ce sont des journées de contraste comme on n'en trouve qu'au plus chaud de l'été. Quand il fait si froid à l'ombre, dans les montagnes, qu"on oublie qu'on vient d'y fuir un soleil torride