Après que le flux brutal de l'invasion s'est retiré, lorsque, au milieu des ténèbres de la barbarie victorieuse, se rallume comme un phare la lanterne du pêcheur suspendue à la chaire de saint Pierre, lorsque enfin, du fond des cloîtres où s'est cachée la civilisation, elle ressort en tremblant, à la Renaissance, pour tout dire en un mot, il semble que la vigueur intellectuelle si longtemps stérilisée, se soit doublée ou triplée, et que partout des génies doués de forces héroïques soient appelés à réparer le temps perdu. A Florence, les trois premières générations artistiques sont composées de peintres qui sont en même temps architectes, sculpteurs, ciseleurs, graveurs, musiciens et poètes.
Cette histoire des hommes et des œuvres, nous l'avons apprise enfants, avant la nôtre même, tant il est vrai que l'Italie, théâtre des grandeurs et des fiertés romaines, asile des premiers chrétiens, arène des premiers martyrs, port hospitalier des naufragés de la Grèce, rendez-vous des porteurs de flambeaux de la Renaissance, champ de bataille, pendant deux siècles, des ambitions françaises, est comme la première patrie, la patrie intellectuelle et héroïque de quiconque est digne de faire le bien et de sentir le beau. C'est à elle que nous devons cette éducation du goût, cette émotion féconde de l'admiration, les plus beaux modèles pour les yeux, les meilleurs exemples pour le cœur. C'est à elle que tous nos grands hommes doivent une partie de leur gloire, et nous tous une partie de nos mœurs. C'est elle enfin qui toujours fidèle à sa mission, civilise les générations scolaires, et polit ce qui reste au Français enfant de l'âpreté celtique ou de la rudesse germaine. Aussi ce que nous aimons tous le mieux, après la France, c'est l'Italie.