Je ne m'attendais pas à ça.
Pas du tout, du tout à ça.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que c'était pas mal du tout.
Voire très bien.
Allez savoir pourquoi, on se met parfois de drôles d'idées en tête avant d'ouvrir un livre.
Pour ma part, j'étais persuadée que
La Proie allait se révéler être un roman fantastique, ou au moins un récit avec une part de merveilleux ou d'imaginaire.
Quelle ne fut donc pas ma surprise lorsque j'ai découvert un récit contemporain glaçant de tension, de dangers qui taisent leur nom et d'étouffantes relations de domination.
La Proie est un récit au long cours, de longue haleine, qui s'appréhende petit à petit et évolue au fil des pages. Il démarre doucement, dans un décor dépaysant, avec une histoire qui n'a pas l'air pressée de s'emballer et des personnages pour la plupart encore tout à fait innocents, à savoir les enfants d'un petit village du Cameroun, où Anthéa et ses amis grandissent petit à petit au fil des saisons, des histoires transmises de génération à génération, et des promesses d'un avenir qui s'annonce aussi paisible que prévisible.
Mais l'innocence ne dure qu'un temps.
Pour Anthéa, l'heure est déjà venue de grandir, de partir, et de suivre un couple de Français qui la prend sous son aile pour qu'elle vienne suivre sa scolarité en France, près de Paris. C'est une chance inouïe, l'occasion pour elle d'avoir accès à une meilleure éducation, des opportunités multiples, et une vie à mille lieux de celle qu'elle a toujours connue.
C'est une chance, oui.
Anthéa s'accroche à cette phrase qu'on lui a tant répétée avant son départ.
Même lorsque la réalité qu'elle doit bientôt affronter n'a plus rien d'une chance.
Et ainsi, sans que l'on ne s'en rende compte dans un premier temps, le récit bifurque vers un chemin sordide et sinueux qui constitue très vite une véritable descente aux enfers - qui, comme toute bonne descente aux enfers digne de ce nom, ne devient frappante et évidente qu'une fois qu'il est déjà trop tard.
Petit à petit, alors que les chapitres défilent et que l'implacable vérité devient indéniable, le lecteur, effaré et pétri d'angoisses, devient
la proie - roll credits - d'une seule et même question, de plus en plus pressante.
"Ca ne peut pas être ça... si ?"
Et si, bien sûr que si, c'est ça, c'est le mal qui déploie lentement ses chaînes, c'est une tension qui ne cesse de s'épaissir et de s'alourdir, c'est un récit assez virtuose dans sa façon de nourrir l'attente et l'horreur, notamment grâce à son point de vue interne, qui ne permet de suivre que ce que perçoit Anthéa, et laisse donc le lecteur plongé dans le doute jusqu'au bout.
L'écriture même du roman évolue, volontairement très simple pour maintenir la narration à la hauteur de la toute jeune Anthéa, mais de plus en plus évocatrice et glaçante au fur et à mesure que la jeune fille gagne bien malgré elle en résistance et en maturité.
La Proie a l'intelligence de disséquer la peur tout aussi bien que la honte, la violence tout autant que la rédemption, avec une subtilité assez hallucinante dans la mesure où elle sera aussi frappante pour de jeunes lecteurs que pour un public plus mature.
La Proie est un livre qui retourne et chamboule, une véritable expérience de déni et d'angoisse où l'on en vient à questionner ses instincts les plus primaires, où l'empathie se mêle au rejet, et où l'on découvre, le souffle court et le regard abasourdi, que l'écrivain saura décidément toujours surpasser les pires craintes de son lecteur.
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