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Et si les femmes perdaient tous les droits qu'elles ont acquis au cours des dernières décennies ? Plus le droit de voter, plus le droit de travailler, plus le droit d'avoir de l'argent, plus le droit d'épouser qui bon leur semble, plus le droit de lire… à quoi ressemblerait notre monde ?
Margaret Atwood nous propose une réponse possible, effrayante car plausible, dans son roman la Servante écarlate. Ce conte glaçant -dont le titre original, The Handmaid's tale, nous assure sa filiation à ce genre- fut publié pour la première fois en 1985, à la fin de la Guerre Froide. Il est aujourd'hui réédité suite à sa récente adaptation en série télévisée par Bruce Miller avec Elisabeth Moss, somptueuse, dans le rôle titre de Defred -Offred en anglais.

Dans un futur proche, suite aux désastres climatiques (pollution, déchets radioactifs, etc.), aux problèmes économiques et à la chute de la natalité, des fanatiques religieux prennent le pouvoir et instaurent la République de Gilead ; une société, que l'on pourrait qualifier de république chrétienne fasciste, où les femmes sont réduites en trois grandes classes : les Épouses, seules femmes ayant un peu de pouvoir au sein de leur maison, les Marthas, chargées d'entretenir la maison (ménage, cuisine, etc.) et les Servantes écarlates, esclaves sexuelles toutes de rouge vêtues dont le rôle est de donner des héritiers aux Commandants. Toutes les autres femmes -trop âgées, infertiles ou dissidentes- sont envoyées dans les Colonies où elles manipulent des déchets toxiques.

« Voici ma servante Bilha. Va vers elle et qu'elle enfante sur mes genoux : par elle j'aurai moi aussi des fils. »

Defred, personnage central du roman, est une Servante écarlate. Une fois par mois, le Commandant qu'elle sert, Fred Waterford, la viole sous couvert d'un rituel appelé la Cérémonie, se basant sur un obscur passage de la Bible, instituée en Constitution, où Rachel, désespérée de ne pas enfanter, invite Jacob à s'accoupler avec leur servante Bilha pour lui donner un enfant. le but avoué de cette Cérémonie est de faire remonter le taux de natalité en attribuant des servantes aux Commandants, hommes de pouvoir de cette dictature. Les Servantes écarlates ne sont que des ventres dont le fruit reviendrait aux Épouses, Rachels modernes, jalouses de cette fertilité qu'elle n'ont pas.

« Je ne m'appelle pas Defred, j'ai un autre nom, dont personne ne se sert maintenant parce que c'est interdit. Je me dis que ça n'a pas d'importance, un prénom, c'est un peu comme son propre numéro de téléphone, cela ne sert qu'aux autres. »

Defred n'est ainsi plus qu'un corps qui ne lui appartient pas, caché sous un habit de religieuse rouge. On la prive de tout, même de son nom, June, ce qui revient à la priver d'identité propre, à nier sa capacité à penser, à nier jusqu'à son existence en tant qu'être humain.
Pourtant, page après page, Defred témoigne de l'absurdité de ce monde où être femme signifie n'être rien. Pourtant page après page, June nous raconte sa vie d'avant, celle où elle avait un mari, une fille, des amis, un travail… Et page après page, naît cet irrépressible besoin de rebellion, de révolte, de liberté.
C'est d'ailleurs la voie que choisit June-Defred en rejoignant le réseau de résistance Mayday. Malgré les Yeux, le service de surveillance du pouvoir en place, elle va tout tenter pour recouvrer sa liberté.

C'est bien à la condition de la femme que s'intéresse Margaret Atwood à travers le témoignage de Defred, à cette vigilance constante que nous devons avoir sur la négation de nos droits. La mémoire est une porte ouverte sur un futur meilleur, car de même que les souvenirs de June l'amènent à comprendre l'injustice qu'elle subit et à la dénoncer, nous ne devons jamais oublier qu'aucun droit n'est jamais pleinement acquis s'il n'y a personne pour veiller à le faire respecter.
Ce message féministe devrait nous faire sourire aujourd'hui, mais tel n'est pas le cas à l'heure où les États-Unis de Donald Trump ont refusé, le 22 juin 2017, d'approuver une résolution de l'ONU qui demande l'accès à l'avortement dans des conditions sanitaires sûres pour toutes les femmes .

Margaret Atwood signe ici une dystopie cinglante, un roman à la fois politique et humain, sur le devenir possible de l'Homme. À travers le personnage de Defred et la description de son quotidien, si proche du nôtre, elle nous rappelle combien nos libertés sont fragiles et avec quel courage elles ont été acquises.
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Roman d'anticipation, "La servante écarlate" ressemble très/trop fortement à ses modèles, "1984" et "Le meilleur des mondes". Pour autant, le roman raconté du point de vue intime d'une femme destinée à la reproduction dans une société futuriste ultra totalitaire, se démarque par sa construction puissante et son ton glaçant. Malgré donc un style austère et froid, "La servante écarlate" mérite donc pour moi son statut de référence du genre.
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Quand les histoires de SF tiennent une idée novatrice qui va se développer et grossir et s'amuser de son devenir sous nos yeux...
Nous voici happés dans l'univers de la narratrice qui tient un journal mental de sa vie dystopique. A la fois féministe et réduite en esclavage on assiste au bain qui la fait bouillir à petit feu, l'étranglant dans sa féminité et son humanité.
La lutte des classes et l'éclosion d'un monde qui fait ressortir de vieux démons... la vie sous une dictature paternaliste sous fond de lutte de pouvoir.
Briser et être brisé pour faire naître. Car il n'est question que de naissance. D'enfant, d'univers, de choix de société. Et de naissance à soi-même.
June a tout perdu, jusqu'à son nom. C'est ce que croiront ses bourreaux. Sa reconquête est plus vaste et plus profonde et nous y assistons , planqués dans la penderie de sa chambre au fenêtres à vitres incassables.
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Un roman dystopique assez noir, mais que j'ai aimé. Ce livre m'a donné envie de regarder la série tirée du livre.
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très bon roman, mais je trouve le style littéraire de l'auteur moyenne, et l'auteur aurait pu rajouter quelques chapitres supplémentaires pour expliquer le contexte qui a permis à la dictature de s'installer et son devenir
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un roman qui fait réflechir,
on est vraiment pris du début à la fin
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En 3 mots… Matrice, chambre, passé
Impressions de lecture… J'ai lu ce livre (ma première lecture d'une oeuvre de Margaret Atwood) peu de temps après "Lire Lolita à Téhéran" de Azar Nafisi et je n'ai pu m'empêcher de trouver des points communs entre les deux, ce dont j'ai déjà parlé dans un précédent billet (ici). Dans cette dystopie aux accents de revendications féministes, la république de Gilead, frappée par une dénatalité galopante, asservit les femmes fertiles, comme Defred, l'héroïne et narratrice, afin de donner des enfants aux hauts dignitaires mariés. Sur fond de fanatisme religieux et d'oppression, ces femmes se résument à leur matrice et deviennent les esclaves d'hommes qu'elles n'ont pas choisis. Chacune est dépossédée de son nom, baptisée d'un nouveau patronyme marquant son appartenance et placée dans la maison de l'homme auquel elle a été attribuée. Elle y vit aux côtés de l'épouse de ce dernier et doit se livrer régulièrement à une cérémonie d'accouplement, en présence de la dite épouse, dans l'espoir d'être fécondée et de porter la grossesse à terme. Vêtue de rouge, voilée, elle vit comme une captive dans une austérité monacale. Elle peut sortir de la maison, mais ces incursions sont contrôlées et elle est privée de toutes les libertés et de toutes les formes d'émancipation dont jouissaient auparavant les femmes. Car Defred a connu une vie semblable à la nôtre avant l'avènement de cette nouvelle société. Elle avait un mari, une petite fille, elle travaillait, pouvait dépenser son argent, lire, s'exprimer, se maquiller et circuler comme bon lui semblait.

Disons-le tout de suite, ce roman d'anticipation est très convaincant et profondément effrayant. Les trente ans écoulés depuis son écriture ne lui ont pas fait perdre de sa force, bien au contraire. Certains de ces thèmes sont d'actualité et pourraient très bien constituer un avenir plus ou moins proche. Effrayant par sa dimension d'anticipation mais aussi par la puissance de son écriture. L'auteur nous fait pénétrer dans les pensées et les ressentis de l'héroïne. Par exemple, quand Defred sort voilée et qu'elle se sent résumée, dans son rapport à l'autre et au monde, à un regard au champ visuel réduit, ou bien quand elle est concentrée à l'intérieur d'elle-même, guettant les prémices des menstruations qui sont signes « d'échec ». Car Defred devient elle-même obsédée par cette idée de procréer, par ce vide à remplir (p.127-128). La réflexion sur le corps est captivante, ce corps asservi, caché, privé de sensualité. Ici, une des armes d'oppression du gouvernement, d'annihilation de l'individu, de déshumanisation, passe par l'élimination des stimuli sensoriels (d'ailleurs Azar Nafisi évoque aussi cette privation dans Lire Lolita à Téhéran, p.286 notamment, lire le billet sur cette oeuvre, ici). Au début de la cinquième partie, intitulée « Sieste », Defred s'ennuie, elle voudrait occuper ses mains, fumer une cigarette, elle voudrait être comme ces cochons dont elle a entendu dire qu'on leur donnait un ballon pour les occuper, « Je voudrais bien avoir un ballon de cochon » (p.120) pense-t-elle.

Au-delà de l'aspect féministe et féminin, le livre est aussi une grande réflexion sur le conditionnement, l'asservissement des individus à une organisation du pouvoir et de la société. Car Defred voudrait se révolter, mais elle est aussi tentée de baisser les bras et de rentrer pleinement dans ce moule qu'on lui impose. Elle est parfois gagnée par le désespoir et l'envie d'en finir. Moïra, son amie, sert d'ailleurs de contraste, elle est celle qui a osé se libérer alors que Defred et ses autres camarades étaient en train de perdre « le goût de la liberté » (p.225). Car oui, Defred a connu autre chose et elle se sent comme « une réfugiée du passé » (p.379), la formule est évocatrice, elle est exilée, déracinée et elle ressasse ses souvenirs, sa vie d'avant. Malgré le fait que le récit nous fasse partager l'intériorité de Defred, il y a dans tout le livre quelque chose de très cinématographique, car l'image y tient une part importante, les costumes très graphiques des servantes, les cérémonies qui sont des mises en scène, les détails visuels, les descriptions etc. le roman a d'ailleurs été porté au cinéma, par Volker Schlöndorff en 1990 et adapté en série tv en 2017 par Bruce Miller, mais je n'ai vu ni l'un ni l'autre. le thème de l'image, de la vue, prend une place importante dans le roman. le Mur en est une des expressions, ce Mur en ville sur lequel sont pendus des opposants au régime, spectacle macabre qui entretient la terreur et dont pourtant Defred ne peut détacher ses yeux et qu'elle retourne voir, jour après jour.

La construction est très bonne, elle invite le lecteur à assembler petit à petit le puzzle, ce qui tient notre attention en éveil et nous fait entrer pleinement dans l'histoire. Même si le rythme ne m'a pas toujours convaincue, il y a quand même des moments où on est emporté par l'envie de connaître la suite. La temporalité du récit est très intéressante, à la narration au présent, se mêlent des souvenirs et des projections. Travail sur la temporalité qui trouve son point d'orgue dans la dernière section du livre : les « notes historiques ». Ce qui est un futur pour nous, le récit de Defred raconté au présent, devient le passé d'autres personnes (qui se situent donc dans un futur encore plus éloigné pour nous). Une réalité de la marche du temps : notre présent deviendra un passé, et même un passé lointain, il constituera un jour le sujet de recherche des archéologues et historiens du futur. Cette section dissèque de manière plus didactique la structure et les principes de la république Gileadienne en lui donnant la petite patine des objets d'étude universitaire. L'histoire (avec un petit h) de Defred entre alors dans l'Histoire (avec un grand H). le recul de l'Histoire met une certaine distance entre notre propre vie et les éléments du passé, mais cette distance semble abolie dans l'oeuvre de fiction. La littérature et l'imaginaire tissent un rapport très immédiat, tant intellectuel qu'émotionnel, entre notre esprit et l'oeuvre de fiction. Face à l'Histoire, dont les drames et les horreurs semblent voués à se répéter, la littérature (porteuse de témoignages, de reconstitution, de réflexion sur l'âme humaine, d'anticipation, de nouveaux mondes possibles) ne joue-t-elle pas un rôle déterminant « si nous voulons permettre à nos formation sociales de produire des sujets capables de se donner des valeurs épanouissantes et réfléchies ? », je reprends là les mots d'Yves Citton. Citation tirée (p.231) de son formidable ouvrage Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ? aux éditions Amsterdam, qui démontre de manière passionnante et convaincante le pouvoir impérissable et les forces motrices des grandes oeuvres littéraires.

Lien : http://quelscaracteres.eklab..
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L'histoire : Un partie dominant profite de la fécondité en berne pour grignoter les libertés. Une voie royale pour une nouvelle dictature... Nous suivons la vie de Defred dont l'unique fonction est de louer son ventre pour couver la progéniture de son commandant.

Et alors ? Pas mal, pas mal du tout.... Alors je mets juste en garde les lecteurs quant à la quatrième de couverture qui (encore une fois) peut se révéler trompeuse avec elle va tout tenter pour recouvrer sa liberté. J'étais aux trois-quarts du livre (pourtant loin d'être ennuyeux) que je n'avais pas vu l'ombre d'une fuite. le roman n'est pas haletant, c'est une dystopie dans toute sa sombre splendeur, un terreau à réflexion. Notre héroïne presque résignée est coincée dans une prison où les barreaux sont faits d'ennui où tout le temps lui est offert pour penser à sa vie d'avant et comment a t-elle fait pour ne pas voir tout ça arriver ?

Le roman a été écrit en 1985 et nous dépose dans un futur hypothétique aux Etats-Unis où des fanatiques religieux sont aux commandes. Peut-être que comme moi, vous aurez du mal à vous représenter ce futur où on ne trouve aucune trace de la révolution Internet ou encore de notre tendance à l'hyperconnectabilité.  Ici, c'est retour à l'âge de pierre, société archaïque où tout est contrôlé par les Yeux et chaque pas de travers condamné de façon expéditive par pendaison. Je préfère parler de futur parallèle qui met en avant les dangers liberticides qui nous guettent à chaque coin de notre société : l'interprétation sans filtre des textes religieux ou encore la censure à outrance.
Lien : http://www.uncourantdairlitt..
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Je n'avais jamais lu ce roman, j'ai voulu le lire avant d'avoir l'occasion de visionner la série qui en a été tirée.
Pendant la quasi totalité du livre, j'ai pris une claque magistrale. C'est un ouvrage qui, par le biais de la fiction, aborde la plupart des problématiques de la condition féminine. J'aime beaucoup l'écriture; en général, je n'aime pas trop que le récit s'adresse au lecteur, mais le style autobiographique fait que ça passe très bien. Et puis il y a la fin...je ne vais pas spoiler donc je n'en dirai rien de plus sauf qu'elle m'a vraiment laissée sur ma faim, la rupture entre la première partie du roman et la seconde (heureusement courte) m'a totalement déroutée...et je me demande bien comment cela sera montré dans la série. A lire malgré tout tellement le propos est intéressant et bien traité.
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La servante écarlate est un livre intéressant par les réflexions qu'il provoque.
Il donne "froid dans le dos" à l'évocation de cette société où les "femmes-Servantes" deviennent objet de procréation ; manipulées par les "femmes-Tantes" ; surveillées par les "femmes-Martha" ; jugées par les "femmes-Épouses"...
C'est une société imaginaire qui fait peur, où les libertés individuelles auraient été anéanties pour le "bien" de la communauté... Mais comment ne pas s'interroger sur nos sociétés actuelles, où l'on peut avoir tendance à manipuler nos libertés pour nous faire croire à plus d'égalité et de libre arbitre ?!
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