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sur 132 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Margaret Atwood nous propose neuf contes dont elle nous dit qu'ils sont des fictions empruntant à une réalité vécue par l'auteur ou par des personnes qu'elle a connues.
La plupart de ces contes traitent de la relation homme femme, au sein du couple ou pas, et de la relation femme femme qui peut en découler sur le mode compétition, amitié ou détestation. Tout un chacun s'accordera à reconnaitre la complexisté de ces sujets dont Atwood traite toujours avec la plus grande justesse mais aussi parfois avec férocité, humour et dérision. C'est le cas ici.
Les trois premiers contes forment une suite consacrée au poète Gavin Putman et à ses compagnes successives ou simultanées, Constance, Reynolds et Marjorie...
Le poète a eu son heure de gloire, mais s'il est considéré comme l'un des modèles de la poésie des années 1960, il est aujourd'hui à quatre-vingt ans sur le déclin et passe ses journées à pester contre son épouse Reynolds et à ruminer le temps de sa jeunesse perdue.
En ces temps glorieux, il vivait avec Constance, une femme qui a tout donné, en temps, en argent et en services privés pour permettre à Gavin d'atteindre ce nirvana sans contraintes qui lui permettait de "créer".
Avec le temps Gavin s'est lassé de Constance et l'a quitté pour Reynolds, non sans passer par la case Marjorie, une jeune fille qui travaillait pour l'association des artistes vivant alors sur la Péniche, en 1965, un lieu de célébration, de joie et de grandiloquence au service de personnalités aux moeurs souvent détestables.
Atwood n'est pas du tout dans le "Autres temps, Autres moeurs"
Reynolds après avoir épousé Gavin, est devenue le gardien du temple Putnamien.
Constance, de son côté, alors qu'elle était moquée pour son oeuvre qui "rapportait", un poéte doit toujour être maudit, s'est refugiée dans l'écriture d'une saga aux allures de fantasy où le merveilleux lui permet de contrôler une réalité qui lui échappe. Personnages forts de sorcières et de magicienne contraignent par leurs sortilèges des hommes cruels mais lâches...Thomas le rimeur, un avatar de Gavin y est enfermé dans une barrique de vin pendant 50 ans
"Alphinland était à elle, à elle seule. C'était son refuge, sa forteresse. C'était l'endroit où elle pouvait aller quand les choses n'allaient pas bien avec Gavin."
Alphinland rencontre le succès, devient une saga culte, est adaptée en jeu vidéo et rassemble de nombreux fans à l'occasion de conventions qui lui sont dédiées.
Lors de la célébration des funérailles de Gavin, Constance Reynolds et Marjorie se retrouvent, non pour évoquer avec nostalgie le temps de la Péniche, mais pour faire preuve de résilience et prendre conscience de leur rôle réel.
Atwood propose trois portraits de femmes fortes dont la capacité d'innovation a été bridée par des hommes mesquins et revanchards et qui avec l'âge retrouvent la liberté d'agir et de penser. Elles ne font pas un vain mot de l'expression solidarité féminine.
La nouvelle génération est représentée par la jeune Naveena, une étudiante qui réalise un travail sur l'oeuvre de Constance et le rôle de Gavin dans cette céation.
Ces trois contes sont pour moi l'essentiel de ce recueil.
On y retrouve la question de la création littéraire et des sacrifices qu'elle suppose parfois pour l'entrourage de l'auteur, la prétention des sixties et le renoncement de cette génération passée aux commandes de la société en oubliant ses idéaux.
Atwood, né en 1939, puise certainement dans ses souvenirs et alimente cette fiction de sa propre expérience...
Dans les autres contes, elle démontre ses qualités d'écrivaine de récits courts et chacune des autres histoires mérite que l'on s'y attarde.
Dans le mari lyophilisé, Sam un antiquaire dont le couple se délite, sa femme Gwyneth le quitte, rencontre par hasard une femme qu'il pense pouvoir contrôler et contraindre malgré le danger qu'elle pourrait représenter.
Dans La main morte t'aime, un amant éconduit se venge de la plus horrible des façons de celle qui l'a rejeté pour un autre.
Lusus Naturae et Zenia aux dents rouges et brillantes explorent le monde des vampires et des zombies et de leurs méthodes pour s'accomoder de la triste réalité humaine.
Dans le matelas de pierre, une femme se venge de son prédateur.
Le conte final, Les vieux au feu, traite lui de la guerre des générations et résonne avec la thématique du roman Soylent Green de Harry Harrison dans lequel les cadavres des vieux sont recyclés en nourriture pour la population exponentielle de la planète.
Tobias et Wilma sont deux pensionnaires d'une maison de retraite de luxe, l'Ambroisie, ils ont eu une vie sans problème qui leur permet de payer le loyer et les services de ce luxueux établissement.
Atwood rapporte avec précision, l'infantilisation des personnes âgées dans les résidences et leur cantonnement à des activités ludiques, art, travaux manuels, yoga, etc...Le parallèle de ceux qui se rebellent contre cette façon d'organiser leur vie avec la rebellion des pré-adolescents face à l'éducation des parents est remarquable.
Les rebelles s'en tirent le mieux lorsque la guerre des générations atteint son point critique.
Margaret Atwood nous donne des clefs de lecture de l'évolution de la société et des relations entre les êtres humains en forçant le trait mais en démontrant à chaque fois qu'il n'est pas très loin de la réalité.
Peut-être faut-il simplement se contenter de vivre en gardant son quant à soi semble être la morale de ces contes.
Une leçon donnée avec détachement et humour.

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"Ces neuf contes ont une dette envers les contes à travers les âges." et "ils s'écartent ne serait-ce que très légèrement , du domaine des jours et des oeuvres réalistes", nous précise Margaret Atwood dans ses Remerciements en fin de volume.
Effectivement, quelqu'un qui, au vu du titre et de la couverture, s'attendrait à des contes traditionnels avec lutins , fées et farfadets ne pourrait qu'être déçu. Mais ceux qui, comme moi, sont plus friands de l'oeuvre de Margaret Atwood que de l'univers féérique en feront leur miel.
A chaque fois, l'auteure fait preuve d'une inventivité roborative en changeant le point de vue attendu. Ainsi les trois premiers textes envisagent l'évolution de différents personnages qui prendront tour à tour la parole. Qui du jeune poète des années 60 , promis à un bel avenir, ou de l'écrivaine de Fantasy que le premier envisage de manière plus que goguenarde, s'en sortira le mieux ?
Il est aussi question de création, d'amour et de réussite dans La main Morte t'aime qui revisite un pacte pire qu'avec le diable: celui avec des amis flanqués d'avocats...Car l'univers d'Atwood n'est pas dénué d'humour, loin s'en faut , même si cet humour est souvent noir.
Atwood prend un main plaisir à nous montrer les caprices d'un destin en apparence cruel , mais qu'on peut ré-envisager de manière plus positive, surtout pour ses personnages féminins. Elle met ainsi en scène deux personnages de "veuves noires", aux motivations et aux méthodes très différentes. On jubile, on se régale mais on grince aussi des dents avec le dernier texte, dystopie qui pourrait avoir lieu demain. Quant à Je rêve de Zénia aux dents rouges et brillantes, il m'a permis de retrouver avec un très grand bonheur les personnages d'un roman lu et relu : La voleuse d'hommes.
Et l'univers du conte ? Il apparaît par touches discrètes, par le biais de l'univers de fantasy qu'a créé Constance, par des lutins apparaissant à une vieille dame, mais rien de grave: ce n'est qu'un symptôme médical. le monde réel et la dimension fantastique s'interpénètrent aussi, mais de manière subtile. On fait le choix de croire en la réincarnation, mais de manière intermittente et seul le texte Lusus Naturae envisage vraiment un personnage qui pourrait relever du monde du conte, mais présenté comme victime d'une maladie hors-normes.
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