Agée d'à peine dix-neuf ans lorsqu'elle écrit ce court roman,
Jane Austen se livre à un exercice de style réjouissant pour le plus grand plaisir du lecteur.
Lady Susan est une jeune veuve sans le sou mais pleine d'esprit. Après avoir séduit le maître de la maison où elle séjournait ainsi que le prétendant de la jeune soeur, l'aventurière se retire à la campagne, chez son beau-frère, afin de préserver sa réputation. Privée des mondanités qu'elle affectionne tant, la coquette, en mal d'intrigue, imagine une série de bêtises spirituelles afin d'exercer son intelligence et son pouvoir de séduction.
Jane Austen utilise le procédé du roman épistolaire. Cette structure permet l'économie de la présentation des personnages. L'auteur vise, en effet, l'efficacité : dès les premières lettres, le lecteur entre dans l'intimité des correspondants. On se focalise plus sur les réactions des personnages que sur la narration objective des évènements. Ainsi les différentes lettres nous donnent à entendre plusieurs versions d'un même épisode. En maîtresse du langage,
Lady Susan se joue des rumeurs qui circulent à son sujet : « Croyez-moi, je peux rendre plausible ma version des faits auprès de Reginald. » confie-t-elle à Alicia. le prisme des points de vue place le lecteur dans une posture de voyeur : il est le seul à connaître les véritables intentions des personnages (quoique celles de Susan ont tendance à lui échapper…)
Jane Austen se plaît à rendre le lecteur complice du double registre.
La correspondance dévoile, de manière manichéenne, la fausseté des uns et la bonté des autres. L'expression de la noblesse des sentiments s'oppose aux intentions malhonnêtes. Après avoir persuadé Reginald avec tendresse de reporter leurs retrouvailles, Susan annonce à sa confidente : « Ce gêneur de Reginald est ici. »
Jane Austen s'amuse de la structure du roman comme
Lady Susan se rit de ses correspondants grâce à sa maîtrise du langage. La duplicité de la dame, en bonne coquette du XVIIIe siècle, renverse l'ordre familial et moral de la maison des Vernon. Cherchant à tromper son ennui, Susan fait et défait à sa guise les relations entre les personnages. Maîtresse du jeu, elle déplace ses pions.
Ce roman féminin (sur quarante-et-une lettres, seules cinq sont écrites par des hommes et huit leur sont destinées), petit bijou d'adresse tant dans sa forme littéraire que dans son intrigue, renvoie le lecteur malicieux au monde du XVIIIe siècle où l'art de tromper les apparences est roi et la morale, tombée en désuétude.
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