C'est un vrai plaisir de renouer avec
Jane Austen. Presque deux ans après
Northanger Abbey, j'ai redécouvert le bonheur de me plonger dans les intrigues campagnardes et les dialogues pleins de verve délicieusement surannés de ses romans. Celui-ci est son premier :
Raison et Sentiments est une belle et subtile critique sans concession de la société de l'époque et de sa bourgeoisie étriquée. Ce livre est un petit bijou littéraire qui montre une fois encore tout le talent de
Jane Austen pour manipuler notre imagination à partir de presque rien. Quelques intrigues de coeur, des quiproquos, des émotions à fleur de peau, de brefs dialogues (toujours pleins de légèreté et d'humour) et des scènes de la vie quotidienne rendues bien vivantes grâce à un style impeccable et jamais lourd, voilà tout ce qui fait les romans d'Austen et tout ce qui contribue à nous les faire autant apprécier, des siècles après la disparition de leur auteur.
Elinor et Marianne Dashwood sont les deux aînées de la famille mais sont aussi différentes que l'eau et le vin. L'une est la raison et la retenue incarnées, l'autre est pétrie de romantisme et ne vit les choses qu'avec excès en refusant de tempérer ses émotions. Toutes deux sont en âge de se marier et, après un déménagement motivé par une situation devenue gênante, elles partent avec leur mère s'installer dans le Devonshire. C'est là qu'elles se rapprochent de leurs voisins - les Middleton - de très riches bourgeois qui se prennent ausitôt d'amitié pour elles. Les voilà sollicitées chaque jour, et de bals en dîners, de parties de campagne en soirées dédiées aux jeux et aux discussions, Elinor et Marianne intègrent peu à peu une société légère mais hypocrite, où le sans-gêne, l'inconstance et parfois même le ridicule finissent tout de même par les mettre en présence du beau Willoughby, dont Marianne tombe éperdument amoureuse. Elinor quant à elle cache ses sentiments profonds pour Edward Fellars, rencontré dans le Sussex - et qui aussi le frère de sa belle-soeur Fanny - avec lequel une union ne semble apparemment pas envisageable, en partie dû à leurs différences sociales.
Une fois encore, Austen grime ici une société judicieusement dépeinte à travers une galerie de personnages secondaires pleins de suffisance, de cupidité et de préjugés. Elle entremêle allègrement les intrigues de coeur et les dialogues piquants, et nous montre comment deux jeunes femmes brillantes qui incarnent - chacune à travers ses défauts - deux facettes de la jeunesse diamétralement opposées, vont surmonter les sarcasmes et les pièges de leur entourage pour accéder à l'amour et à la plénitude. Une fois encore, la psychologie de ses personnages est subtile, rien n'est laissé au hasard, chacun exprime pleinement son caractère sans tomber dans le manichéisme. L'extrême sensibilité de Marianne qui la pousse souvent à l'auto-apitoiement va de pair avec l'amour inconditionnel qu'elle voue à sa famille, la bonhomie quelque peu insupportable de Mme Palmer côtoient aussi une grande générosité de coeur et une belle joie de vivre, la fadeur et l'oisiveté d'Edward Ferrars ne l'empêchent pas de faire preuve de modestie et d'un grand courage lorsque les évènements l'imposent, et seules la cupidité et l'avidité du frère des Dashwood et de son épouse n'ont pas l'air de contrebalancer d'éventuelles qualités...
Un classique de la littérature anglaise et lire et à relire pour la belle leçon de vie qu'il apporte et le plaisir de se pencher sur une brochette de caractères tous aussi subtils que drôles et touchants.
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