Voilà une bonne découverte ! Cette bande dessinée est une petite pépite bien agréable à lire. On rit des péripéties des deux « compadres », on sourit devant leurs piques (dites tantôt en vers, tantôt en prose, mais toujours avec une excellente qualité littéraire !), on est impressionné devant la qualité artistique (essayez de dessiner un loup habillé à la mode du 18e siècle en train de croiser le fer tel un véritable mousquetaire en contre-plongée... Je dessine bien, mais ça, je crois que j'aurais du mal), bref ! Il n'y a rien à redire !
L'auteur a choisi de mettre en scène deux gentilshommes exilés de la cour du roi et en quête d'un trésor sous la forme d'un loup et d'un renard. À mon avis, ce n'est pas anodin. Est-ce une dérision des gentilshommes de l'époque où une façon de nous aider à bien cerner la psychologie des personnages ? Mais on peut y voir aussi un écho au
Roman de Renart (bien que la relation entre les deux protagonistes y soit bien meilleure), d'où le nom de famille d'un des héros : Armand de Maupertuis. D'autres animaux anthropomorphés apparaissent dans l'histoire, mais ils sont très minoritaires par rapport aux humains normaux. Au début, je m'attendais à ce qu'ils soient poursuivis pour sorcellerie ou pacte avec le Malin (vous voyez souvent un renard déclamer des vers à votre balcon pour louer votre beauté, vous ? Ben moi non...), mais la société du 18e trouve cela normal. le loup, Lope de Villalobos y Sangrin, se fait même draguer par une jeune et belle gitane et se voit obligé de l'éconduire. C'est assez inhabituel et très amusant.
L'histoire suit le schéma de
l'Avare de
Molière. Un vil vieillard qui tient plus à son or qu'à ses enfants voit son fils se faire prendre en otage par des Turcs à bord d'une chébèque (et non pas d'une galère) moyennant une coquette somme de cinq cents écus. le bougre vieil homme croise la route de nos deux « compadres » (qui s'en venaient d'une représentation des Fables de la Fontaine par des gitans) et leur demande aide et assistance. le bon coeur de ces Messieurs fit le reste : ils volent (nagent) au secours du fils emprisonné, ne le trouvent pas (car évidemment, le fils a fait croire à son père à son enlèvement pour lui soutirer cinq cents écus et ainsi épouser une belle jeune fille
, celle-là même qui tentait de séduire Lope). Finalement, ils se retrouve à voler une bouteille dans la foulée, et dans cette bouteille, une carte, et sur cette carte, l'emplacement d'un trésor... Ni une, ni deux, ils motivent le vieil homme au nom si bien trouvé (il s'appelle Cénile) pour leur prodiguer un navire et partir à la recherche du fameux trésor.
Les deux héros sont souvent tournés en dérision : (en prison) « Grâce à Dieu, ils ne nous ont pas fouillés et j'ai toujours la bouteille... (bruits de mastication) Que faites-vous, malheureux ? — Je me ronge la patte comme tout renard pris au piège qui se respecte ! — Inutile d'en arriver à de telles extrémités, amigo ! Nous crochèterons bien ces maudites entraves. », l'auteur joue sur les mots, joue avec les préjugés, tant des races animales que des nationalités (Lope est espagnol, et Armand Reynal de Maupertuis est français). C'est un humour frais et recherché, une parodie des romans de capes et d'épées, tel un
Don Quichotte des temps modernes. À cela, je rajoute la qualité des dialogues, et vous obtiendrez une bande dessinée à ne surtout pas manquer !