Dans ce roman épistolaire, Ramatoulaye, après la mort de son époux, rédige une longue missive à son amie Aïssatou pendant sa période de deuil. Dans cette dernière, elle aborde, entre autres, leur enfance, leur adolescence en tant qu'étudiantes naïves, leur vie de femmes mariées, leurs enfants. Elle traite aussi de la condition des Sénégalaises. Elle parle également de la polygamie, de la religion et du patriarcat au Sénégal.
C'est un court texte de 168 pages dans mon édition. Mais quelle profondeur! Quelle puissance ! Quelle poésie ! J'ai été bouleversée par cette lettre et par la plume de
Mariama Bâ. J'ai ressenti toute la douleur de Ramatoulaye le jour où son mari Modou Fall épouse une femme beaucoup plus jeune, une amie de sa fille, après lui avoir donné douze enfants et lui avoir consacré vingt-cinq ans. J'ai vécu son désespoir lorsque son homme rompt tout contact avec elle alors qu'elle l'aime encore.
Je pleurais tous les jours.
Dès lors, ma vie changea. Je m'étais préparée à un partage équitable selon l'Islam, dans le domaine polygamique. Je n'eus rien entre les mains.
Mes enfants qui contestaient mon option me boudaient. Face à moi, ils représentaient une majorité que je devais respecter.
-Tu n'es pas au bout de tes peines, prédisait Daba.
Le vide m'entourait. Et Modou me fuyait. Les tentatives amicales ou familiales pour le ramener au bercail furent vaines. Une voisine du nouveau couple m'expliqua que la « petite » entrait en transes chaque fois que Modou prononçait mon nom ou manifestait le désir de voir ses enfants. Il ne vint jamais plus ; son nouveau bonheur recouvrit petit à petit notre souvenir. (p. 88-89)
J'imagine que beaucoup de femmes ont vécu cette situation dans différentes communautés. Je trouve remarquable de mettre en lumière ces épouses reléguées à l'ombre, au vide, au néant.
Assaïtou, contrairement à Ramatoulaye, a décidé de divorcer de Mawdo, son mari, lorsqu'il épouse une femme plus jeune. Deux femmes, deux destins, deux chagrins, deux vies dans cette société coranique qui détermine le sort des uns et des autres au nom de l'appel de la jeunesse, du désir, ou encore du respect de l'autorité. Les femmes n'ont aucun droit. Elles subissent.
De plus, j'ai adoré l'écriture poétique de
Mariama Bâ. J'ai adoré ses descriptions des sentiments et des valeurs habitant ses personnages (la dignité, la nostalgie, la sensibilité, le respect, le sens de l'amitié, l'amour, le don de soi). de plus, j'ai été charmée par celles sur le Sénégal.
Les baobabs tendaient aux cieux les noeuds géants de leurs branches ; des vaches traversaient avec lenteur le chemin et défiaient de leur regard morne les véhicules ; des bergers, en culottes bouffantes, un bâton sur l'épaule ou à la main, canalisaient les bêtes. Hommes et animaux se fondaient comme en un tableau venu du fond des âges. (p. 57)
Ses mots glissent jusque dans l'âme du lecteur et valsent avec ses émotions.
Je ne peux que vous encourager à lire ce merveilleux texte. C'est touchant, fort, humain.
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