Paul Bairoch est un très grand chercheur en histoire économique qui s'est surtout attaché à rendre compte scientifiquement des pseudos apports du libre échange et des pseudos apports de la colonisations pour les pays colonisateurs. Ainsi, son grand combat fut un temps d'expliquer que le libéralisme n'était pas la règle mais qu'au contraire c'était bien le protectionnisme qui à travers l'histoire économique mondiale avait largement prévalu et permis de forts progrès sociaux-économiques contrairement à ce qui est claironné partout, notamment dans les médias.
Bairoch a pourtant travaillé pour le GATT en temps que conseiller.
Victoires et déboires est son grand ouvrage de "synthèse" (les guillemets sont pour les 1000 pages de ce tome 3) de toutes ses recherches. Pas moins de vingt ans, donc. Malgré ce que dit l'éditeur, je comparerais volontiers cette somme avec les quatre livres d'
Eric Hobsbawm:
l'Ere des Révolutions, Empire, Capital, Extrêmes dans le sens où les deux proposent une vision cohérente de l'histoire économique sur le temps long, à travers l'étude des trends et des statistiques macro économiques.
Hobsbawm se base sur un modèle résolument matérialiste-historique tandis qu'on ne peut pas reprocher à
Bairoch d'être un fervent communiste comme son homologue; même si ce n'est pas non plus un néo-libéral forcené.
Bairoch a plutôt une pensée qui sort des sentiers battus (pour les économistes de grand média), et il passe beaucoup de temps dans ses ouvrages à déconstruire les assertions ultra-libérales (ou marxistes, mais celles-ci sont tellement peu reprises dans les médias de masse qu'il ne s'appesantit pas dessus) ou férocement anti-colonialistes concernant les vertus du libre échange (qu'il ne nie pas dans une perspective politique mais ne constate pas d'un point de vue historique) où les bienfaits économiques de la colonisation pour les pays envahisseurs.
Pour le reste, ce tome est comme les précédant: clair, très bien documenté, complet, convaincant et résolument éclairant sur notre monde moderne.