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Ce roman est intéressant à plusieurs titres. D'abord, il relate ce qu'on appellerait aujourd'hui une saga familiale. L'action commence vers 1792 en pleine Révolution, se poursuit sous l'Empire pour s'achever vers 1835. Ensuite, c'est un roman sur la question épineuse des successions. Comment certains s'emploient à déshériter une personne en toute légalité et comment faire pour détourner une succession. Et puis, c'est un roman qui s'intègre parfaitement dans la Comédie Humaine par les nombreuses interactions avec "le colonel Chabert", "le père Goriot" ou "Illusions Perdues".

Mais je commencerais bien par une anecdote personnelle sur Issoudun, sous-préfecture de l'Indre, où se déroule une partie du roman. J'avais lu et beaucoup apprécié ce roman vers l'adolescence. En particulier j'avais bien aimé la description de la ville d'Issoudun d'un point de vue historique et humain. Mais ne me souvenais plus de certains détails. Il y a peut-être une quinzaine d'années, j'avais rencontré des gens, qui étaient originaires d'Issoudun. Et je m'étais écrié : "ah, mais je connais Issoudun à cause du roman De Balzac" ! Et ma remarque avait fait un flop magistral qui m'avait un peu surpris. Et en relisant le roman, j'ai bien rigolé car je ne me souvenais plus, en fait, de la férocité De Balzac en décrivant les habitants (pas arriérés mais presque, pas avares mais pas loin) d'Issoudun …

Comme très souvent chez Balzac, on voit l'écrivain louvoyer entre son attachement à la royauté restaurée (avait-il bien le choix s'il voulait satisfaire quelques petites ambitions ou simplement réussir à être publié ?) et une admiration sinon un respect pour l'Empire et les personnages issus de cette période. En effet, ici, Balzac nous décrit diverses personnes parmi les anciennes gloires des campagnes de Napoléon qui ont refusé d'intégrer les armées royales et qui vivotent avec une demi-solde. Ceux-là complotent entre eux ou traficotent pour s'en sortir. C'est le cas de Philippe, le fils de la famille Bridau à Paris mais aussi de Max à Issoudun. Mais, d'autres personnages issus de cette période ne manquent pas d'intérêt comme le père de Philippe qui fut un fonctionnaire dévoué de l'administration mise en place par Napoléon.

Le coeur du roman, c'est le tableau familial centré sur la mère, Agathe Bridau née Rouget, d'origine issoldunoise, que le père Rouget avait déshéritée en l'expédiant à Paris. Agathe et ses deux fils Philippe et Joseph. Philippe est son préféré malgré son ingratitude, son cynisme et ses habitudes de soudard. Joseph est le personnage que Balzac bichonne. Il respecte sa mère et lui porte assistance. Il a du coeur. Surtout, c'est un travailleur forcené et cherche douloureusement à percer à travers son métier de peintre. Il y parvient peu à peu à la force du poignet grâce à des amis fidèles et à une reconnaissance de son talent : Balzac est en train de parler de lui-même…

Et la Rabouilleuse alors ? Eh bien, c'est le fil rouge du roman. Il s'agit d'une fillette récupérée par le grand-père Rouget dans les marais en train de "rabouiller" l'eau du marais pour faire sortir le poisson de son gîte. Avare, il la prend à son service pour une poignée d'écus. Il se trouve qu'elle devient belle en grandissant ; elle prendra peu à peu conscience de son ascendant, se rendant ainsi indispensable aux vieux grigous qui l'emploient. Elle devient surtout un enjeu dans le débat des successions qui agite la famille sous le regard intéressé et narquois de la bonne bourgeoisie d'Issoudun. de Rabouilleuse elle deviendra même comtesse, mais là, je ne veux pas en dire plus.

La Rabouilleuse est un excellent roman, bien balzacien, où ce n'est pas souvent les gens honnêtes qui remportent la mise. Il se lit d'autant plus agréablement que Balzac laisse éclater une belle ironie tout au long de l'histoire. D'ailleurs je terminerai bien par une des dernières phrases du roman qui témoignent d'un (léger mais certain) persifflage de l'ami Balzac.

"Les bons comtes ont les bons habits"
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L'oeuvre De Balzac fourmille de personnages sinistres. Dans son roman pas très connu La Rabouilleuse, publié pour la première fois en 1842, le lecteur est confronté à une noirceur absolue. On pourrait même dire que ce roman De Balzac est un roman noir par excellence.

On y trouve tous les ingrédients d'un best-seller de l'époque : vol, conspiration, rivalité, meurtre et vengeance. Tout cela n'est pas très beau, et avec les années qui passent, Balzac donne une image de plus en plus sombre de l'humanité, comme il l'a fait dans son dernier grand roman La Cousine Bette.

L'espace ici est trop limité pour rentrer dans les détails de ce roman riche en intrigues, je voulais juste m'attarder un peu à l'ex colonel Philippe Bridau de l'armée napoléonienne qui joue un rôle clé dans cette oeuvre. C'est encore et toujours l'ombre de Napoléon qui plane sur le monde balzacien.

On voit Philippe Bridau sur la jolie couverture de l'édition du Livre de Poche de 1965, caché dans l'ombre derrière Flore Brazier (la rabouilleuse), au regard menaçant et hostile.

Soldat vaillant et partisan inconditionnel de l'empereur, quand l'épopée finit à Waterloo, le monde n'a plus de sens pour Philippe.
Du désenchantement au désoeuvrement, la Restauration et le règne de Louis-Philippe où règnent la cupidité et la mollesse bourgeoise, Philippe Bridau refuse de rentrer dans les rangs, et se transforme en brigand et agitateur acharné. Cynique et impitoyable, tout ce qu'il touche, il finit par le détruire pour arriver à ses fins, jusqu'à sa propre mère.

Bridau est l'exemple typique de ces hommes qui pouvaient uniquement accomplir leur destinée sous les drapeaux impériaux ; quelque autre condition de vie leur enlevait tout sentiment de vigueur et de noblesse. Ils n'avaient d'autre choix que de se réfugier dans l'ombre d'une société qu'ils condamnaient, puisqu'elle avait condamné leur héros au confinement à Sainte-Hélène.
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Difficile de noter un classique, non pas qu'il soit forcément meilleur qu'un roman de l'année, ce n'est juste pas comparable...
Mais pourquoi d'ailleurs ? Peut être parce qu'un roman du XIXe siècle ne correspond plus tout à fait à nos attentes et à nos habitudes en matière de fiction et que le plaisir qu'on tirera de sa lecture ne viendra qu'au prix d'un certain effort d'adaptation.
Dans le cas de la Rabouilleuse, l'effort porte précisément sur la partie financière du récit : Comment se gérait et éventuellement se cédait une rente en 1820 ? Balzac accumule les détails, sans doute très exacts, sur les dettes d'une famille et les acrobaties financières accomplies pour les éponger. Cela donne de longues pages peu dramatiques qu'il faut trouver la force de lire (ou l'audace de sauter) avant d'arriver à Issoudun où le lecteur est récompensé. Car le roman y devient épique et la lutte entre les captateurs d'héritage acharnée : un grand moment de littérature sur l'avidité et la mesquinerie de province !
Deux pistes pour trouver une actualité à ce roman :
1. je viens de voir Killer of the flower moon au cinéma et je suis frappé par la ressemblance entre ces deux histoires de spoliation de fortune : Scorcese aurait il réalisé un film balzacien ?
2. je dois bientôt aller à Issoudun. Si j'en crois Maps, Balzac a respecté le plan de la ville. Je vous dirai dans un commentaire si l'âme des personnages hante toujours les rues de la ville...


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C le chef d oeuvre De Balzac. Je suis très étonné que ce roman soit moins connu que Grandet, Goriot etc..surtout, surtout, ce roman annonce Flaubert, il y a dans la première partie un style, un rythme, que l on retrouvera dans l éducation sentimentale, Zola, comment ne pas penser à Nana, et Maupassant, comment ne pas penser à Georges Duroy quand on suit le destin de Philippe...la rabouilleuse et le roman fondateur du Roman moderne français.
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Un très bon cru! Dans les meilleurs que j'ai lus De Balzac

D'abord un titre intrigant : que veut donc dire "La Rabouilleuse" ? 

"Rabouiller est un mot berrichon qui peint admirablement ce qu'il veut exprimer : l'action de troubler l'eau d'un ruisseau en la faisant bouillonner à l'aide d'une grosse branche d'arbre dont les rameaux sont disposés en forme de raquette. Les écrevisses effrayées par cette opération, dont le sens leur échappe, remontent précipitamment le cours d'eau, et dans leur trouble se jettent au milieu des engins que le pêcheur a placés à une distance convenable. Flore Brazier tenait à la main son rabouilloir avec la grâce"

La Rabouilleuse est donc une très jeune fille de douze ans, une orpheline que le docteur Rouget va prendre à son service pour cent écus de gages et cent écus à son tuteur. Habillée, instruite, elle "réchauffait la vieillesse" du vieux docteur de 72 ans...A la mort du vieillard, elle passe au service de Jean-Jacques, le fils du docteur dont tout Issoudun murmurait "c'est un imbécile" et va exercer son ascendant sur ce benêt. 

La Rabouilleuse n'est pas le personnage central du roman (gros roman). Elle n'apparait que tardivement dans l'histoire : le roman familial de la famille du Docteur Rouget, père d'un fils Jean-Jacques qu'il a favorisé au détriment d'Agathe délaissée. Cette dernière, mariée à un fonctionnaire d'Empire exemplaire, se retrouve veuve avec deux fils. Philippe, soldat de Napoléon, officier de la Garde, est son préféré

"Pour Philippe, l'univers commençait à sa tête et finissait à ses pieds, le soleil ne brillait que pour lui."




il causera la ruine de sa famille. Tandis que Joseph, l'artiste, se consacre à son art et à sa mère. Dans la misère, Agathe tente de regagner sa part d'héritage que son frère risque de céder à la Rabouilleuse, sa maîtresse.

Chez Balzac, les affaires d'argent sont souvent le moteur de la société.

Agathe et Joseph partent donc à Issoudun pour éviter la captation de son héritage. le moyen de gagner cette affaire est d'opposer la Religion à l'influence de Flore Brazier.




"Votre avoué ne connaît pas la province, dit le vieil Hochon à madame Bridau. Ce que vous venez y faire ne se fait ni en quinze jours ni en quinze mois ; il faudrait ne pas quitter votre frère, et pouvoir lui inspirer des idées religieuses. Vous ne contreminerez les fortifications de Flore et de Maxence que par la sape du prêtre. Voilà mon avis, et il est temps de s'y prendre. — Vous avez, dit madame Hochon à son mari, de singulières idées sur le clergé."

[...]
"Votre fortune sera le résultat d'un combat entre l'Église et la Rabouilleuse."

Encore une fois Philippe va faire capoter ce plan....

C'est un roman touffu (381 pages), très riche où de nombreux thèmes seront abordés : l'éducation par les femmes

"Les femmes sont des enfants méchants, c'est des bêtes inférieures à l'homme, et il faut s'en faire craindre, car la pire condition pour nous est d'être gouvernés par ces brutes-là !"

Sans autorité paternelle, Agathe serait responsable de la dépravation de Philippe.

"Quelque tendre et bonne que soit la Mère, elle ne remplace pas plus cette royauté patriarcale que la Femme ne remplace un roi sur le trône ; et si cette exception arrive, il en résulte un être monstrueux."

Bien sûr, le contexte historique n'est pas négligé par Balzac. On devine comment, pendant la Révolution, le Docteur Rouget va accumuler une collection de tableaux de maîtres, dont il ignore totalement la valeur. On assistera à la gloire puis à la déchéance des soldats de l'Empereur : Philippe et aussi Maxence, ont gagné leur gloire pendant les combats ; démobilisés ils connaissent toutes les dérives. A la Restauration, les bonapartistes deviennent des parias mais nombreux sauront s'adapter et faire fortune...

Vie quotidienne à Paris et à Issoudun, dépeinte avec précision et vivacité. Balzac  nous fait vivre plusieurs décennies : voyage dans le temps.

Un excellent Balzac, vous dis-je!









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Voilà un Balzac haletant et plein de rebondissements ! Ce sont les habituelles ficelles balzaciennes : famille, rivalités, femme fatale, gros héritage, cancans de province et quelques calculs financiers qui ponctuent tout cela. C'est extrêmement bien écrit, bien décrit, on suit la fratrie Bridau de Paris à Issoudun, de la mère à l'oncle. La figure de la manipulatrice Flore Brazier est géniale, entre le premier portrait et le dernier, la plume De Balzac est fulgurante. Les mauvais semblent vainqueurs mais seront bien punis. Les gentils passeront par toutes les phases du désespoir mais seront récompensés. Un bonheur à lire !
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Nous sommes ici devant une énigme : comment expliquer que ce roman, un des meilleurs de la Comédie humaine, soit aussi peu connu chez nous et mieux perçu à l'étranger ? Comment expliquer pourquoi ce roman, un des plus âpres, un des plus beaux, un des plus évocateurs sur le pouvoir de l'argent, comprenant certains portraits d'hommes et de femmes parmi les plus réussis, abordant les plus grands thèmes balzaciens (l'argent, la famille, l'amour, la gloire et la déchéance, etc.), comment expliquer que ce roman soit relégué au deuxième voire au troisième rang des grands succès De Balzac ? Il y a là un mystère, que Sherlock Holmes lui-même ne saurait résoudre.
Mais peut-être m'emballé-je, peut-être m'abuse-je, peut-être me trompe-je… Il est vrai que j'ai adoré ce roman (bien plus que d'autres mieux côtés comme « le Lys dans la vallée » par exemple) et vous me direz que tout est subjectif, vous aurez raison et j'opinerai sans restriction. Cela dit, je le maintiens, « La Rabouilleuse » est un grand Balzac.
Une « rabouilleuse » dans le parler de la région d'Issoudun (Berry) qualifie une personne, jeune fille généralement qui se sert d'une branche pour ramener les poissons ou les écrevisses vers les viviers. Flore Brazier est une rabouilleuse. Recueillie toute jeune par le docteur Rouget elle est au centre de toutes les intrigues qui tournent autour de la famille du docteur. A sa mort, celui-ci il laisse un fils, Jean-Jacques, et une fille, Agathe. Jean-Jacques prend Flore pour maîtresse qui de son côté prend Maxence pour amant. (Bon, ça, c'est fait !). de son côté, Agathe s'est mariée à Paris avec Bridau, un brave homme qui lui a donné deux fils : Philippe, un ex-soldat de l'Empire devenu demi-solde, débauché et malveillant (un cousin Pons qui serait passé du côté obscur) et Joseph, un peintre au naturel honnête et bon. Les rumeurs venant d'Issoudun n'étant pas favorables (l'héritage étant tout passé à Jean-Jacques et Agathe se trouvant déshéritée), la famille vient voir ce qui se passe dans l'Indre. C'est un fiasco, Jean-Jacques, Flore et Maxence se liguant contre ces empêcheurs d'hériter en rond. Philippe tente sa chance tout seul avec un peu plus de réussite : il tue Maxence en duel, oblige Jean-Jacques à épouser Flore, puis à la mort (opportune) de celui-ci, il épouse à son tour la rabouilleuse qu'il rejette aussitôt sur le pavé de Paris, où la pauvre tombe dans la prostitution, la pauvreté et la mort. Devenu riche et comte, il néglige sa mère malade, et ne peut éviter la conscription : il doit partir pour l'Algérie où il meurt sur un champ de bataille. du coup, toute sa fortune revient à son frère Joseph.
L'argent est bien sûr le thème majeur : l'argent de la succession, qui passe sous le nez d'Agathe, celui qui permet à l'ex-demi-solde de paraître dans le monde, celui qui lui permet de magouiller avec le baron Nucingen. Inversement, c'est celui qui manque cruellement aux autres personnages. Les relations entre membres de la famille forment aussi un bon sujet de discussion : Agathe ne jure que par Philippe et dédaigne Joseph, l'amour maternel étant semble-t-il encore plus aveugle que l'amour tout court. Au milieu de tout cela, nous avons Flore, magnifique portrait d'une femme qui saisit toutes les occasions pour se sortir de sa condition (ne l'oublions pas, elle sort du ruisseau… au sens propre). Femme belle, désirable et désirée, elle joue de ses charmes et volontaire, arrive à ses fins, jusqu'au moment où elle tombe sur plus fin qu'elle, et surtout plus mauvais : l'infâme Philippe !
Balzac ici est au sommet de son art. Il faut vraiment remettre ce roman en lumière. Il contient en filigrane tous les grands thèmes exposés dans la Comédie humaine, et de plus démontre, si besoin en était, à quel point Balzac était un analyste pointilleux de la société de son temps, mais aussi de la nature humaine.
Et que du seul point de vue de l'écriture, il était une sorte de génie.
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Encore un livre peu connu d'Honoré de Balzac : La Rabouilleuse… Quand le romancier poursuit sa grande histoire de moeurs tout en l'abordant par le biais de l'Histoire.

La Rabouilleuse est un roman foisonnant car il dénonce une société fondée sur le seul pouvoir de l'argent, un monde où la puissance n'est plus aux militaires mais aux financiers, tout en réunissant toutes les thématiques chères à Balzac : la famille, l'amour intéressé et désintéressé, l'ambition dévastatrice, l'égoïsme bourgeois… L'auteur l'écrit alors qu'il prépare la publication de l'ensemble de son oeuvre sous le titre La Comédie humaine. La coïncidence n'est pas anodine.
Ce livre est la réunion de deux récits, Les deux frères, publié dans la presse en mars 1841 et Un ménage de garçons en province, datant d'octobre-novembre 1842, et démontre l'architecture mouvante de la Comédie humaine.
Malgré une double localisation en opposition, Paris et Issoudun, La Rabouilleuse a finalement été placé des les Scènes de la vie de Province.
Le titre vient du surnom donné à l'une des protagonistes, une fillette innocente qui « rabouille », c'est-à-dire qui trouble l'eau d'un ruisseau avec une branche d'arbre pour effrayer les écrevisses et faciliter leur prise… Cette figure métaphorique sera filée dans tout le récit, comme un brouillage par ondes successives, de plus en plus larges.

Une partie de l'intrigue renvoie d'abord à une histoire de séduction et de manipulation…
Balzac nous raconte les malheurs d'un vieux garçon pas très malin, Jean-Jacques Rouget, amoureux de Flore Brazier, une jolie paysanne sans scrupules, surnommée « la Rabouilleuse ». La rumeur raconte qu'il a succédé à son père dans le lit et à la table de la servante de la maison et qu'il va aussi la coucher sur son testament…
Dans ce roman, il n'y a pas d'amour heureux ; ceux qui aiment sincèrement s'attachent aux mauvaises personnes.

C'est une histoire de famille complexe… Lors de ma première lecture, en 2013, j'avais dessiné un arbre généalogique pour m'y retrouver dans la quinzaine de personnages, entre la descendance des Descoings et celle des Hochon, sachant que les principaux protagonistes sont issus des deuxièmes et troisièmes générations.
Agathe Rouget, épouse Bridau, est une fille mal aimée, puis une veuve désargentée, mère courage de deux frères éternellement rivaux, qu'elle élève avec l'aide de sa tante Mme Descoings.
Philippe Bridau embrasse la carrière militaire ; chef d'escadron et officier de la Légion d'honneur, il refuse de se rallier aux Bourbons, devient un « bonapartiste de café », détourne des fonds en volant dans la caisse d'un journal libéral ou il a un petit emploi, joue, vole son frère et Mme Descoings, ruine sa pauvre mère. Joseph, quant à lui, est un bon fils et un artiste méconnu qui ne parvient pas à imposer une peinture trop novatrice pour être appréciée par ses contemporains.
Balzac parle de mariage et de ménage, opposant deux notions de la vie de couple, mettant même en scène un ménage à trois entre Flore Brazier, Jean-Jacques Rouget et Max Gillet. Flore Brazier est celle que l'on remarque, que l'on désire, mais que l'on n'épouse pas. Tout au long du roman, elle conserve un statut inférieur et n'entre jamais vraiment dans le marché matrimonial : tour à tour servante-maitresse de Jean-Jacques, maitresse de Max, tante de Joseph, épouse de Jean-Jacques puis de Philippe, qui en fait une éphémère comtesse de Brambourg, elle retourne finalement au ruisseau.

Les liens de paternité et de maternité sont au coeur du roman avec un affaiblissement du rôle des pères et une certaine idée valorisante de la maternité. Autour d'Agathe, la veuve Descoings et Mme Hochon jouent le rôle de mères bis.
La paternité est remise en question, présentée comme douteuse ; ainsi, au début, le docteur Rouget à des soupçons sur la légitimité de sa fille Agathe et, plus tard dans le récit, une dispute éclatera au sujet de la paternité de Gilet, ce qui rendra un peu singulier le futur ménage à trois. En outre, le seul père exemplaire, Bridau père, disparaît vite du récit et le seul personnage de la troisième génération dont la légitimité n'est pas mise en doute, Jean-Jacques Rouget, est infantilisé…
Flore Brazier est une fille sans père…
Balzac explore l'hérédité, les ressemblances… Ainsi Philippe est tout le portrait de son grand-père comme si le mal avait sauté une génération.

Les deux intrigues se rencontrent quand Agathe Bridau, ruinée, après avoir renié son fils indigne, cherche à se rapprocher de son frère Jean-Jacques Rouget, se déplace avec Joseph à Issoudun et apprend ainsi qu'il s'apprêterait à la déshériter au profit de sa maîtresse et de l'amant de coeur de celle-ci, MaxGilet, lui aussi ex-soldat de l'Empereur et champion local de l'Opposition. de son côté, Philippe Bridau entend bien rattraper la succession à son bénéfice exclusif.
En effet, la question de l'argent est cruciale dans ce roman… le docteur Rouget a éloigné sa fille Agathe pour des manigances successorales, Flore Brazier et Max Gillet lorgne vers l'héritage de Jean-Jacques Rouget, Agathe et Joseph veulent faire valoir leurs droits héréditaire et Philippe veut duper tout le monde.
Les anciens bonapartistes vivent chichement, en demi-solde.

Enfin, c'est un roman historique, politique et social où les personnages référentiels et fictionnels ont la même réalité. Balzac, profondément royaliste, donne à son narrateur une posture critique et ironique sur la Révolution, vue comme propice aux délations, à la lâcheté, à l'arbitraire, à l'aveuglement.
Balzac s'interroge aussi, au travers des personnages de Bridau père, de son fils Philippe et de Max Gillet, sur le devenir des bonapartistes pendant l'exil de Napoléon à Sainte-Hélène. Après des ascensions fulgurantes, que deviennent-ils sous la Restauration ? Intransigeants, incapables de s'adapter, Philippe Bridau et Max Gillet sont marginalisés. Ils sont comme des orphelins de père et Napoléon est métaphoriquement représenté comme une figure paternelle de substitution. Balzac insiste sur leurs « moeurs soldatesques ».
Sur le plan historique, on ne reçoit pas La Rabouilleuse aujourd'hui, avec le recul, comme au temps de son écriture par Balzac, en 1842. L'auteur et ses lecteurs n'avaient alors pas beaucoup de possibilité de prise de distance pour interpréter les faits ; en effet, le temps de la fiction est compris entre 1815 et 1835 ou disons, dans une coupe plus large entre 1792 pour l'incipit et 1839 pour l'épilogue…

J'ai relu ce livre et repris d'anciennes notes de lecture et d'études avec un immense plaisir d'autant plus que j'avais délaissé mon projet de lecture de l'ensemble de l'oeuvre balzacienne depuis plus de six mois.
Je recommande ce roman complexe, cruel, tragique…

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Un roman en deux temps où finalement la Rabouilleuse du titre n'a qu'un rôle secondaire (définition du Robert : la rabouilleuse est un personne qui trouble l'eau pour effrayer et pêcher les écrevisses).
Premier temps, à Paris, Agathe est une femme heureuse. Pourtant rejetée par son père qui laisse son héritage au frère aîné, celle-ci est mariée à un fonctionnaire de l'empire qu'elle aime tendrement et qui lui a donné deux garçons. L'homme est un élément capital auprès de Napoléon mais a la mauvaise idée de passer l'arme à gauche avant une grande promotion. Donc le train de vie d'Agathe diminue déjà d'un cran. Puis à la mort de l'empereur, de nouveau un cran en moins. Ensuite c'est sa tante qui la spolie d'une partie de son patrimoine, et hop un cran en moins. Enfin la dame a le malheur d'avoir un garçon, Paul Le benjamin, qui veut devenir artiste peintre (donc condamné à la pauvreté) et l'aîné, Philippe, militaire pour l'empire (le préféré à sa maman) qui se révèle bringueur, joueur et surtout voleur. Ainsi Agathe perd le peu de patrimoine qui lui restait.

Second temps, elle décide alors de partir à Issoudun (l'office du tourisme de la ville ne lui dit pas merci), rejoindre son frère aîné, héritier de la fortune familiale et célibataire, espérant que celui-ci cède à ses fils un peu de son trésor. Mais l'homme est prisonnier d'une femme, la fameuse Rabouilleuse, qui avec l'aide de Maxence son amant tente de capter l'héritage du vieil homme. Il faut dire que Jean-Jacques Rouget est un homme faible et un crétin en plus d'être richissime. La tentative d'Agathe et de son fils artiste échoue lamentablement et Philippe décide alors de reprendre les choses en main. S'ensuivent alors tractations et manoeuvres entre les deux partis pour récupérer l'argent du riche célibataire.

Voici un roman De Balzac qui n'est pas des plus connus et qui pourtant est extrêmement intéressant. Les personnages sont complexes, l'intrigue est très bien menée, les thèmes sont nombreux, l'humour balzacien y est constamment présent. Une sombre vision de la société où les forts dominent les faibles, où le mal domine le bien. Un roman où la bonté et la piété sont piétinées par l'avarice, l'égoïsme, la brutalité, la malhonnêteté…
Seul bémol, Balzac ne semble avoir aucune pitié pour Flore, la Rabouilleuse, qui pourtant a été achetée à son père à l'âge de 12 ans et qui de fait devint la maîtresse du docteur Rouget puis de Jean-Jacques son fils. Si son attitude est loin d'être généreuse dans l'histoire, au moins a-t-elle des circonstances atténuantes.
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Excellentissime roman, qui tient en haleine de bout en bout, peut-être celui où se révèle le plus le talent de conteur du grand Balzac. Turpitudes humaines liées à l'appât du gain y côtoient générosité et désintéressement de la mère et de l'artiste, mais on ne peut s'empêcher d'être fasciné par les méchants de l'histoire, dont l'affrontement annoncé a la saveur d'un "Duel au soleil" ou, mieux, de "la Brute et le Truand" (pardon à Léone pour cette amputation). Un dernier mot : que le lecteur soit patient, la rabouilleuse - personne qui touille le ruisseau pour faire sortir les écrevisses de leur trou - n'apparaît qu'au milieu du bouquin.
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