Le Lys dans la vallée /
Honoré de Balzac
Avec pour cadre la belle vallée de l'Indre si chère à
Balzac, ce roman conte l'histoire d'amour de la comtesse Henriette de Mortsauf, vertueuse épouse du comte de Mortsauf âgée de 28 ans et du vicomte Félix de Vandenesse, jeune aristocrate de 22 ans.
Félix est un bel homme, charmeur et doué, qui a connu une enfance solitaire et malheureuse . « À douze ans, mon extase fit éclore en moi des songes inénarrables qui meublèrent mon imagination, enrichirent ma tendresse et fortifièrent mes facultés pensantes. »
Plus tard, Félix connaît les tourments d'une imagination sans cesse agitée de désirs réprimés et les ennuis d'une vie attristée par de constantes privations et se jette alors dans l'étude comme en religion. « Pour moi, l'étude était devenue une passion qui pouvait m'être fatale en m'emprisonnant à l'époque où les jeunes gens doivent se livrer aux activités enchanteresses de leur nature printanière…C'était le bel âge où la bouche est vierge de mensonges, où le regard est franc, quoique voilé par des paupières qu'alourdissent les timidités en contradiction avec le désir, où l'esprit ne se plie point au jésuitisme du monde, où la couardise du coeur égale en violence les générosités du premier mouvement. »
Lors d'une soirée, Félix est bouleversé par la beauté d'une femme, une créature céleste dit-il, et ne pouvant résister à une pulsion, dépose un baiser sur son épaule nue alors qu'elle lui tourne le dos. La réaction quoique nuancée de la jolie femme ne se fait pas attendre : « La pourpre de la pudeur offensée étincela sur son visage, que désarmait déjà le pardon de la femme qui comprend une frénésie quand elle en est le principe, et devine des adorations infinies dans les larmes du repentir. Elle s'en alla par un mouvement de reine. »
Lors de vacances en Touraine, séjournant à Frapesle, domaine de la famille de Chessel, Félix découvre que la belle est la Comtesse Henriette de Mortsauf du domaine de Clochegourde. La rencontre a lieu par l'entremise de de Chessel ami de la famille. Dès cet instant la vie de Félix bascule : « Mon âme avait absorbé mon corps, je ne pesais pas, je ne marchais point, je volais. Je naissais à une autre vie. Je m'endormis en des langes de pourpre. »
Henriette de Mortsauf, victime du devoir, est-elle une femme innocente ou bien refuse-t-elle de comprendre qu'elle est désirée ? Plaçant se deux enfants en écran, elle tente de résister aux assauts courtois de Félix de Vandenesse, supportant le caractère féroce et hargneux de se son mari , Comte de Mortsauf. Malade imaginaire, égoïste, d'humeur atrabilaire, il délaisse son épouse tant et si bien qu'on se demande comment il a pu lui faire deux enfants.
Peu à peu Félix est travaillé par des idées folles que lui inspirent d'intolérables désirs alors qu'Henriette demeure calme et pure. On se demande au fil des pages quelle est la nature des sentiments d'Henriette : aime-t-elle Félix comme un fils en voulant jouer le rôle d'une mère de substitution pour ce jeune garçon (c'est ce qu'elle prétend) ou comme un ami, ou comme un amant potentiel, ce qu'elle ne veut pas qu'il devienne . Elle restera pour lui une amante inatteignable, agréant son amour, mais pour l'épurer en une passion platonique et presque mystique. Félix reste son confident.
Félix avec l'appui du père d'Henriette, duc de Lenancourt, obtient un poste brillant de maître des requêtes au Conseil d'État auprès du roi Louis XVIII. Nous sommes alors en 1817. Félix fait la rencontre d'une belle et hardie anglaise au caractère bien trempé, lady Arabelle Dudley qui fait sa conquête et devient sa maîtresse. Il devient alors le jouet de deux passions inconciliables dont il éprouve alternativement l'influence, car il aime un ange et aime un démon, deux femmes également belles, parées l'une de toutes les vertus que nous meurtrissons en haine de nos imperfections, l'autre de tous les vices que nous déifions par égoïsme.
Les dernières pages de ce monumental roman portent la marque de la puissance
De Balzac, elles sont pathétiques et grandioses, tant par l'émotion que par la morale qui s'en dégagent. On découvre alors que Madame de Mortsauf, sans rien perdre de son charme et de sa pureté a la vérité complexe d'un être de chair en connaissant la jalousie.
Tout au long du récit, Félix de Vandenesse, le narrateur, s'adresse sous la forme d'une longue lettre à Natalie comtesse de Manerville, son amante du moment (nous sommes en alors en 1835), en lui livrant son passé. Celle-ci lui répondra par une lettre de rupture ne voulant être comparée à Madame de Mortsauf ni à lady Dudley.
Ce roman largement autobiographique rappelle les amours entre Madame de Berny et
Honoré de Balzac. Amante de
Balzac, Madame de Berny lui voua un amour quasi maternel, l'encourageant à ses débuts de son affection, de ses conseils en l'initiant aux moeurs et au goût de l'ancien régime.
Tout le génie
De Balzac apparaît dans ce roman où il fait montre d'un immense talent d'observateur allié à une imagination au service d'une foule d'idées pour exprimer le combat de la chair et de l'esprit. On remarquera aussi le rôle essentiel du cadre somptueux de la vallée de l'Indre dont émane un message de volupté, de paix, de sérénité et de pureté. Ce roman poétique, écrit pour l'essentiel au château de Saché situé près de Tours chante avec tendresse la Touraine natale de l'auteur, pour allier la nature et la passion.
Comme l'a dit
Paul Morand, «
le Lys dans la vallée » paru en 1836, c'est
La Princesse de Clèves (paru en 1678) du romantisme, c'est l'attachement au devoir dans les ruines d'une courte existence. »
Un immense chef d'oeuvre !
Extrait : « Elle était le lys de cette vallée où elle croissait pour le ciel, en la remplissant du parfum de ses vertus. »